Sept projets de recherche ont été sélectionnés par le ministère de la Culture et de la Communication en réponse à l'appel à projets «Pratiques interculturelles dans les institutions patrimoniales 2013».

Rappelons que par cette démarche incitative, le ministère souhaite mieux connaître la façon dont les institutions patrimoniales (musées, centres d’archives, bibliothèques, services patrimoniaux de collectivités locales) prennent en compte la complexité des sociétés contemporaines et les changements culturels mondiaux.

Les projets sélectionnés

> Pratiques transverses de patrimonialisation. Bibliothèques, art et patrimoine. De la construction des savoirs, des faits et des objets culturels en patrimoine graphique.

Participants : Association Transverscité - Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône - Laboratoire d’études en sciences des arts (LESA) CNRS-Université d’Aix-Marseille - Association En Italique - Mairie des 2e et 3e arrondissements de Marseille - un artiste indépendant et auteur

Résumé : Dans quelle mesure les pratiques de patrimonialisation peuvent-elles être interrogées au prisme de l’interculturalité dont elles sont peut-être à l’origine ? Pour résoudre cette question vertigineuse, nous rendrons compte de pratiques traverses de patrimonialisation à la croisée de pratiques artistiques et patrimoniales. Leur étude vise à comprendre comment se produit une hétérogenèse du patrimoine qui interroge les politiques publiques en matière de patrimoine et de création artistique.
1° Du point de vue des processus de patrimonialisation dont elle relève : qui fait patrimoine et selon quels procédés ?
2° Des formes de patrimoines qui en découlent : quels savoirs, faits et objets culturels pour quel devenir patrimonial ?
3° En quoi ces objets patrimoniaux émergents rebattent-ils les cartes des légitimités entre acteurs institutionnels ou pas du patrimoine et redéfinissent-ils les métiers et les fonctions des bibliothèques ?
Nous suggérons que les pratiques transverses de patrimonialisation génèrent des espaces latéraux de patrimonialisation au sein desquels des acteurs s’activent à dégager des devenirs patrimoniaux qui remettent en jeu les schémas sociaux et normatifs qui codifient le patrimoine. Nous saisirons au fil de l’étude l’interculturel sous l’aspect d’effets d’altérité pour identifier à l’origine de quel type de changement patrimonial ils se trouvent.

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> Reconnaissance, conservation et transmission de la diversité des témoignages sur les objets du patrimoine sensible en contexte interculturel : pratiques collaboratives et médiation numérique en musée.

Participants : Université Lille Nord de France-Lille3, laboratoire GERiiCO CNRS - Musée naval de Québec, Québec, Canada - In Flanders Fields Museum, Ypres, Belgique - Direction de la Culture, Département du Nord, France - Université Lille Nord de France-UVHC, laboratoire De Visu CNRS - Musée de la Résistance de Bondues, France

Résumé : Le projet vise d’une part, à faire émerger et sélectionner au sein des musées partenaires des témoignages diversifiés sur des objets du patrimoine liés aux guerres mondiales, et d’autre part, à expérimenter et évaluer des dispositifs numériques de médiation pour des publics internationaux. L’objectif est de développer la réflexion et les pratiques intercuturelles autour de productions de documents numériques intégrant des vidéogrammes.
Le travail de recherche participe à la documentation et à la médiation des collections en liant les objets aux témoignages de collectionneurs, de donateurs, de témoins, grâce à une reconnaissance de la diversité des compétences de ces acteurs dans des pratiques collaboratives. Ce processus collaboratif permettra de prendre en compte la diversité des contextes culturels auxquels ces objets sont rattachés autant par la dimension mondiale du conflit que par la circulation mondialisée des pièces dans les démarches de patrimonialisation. Il s’agit également, grâce au potentiel du numérique, d’enrichir les fiches d’objet de documents audiovisuels et de rechercher pour les publics des modes de médiation des objets qui relient patrimoine matériel et immatériel dans une même scénarisation et autorisent une confrontation de points de vue. Le projet développera un protocole de transférabilité de la méthodologie tant sur le plan des processus de captation/traitement/implantation que sur la méthode collaborative.

