Philippe MOATI
mars 2011
16 p.

Le commerce physique de biens culturels se trouve pris sous les feux croisés de deux tendances lourdes. La révolution numérique a d’abord fait naître un nouveau circuit de distribution – le commerce électronique –, lequel a immédiatement trouvé dans le domaine culturel l’un de ses terrains de développement les plus actifs. Elle a ensuite rendu possible la dématérialisation des contenus culturels : des fichiers informatiques, délivrés de machine à machine, deviennent des concurrents directs des supports physiques que sont le CD, le DVD, le cédérom, la cartouche de jeux ou même le livre. Cette dématérialisation s’accompagne de l’expérimentation de formes inédites de fourniture des contenus, très largement en dehors des circuits de distribution physique. Mais la distribution de produits culturels, comme l’ensemble du commerce de détail, se trouve également embarquée dans une révolution commerciale qui conduit à une redéfinition progressive mais profonde des caractéristiques de l’appareil commercial, des compétences associées à l’exercice du métier de commerçant, voire des formes de satisfaction des besoins des consommateurs. Confrontée à de nouvelles concurrences, à des habitudes de consommation en évolution rapide, à la contraction très significative de certains de ses marchés phares…, la distribution physique de biens culturels est entrée dans une phase de turbulences qui invite ses acteurs à définir des stratégies d’adaptation et qui conduira immanquablement à modifier profondément les structures du secteur. Tenter d’anticiper comment les contenus culturels seront mis à la disposition du public dans les prochaines années est un préalable indispensable à l’identification des futurs possibles pour le commerce physique et à la définition de stratégies d’adaptation pertinentes.

Si le commerce physique des biens culturels reste le maillon économique central de l’économie de la création, quel est son avenir dans le contexte de la révolution numérique qui tend à déstructurer les filières par le double effet de la dématérialisation des contenus culturels et de la migration d’une partie de l’offre et des transactions dans l’univers numérique ? L’exercice prospectif à court terme (horizon 2015) tente, à partir de l’identification des tendances lourdes et de l’observation des stratégies actuelles d’adaptation des acteurs, d’envisager trois scénarios d’évolution des filières dans quatre secteurs culturels : musique enregistrée, livre, jeu vidéo et films en vidéo.

Although the physical trade in cultural goods remains the central link in the chain of the creative economy, what future does it face in the context of the digital revolution, which is demolishing traditional industries through the double whammy of dematerialising cultural content and the partial migration of supply and transactions into the digital sphere? This short-term (i.e. up to 2015) predictive exercise takes both the identification of the major trends and the observation of the various players’ adaptive strategies as a basis for predicting three likely future industry outcomes within the four cultural sectors of recorded music, books, video games and recorded films.