Huit projets de recherche ont été sélectionnés suite à l'appel à projets « Pratiques scientifiques et techniques au regard des politiques culturelles : questions et enjeux » lancé fin 2015.

Soixante-huit équipes ont répondu à l’appel à projets de recherche « Pratiques scientifiques et techniques au regard des politiques culturelles : questions et enjeux » lancé par le ministère de la Culture et de la Communication en octobre 2015. Cette mobilisation des équipes révèle le potentiel existant pour le développement de programmes de recherche sur la culture scientifique, technique et industrielle.

La moitié des projets soumis est portée par des laboratoires de recherche liés à des universités ou de grandes institutions scientifiques (Inra, Cnes…) et un tiers est porté par des associations, la plupart spécialisées dans les sciences et les techniques. Parmi les projets portés par des institutions, ou en partenariat avec celles-ci, on note la présence de plusieurs muséums.

Les sujets proposés sont d’une très grande variété : photographie et cinéma, botanique et biodiversité, collections muséales, usages d’outils numériques, etc.

Plusieurs projets ont un champ géographique et culturel large : comparaisons à l’échelle européenne, département et région d’outre-mer, Afrique, Asie, Québec.

Après expertises des propositions, le jury constitué de représentants du ministère de la Culture et de la Communication, d’institutions, d’associations et d’experts scientifiques, a retenu huit projets de recherche qui recevront un soutien financier du ministère allant de 5.000 à 20.000 euros.

Les projets sélectionnés

> Fukushima dans les règles de l’art

Porteur du projet : Sophie Houdart, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC - UMR7186 CNRS/Université Paris Ouest Nanterre La Défense).

Partenaires : F93, centre de culture scientifique et technique + IIAC, laboratoire de géologie (UMR8177 IIAC/ENS).

Résumé : L’objet que nous nous proposons d’investiguer (la triple catastrophe de Fukushima) impose un déplacement des modes de production, de diffusion et de collecte de la recherche. Il convient donc de déplacer l’appareil méthodologique et théorique ordinaire. N’étant pas les seuls à être confrontés à cette problématique, nous gagnerions à pouvoir nous appuyer sur ce que d’autres collectifs ont pu mettre en place et établir. L’analyse comparée des dispositifs de recherche-création produite par Yoann Moreau dans le cadre de son post-doctorat semble directement opératoire, sur le terrain et dès la fabrique du projet. Son intégration permettra d’introduire et de produire (publication, exposition) une dimension réflexive « de second ordre », c'est-à-dire relative aux modes opératoires (protocoles) de coopération entre sciences et arts, productions scientifiques et culturelles.

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> Des médiations patrimonialisantes: la transmission de la mémoire scientifique, technique et industrielle

Porteur du projet : Cécile Tardy, Groupe d'études et de recherche interdisciplinaire en information et communication (GERiiCO – EA4073 Universités de Lille 1 et 3/École nationale de la protection juridique de la jeunesse-ENPJJ).

Partenaires : Département du Nord + ComUE Lille Nord de France, mission culture et patrimoine scientifiques + Muséomix Nord + Musée d’histoire naturelle de Lille + PROSCITEC, Patrimoines et mémoires des métiers.

Résumé : Notre projet s’intéresse aux médiations patrimonialisantes dans le domaine de la culture scientifique, technique et industrielle et sur le territoire du Nord-Pas-de-Calais. Ces médiations mettent en jeu un processus social de réflexivité (regard d’un groupe social sur sa pratique et sa mémoire) dont dépend la reconnaissance de la valeur patrimoniale de choses ordinaires. Notre approche communicationnelle cherche à comprendre et à accompagner ces modalités de relation (importance du témoignage et de l’expérience culturelle des publics) que notre société construit par rapport à son passé scientifique et technique, et dont la pérennité pose aujourd’hui question. Nous visons l’étude de médiations en cours depuis plusieurs années au sein de petites structures mobilisant notamment des anciens salariés (par exemple dans la verrerie, le transport, les sciences médicales), ainsi que des médiations émergentes pour lesquelles de nouveaux acteurs pensent et conçoivent d’autres situations sociales de réception (médiation-performance, pratiques artistiques, circulation de témoignage…). L’objectif du projet est ainsi de créer les conditions d’un échange et d’un travail collectif entre les acteurs, sur la base de connaissances approfondies d’un ensemble de médiations représentatif d’une médiation patrimonialisante des sciences et techniques et de ses évolutions.