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> La place de la création contemporaine dans la patrimonialisation de l’immigration à la CNHI, ses effets sur les pratiques interculturelles (équipes du musée, artistes, visiteurs) et sa façon d’interroger les liens entre art et interculturalité au musée.

Participants : Association Pavages - Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) - Laboratoire IIAC-LAHIC CNRS

Résumé : L’objet du projet de recherche réside en la compréhension, à la CNHI, de la façon dont la création contemporaine, en autorisant une approche sensible et subjective, permet (ou non) de dépasser les catégories interculturelles classiquement associées à l’immigration et à sa mise en patrimoine. Son enjeu est de replacer l’action de la CNHI dans le contexte international des pratiques interculturelles dans les institutions patrimoniales, notamment en termes d’usages sociaux de l’art, et de travailler de façon réflexive sur les manières de faire de la recherche au musée et sur le musée.
Dans quelle mesure le contact de l’institution avec les artistes l’encourage-t-elle à réviser ses catégories, à aborder le langage des altérités sous un angle renouvelé, évitant le double écueil du paradigme assimilationniste et du communautarisme ? Quel est l’effet, réciproquement, sur les artistes, du contact avec l’institution ? Comment les visiteurs interprètent-ils la création contemporaine à la CNHI ? Quelle part prend-elle dans leur appréhension de l’interculturalité ? Quelles synergies le programme de recherche crée-t-il, entre chercheurs et équipes du musée ?
L’approche est d’orientation ethnographique et réflexive. Trois volets méthodologiques sont envisagées :
- une analyse de la place de la création contemporaine dans les fonds du musée de la CNHI, ses expositions et sa programmation éducative et culturelle;
- une triple enquête qualitative, auprès des personnels de l’institution (notamment conservateurs et médiateurs), des artistes concernés et des visiteurs (réception);
- un dispositif collaboratif, de suivi et de coélaboration de la recherche.

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> Présences de la culture : le renouveau du « folklore » ? Patrimoine culturel immatériel, reconnaissance et transmission de la culture occitane.

Participants : Centre Georges Chevrier, Université de Bourgogne - Centre interrégional de développement de l'occitan (CIRDOC) - Collectif Patrimoines et créations

Résumé : Élaboré en partenariat avec le CIRDOC, Centre interrégional de développement de l'occitan, ce projet a pour objectif de prendre la mesure de la «présence» de la culture occitane dans l'espace du Languedoc-Roussillon et d'apprécier l'opportunité que peut constituer l'option du patrimoine culturel immatériel (PCI) dans un procès de reconnaissance engagé de longue date. Au regard de la singularité du «dispositif PCI», en tant, d'une part, qu'il promeut l'idée d'un «patrimoine vivant», nous nous intéresserons particulièrement aux modalités selon lesquelles une poétique de la langue et une poétique du folklore sont mises en oeuvre et portées par la création théâtrale dans le cadre de revitalisations de fêtes et de rituels festifs. D'autre part, en tant que le PCI introduit l'idée de participation, nous nous positionnons au sein d'une dynamique engageant la participation d'une pluralité d'acteurs – militants associatifs, acteurs institutionnels, chercheurs, artistes... –, qui conditionne notre méthodologie. Celle-ci, appuyée sur la notion de «forum hybride», vise la création d'un espace de débats où se confronteront théories et pratiques de la culture, du folklore, et de l'ethnologie. Au croisement de l'activité de recherche et de l'activité de forum, il s'agit de faire émerger et reconnaître à la fois les singularités contemporaines de la culture occitane, les moyens de les inventorier et de les transmettre, et les compétences à les représenter.