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> L’astronomie spectaculaire: histoire et avenir des performances astronomiques (XIXe-XXIe siècles)

Porteurs du projet : Charlotte Bigg - Centre Alexandre Koyré (UMR 8560 - CNRS/ MNHN/ EHESS) ; Sébastien Soubiran - Jardin des Sciences, Université de Strasbourg ; Kurt Vanhoutte - Université d’Anvers.

Partenaires : Université de Strasbourg - Université d’Utrecht - Université Pierre-et-Marie-Curie - Compagnie artistique CREW - Planétarium Adler (Chicago) - Université libre de Bruxelles.

Résumé : Ce projet à l’intersection de la recherche universitaire (histoire des sciences, études du théâtre et de la performance), de la culture (théâtre, performance multimédia) et de la médiation culturelle des sciences prend les spectacles astronomiques pour objet d’étude, des théâtres scientifiques du XIXe siècle au planétariums du XXIe siècle. À travers la mise en commun et la confrontation des connaissances et savoir-faire professionnels des différents acteurs associés, l’étude interdisciplinaire et l’expérimentation de nouveaux dispositifs et formes d’expression, nous prévoyons d’explorer l’expérience qui est proposée dans ces dispositifs, les cultures dans lesquelles ils s’insèrent, et la manière dont ils rendent compte des évolutions scientifiques, techniques et culturelles. Quelles visions du monde et de l’univers sont élaborées dans les planétariums, quel rôle jouent ces dispositifs et les expériences qu’ils suscitent dans la perception et les imaginaires de la modernité, y compris technologique ?

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> Données numériques, langages et représentations du patrimoine textile en Nord-Pas-de-Calais-Picardie: quelles compréhensions réciproques ?

Porteur du projet : Mathilde Wybo - Institut de recherches historiques du Septentrion (IRHIS - UMR8529 CNRS/Université de Lille 3)

Partenaires : GERiiCO (EA4073 Université Lille 1 et Lille 3) + Union des gens du textile + Université populaire et citoyenne de Roubaix + Association des anciens salariés du peignage de la Tossée.

Résumé : Le projet « DENIM – Patrimoine textile Nord-Pas-de-Calais-Picardie » s'inscrit principalement dans le thème « La collecte et la valorisation des collections, fonds et documents », et également dans les thèmes « Les acteurs des pratiques scientifiques et techniques » et « La langue, les langues, la traduction ». Ce projet pluridisciplinaire (Histoire, Sciences de l’information et de la communication, Linguistique, Informatique) vise à recueillir, analyser et confronter les représentations du patrimoine de l’industrie textile qu’ont différentes catégories d’acteurs présents sur le territoire d’étude (institutions patrimoniales, entreprises, associations, etc.). Le projet est destiné aux acteurs du domaine pour les appuyer dans leur travail de veille documentaire et pour permettre, plus largement, une vue synthétique et un accès facilité au patrimoine numérique disponible sur l’industrie textile. L'enjeu sociétal du projet consiste à co-construire avec les acteurs un outil adapté pour appréhender la complexité, valoriser l’hétérogénéité des ressources, penser la complémentarité des fonds et des collections.

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> La biodiversité en ville: entre réalité et imaginaire ?

Porteur du projet : Philippe Siaud - Muséum d’histoire naturelle de Marseille

Partenaire : Association Collectif SAFI

Résumé : L'objectif de ce projet est d'évaluer sur un territoire urbain restreint, le parc Longchamp (Marseille), la connaissance que peuvent avoir les visiteurs de la biodiversité en fonction de leurs usages et de la confronter avec la biodiversité réelle mesurée. Dans le même temps, des actions de médiation réalisées directement dans le parc permettront d'expliquer les méthodes et les objectifs des inventaires, l'intérêt de les réaliser et de créer des collections. La mise en collection des spécimens et la légitimité de cette mise en collection sera particulièrement discutée. Notre projet comporte trois actions qui pourront se dérouler simultanément :

  • l'inventaire ou la réalité d'un parc urbain de centre-ville,
  • l'enquête ou la biodiversité imaginée par les visiteurs du parc en fonction de l'usage,
  • la médiation ou comment reconstruire la perception de la biodiversité et de la nature en ville.

Les données socio-écologiques issues de ce travail collaboratif pourront servir de base de discussion pour tous les acteurs, décideurs et gestionnaires, impliqués dans le suivi de la biodiversité en ville.

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> Le fluvial en devenir

Porteur du projet : Corinne Blanquart - Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR).

Partenaire : TEC (Travail et culture) / CRIAC (Centre de recherche, d’innovation artistique et culturelle du monde du travail)

Résumé : L'élargissement du gabarit de l'Escaut et le creusement du futur canal Seine/Nord Europe impacteront les territoires en France et en Belgique. Les travaux scientifiques montrent que l’influence d’une infrastructure nouvelle dépend de la mobilisation de l’ensemble des acteurs des territoires concernés, de l’habitant à l’élu, du salarié au retraité, en passant par le chef d’entreprise et le syndicaliste, comment et autour de quels enjeux construire dès lors cette mobilisation collective ? Le travail de recherche interrogera le rôle du territoire sur les caractéristiques des professionnels de transport, de logistique ou d’aménagement des territoires. Il éclairera les caractéristiques sociologiques, ergonomiques et territoriales et les déterminants de ces métiers et activités. Il s'agira d'identifier les ressorts des possibles évolutions. Ce projet aura pour objectif de traduire et de partager cette connaissance entre tous les acteurs autour d'actions culturelles et artistiques donnant à voir les métiers autour de la voie d’eau. Nous travaillerons à formaliser par l’expression, les nouveaux référentiels de métiers et une réflexion collective autour d’une culture partagée favorisant la constitution d’un territoire du fluvial, entendu comme une portion d’espace appropriée par les acteurs. Le projet reposera sur le travail croisé d'une association, de chercheurs et d'artistes.

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> Les détenteurs de la parole: savoirs locaux et politiques culturelles à Timor Leste

Porteur du projet : Dominique Guillaud - Patrimoine locaux et gouvernance (Paloc - UMR208 IRD/MNHN).

Partenaires : Université de Brasilia, dpt. Anthropologie + Secrétariat d’État à l’Art et à la Culture (Min. Tourisme), Timor-Leste (Brésil) + MNHN + ONG Timor Aid

Le Timor-Leste est un pays jeune, engagé dans la construction de ses politiques culturelles. Notre proposition a pour objet central une réflexion sur le décalage entre ces politiques et les demandes locales en matière de valorisation des identités culturelles, autrement dit sur la notion de culture et ses expressions divergentes aux échelles nationale et locale. Elle a pour point de départ une demande de responsables coutumiers, ou de chefs villageois, selon les sites d’étude, pour une valorisation de leur identité via des récits fondateurs inscrits dans le temps et dans un territoire ponctué d'espaces sacrés.

La proposition vise à répondre à trois questionnements, à la fois scientifiques et techniques :

  • en quoi la tradition orale et les savoirs locaux permettent de documenter l'histoire des populations et leurs formes d'usage de la nature ?
  • quelles sont les conditions d’élaboration d’une recherche collaborative, en partenariat avec les populations locales ?
  • comment constituer un projet pilote, dans le contexte actuel de mise en place de politiques culturelles, qui permette la prise en compte des demandes des populations locales en matière de valorisation de leurs savoirs, récits et pratiques ?

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> Interfaces Sciences Société

Porteur du projet : Pierre-Benoît Joly - Laboratoire interdisciplinaire Sciences, Innovations, Société (Lisis - UMR1326 Université Paris Est Marne-la-Vallée/EPNC/INRA).

Partenaires : ALLISS + NSS Dialogues + ENS Cachan + INJEP.

Les politiques publiques de CSTI, héritières d'une visée diffusionniste des rapports sciences-société, ont été questionnées ces dernières années. Aujourd'hui les « interactions sciences-société » ont élargi le cadre normatif des politiques publiques (art. 6, 8 et 50 de la loi du 22/07/2013 portant sur l'enseignement supérieur et la recherche). Cette évolution se matérialise-t-elle chez les acteurs traditionnels de la CSTI ? Comment définir les familles d'activités que regroupe le concept d'interactions sciences-société ? Sur la base de différents matériaux (rapports d'activités, base de données, entretiens, questionnaires), nous souhaitons produire une caractérisation, une qualification ainsi qu'une définition des interfaces relevant du domaine des interactions sciences-société. Nous nous appuierons notamment sur une base de données élaborée à l'occasion de la préparation du colloque-forum « Réinventer l'alliance sciences sociétés ». Cette entrée par l'inventaire des interfaces permettra d’apporter un regard original sur les politiques publiques (territoriales ou autres), tout en nourrissant le processus du Livre blanc Recherche-Sciences-Société qui sera lancé au printemps 2016.