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> L'atelier numérique de l'histoire et des mémoires des migrations en Méditerranée

Participants : Association ANCRAGES - Laboratoire TELEMME CNRS-Université d'Aix Marseille - IIAC-CEM CNRS - Villa Méditerranée (Marseille)

Résumé : Le projet part du constat du manque de mutualisation entre les différents types d'acteurs mobilisant les mémoires des migrations et de transversalité des projets. Les partenaires principaux du projet (Ancrages, Villa Méditerranée, UMR Telemme, IIAC) abordent distinctement la patrimonialisation des migrations en fonction de leur contexte, point de vue et moyens mais en partageant la volonté de promouvoir une approche transnationale éclairant les nouveaux usages notamment numériques. En Méditerranée, le numérique émerge comme élément central dans la redéfinition de la dimension participative et de celle des territoires, ainsi que dans les formes d'expression et valorisation des mémoires, orientant les questionnements des acteurs. Au cours de deux journées d'étude, qui seront préparées et coordonnées par les partenaires, les intervenants seront invités :
- à dresser un état des lieux sur l'avancement des études et des pratiques permettant d'identifier les usages existants et innovants des mémoires des migrations en Méditerranée;
- à mener une réflexion commune sur opportunités et risques induits par la surproduction et la surreprésentation des produits numériques, dans la perspective de repérer une méthodologie pour envisager un espace numérique partagé.

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> Lieux de mémoire(s), lieux d’urbanité. L’ancienne gare de déportation de Bobigny : Penser l'institution patrimoniale comme espace d’interactions dans la ville mobile.

Participants : Association Polimorph - Ville de Bobigny (mission patrimoine mémoriel) - Laboratoire MRTE  (CNRS-Université de Cergy-Pontoise)

Résumé : Les trois partenaires souhaitent développer un projet de recherche-action sur le site de l’ancienne gare de déportation de Bobigny, un site géré par la ville de Bobigny, qui vise depuis 2006 à l’inscrire dans son contexte territorial et social, celui de la banlieue aujourd’hui. Il s’agit d’en faire un lieu de mémoire mais également un lieu de pratique interculturelle et sociale. Au vu des limites constatées, la recherche vise à reconfigurer et infléchir le processus de patrimonialisation avec des outils opérationnels innovants permettant une démarche de patrimonialisation sensible, participative et expérimentale.
Ce projet se positionne comme un cas d’étude concret, permettant de dégager des pistes de réflexion en termes de politique culturelle: dans une ville en mouvement, quels sont les enjeux, les potentiels mais également les limites d’une appropriation par les acteurs de leur patrimoine? Avec quels outils et quels partenariats pouvons nous repenser le patrimoine en lien avec un tissu urbain et social ? 
Cette recherche action se déroulera sur une période de 12 mois et comportera trois phases : élaboration d’un diagnostic partagé, accompagnement du projet de patrimonialisation selon un mode collaboratif, bilan des acquis et valorisation des résultats.

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> L’Enfant d’éléphant, une histoire de l’histoire de l’univers

Participants : Centre d’art et de recherche BETONSALON - Muséum national d'histoire naturelle, département Hommes Natures Sociétés
 
Résumé : « L’enfant d’éléphant » entend cartographier différents récits de l’histoire de l’univers dans le but d’étudier comment des savoirs hétérogènes compilés échangent entre eux, se ressemblent ou se contredisent. Le projet vise à porter un regard critique sur le besoin de l’homme de modeler un monde organisé en un discours unifié, en s’intéressant à des cultures, pratiques et sciences qui ont entrepris l’extraordinaire et utopique tâche de synthétiser les connaissances humaines en un seul objet. Ces tentatives de délivrer une vision totalisante de l’histoire de l’univers seront explorées et analysées par l’artiste Camille Henrot (Lion d’argent, biennale de Venise, 2013) à partir des collections du Muséum national d'histoire naturelle, dans la continuation de ses recherches engagées à la Smithsonian Institution aux USA en 2012 dans les domaines des sciences naturelles, de la cosmologie, de l’anthropologie et de la théosophie. Théories, objets, images, livres seront recensés, reproduits, numérisés, reclassés, réarticulés pour produire des rapprochements inédits entre des artefacts de différents statuts, cultures, disciplines et territoires. Il s’agira ainsi d’altérer les imaginaires et de rendre sensible que le monde déborde la représentation en pointant les tensions entre oralité et accumulation d’objets, rationalité et irrationalité et enfin désordre humain et volonté d’ordonner le monde.