Mesdames et Messieurs,

Chers candidats au Grand Prix national d’architecture,

Mesdames et Messieurs les membres du jury,

Chers amis,

Je suis très heureuse de vous retrouver au Ministère de la Culture ce soir pour décerner le Grand Prix national d’architecture 2016. Beaucoup de lauréats précédents sont présents ce soir. Le lauréat 2016 viendra à votre suite ajouter son œuvre – œuvre déjà réalisée mais aussi à venir, et c’est aussi le sens de ce prix. Il ajoutera son nom à une trentaine de grands noms qui marquent l’architecture de leur temps. Deux d’entre eux sont dans le jury, cher Dominique Perrault et cher Francis Soler.

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de vous dévoiler le fruit des travaux du jury, je voudrais me réjouir avec vous que cette remise de Grand Prix s’inscrive dans une année particulière pour l’architecture, une année particulièrement riche, l’année de l’architecture, d’abord grâce à la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine votée cet été, cher Patrick Bloche. Son ambition en matière d’architecture est très grande, vous le savez. Elle vient après nombre de travaux parlementaires et a été le fruit d’un engagement constant de certains parlementaires ici présents que je salue, ainsi que du gouvernement. Je veux ici saluer ma prédécesseure, Fleur Pellerin, qui s’y était beaucoup engagée.

Je voudrais saluer quelques avancées très importantes que porte cette loi, la première grande loi sur l’architecture depuis 1977 : d’abord, des mesures qui redonnent toute sa juste place à l’architecture dans la Cité, avec l’apposition du nom de l’architecte sur ses réalisations, ce qui est très important ; ensuite - et je sais que beaucoup d’entre vous y sont très attachés -, le permis de faire, sur lequel nous avons eu à nous battre, c'est-à-dire le principe d’une expérimentation qui permette, pour atteindre certains objectifs, de déroger aux normes les plus précises et d’explorer ainsi de nouvelles voies architecturales ; aussi, le recours plus systématique à l’architecte, avec l’abaissement du seuil à partir duquel ce recours est obligatoire ; et également, son intervention dans les permis d’aménager des lotissements.

Ces dispositions sont importantes pour les architectes, mais elles sont surtout importantes pour les Français et pour leur quotidien. Je voudrais reprendre ce qu’a dit le Conseil national de l’Ordre des architectes, que je salue : « Cette loi répond bien à la nécessité d’une qualité architecturale, paysagère et environnementale dans les constructions du quotidien et sur les territoires ruraux comme urbains. »

Cette vision rénovée d’une architecture du quotidien était déjà à l’œuvre à la Biennale d’architecture de Venise, que j’ai eu le plaisir de visiter avec certains de ses commissaires, et avec un beau manifeste signé par Obras et le collectif AJAP 2014 pour repenser cette architecture du quotidien. Ce manifeste se termine d’ailleurs par ces mots « changer le regard, agir, accompagner » et est aussi un front, pour faire écho au thème de la Biennale. Cela n’a fait que renforcer notre détermination à agir sur la formation des architectes de demain et sur leurs débuts dans la carrière, avec la réforme du statut et de la gouvernance des écoles d’architecture, qui n’avaient pas évolué depuis 1978 ; avec aussi la création d’un statut unique d’enseignant-chercheur, pour ancrer les écoles et l’enseignement d’architecture dans l’enseignement supérieur certes, mais surtout pour en garder les spécificités, qui font que les intervenants dans ces écoles sont des praticiens. Cette spécificité qui est chère aux écoles d’art du Ministère, nous devons la chérir, la conserver et la protéger.

Nous avons aussi œuvré pour l’harmonisation des conditions d’admission dans les écoles nationales supérieures d’architecture, avec des critères d’admission des bacheliers simplifiés et plus visibles. Mais nous devons continuer à travailler, je crois, à mieux ouvrir nos écoles à la diversité sociale – ce qui est déjà beaucoup fait – et à la diversité en général. Comme dans toutes nos écoles, c’est un défi. Les écoles d’enseignement supérieur de la Culture sont tout à fait à même d’y répondre. En le faisant, elles entraîneront la société.

Enfin, cette année 2016 sera la première année des Journées nationales de l’architecture, élaborées et conçues dans le cadre de la Stratégie nationale d’architecture, avec plus de 300 événements. Ici au Palais-Royal, dans les jardins, l’Afex montrera les œuvres des architectes français à l’étranger, dont nous devons être très fiers. Nous nous adresserons aussi, dans le cadre de ces Journées, aux plus jeunes, et même aux très jeunes, puisqu’il est prévu un programme et des outils pédagogiques en direction des maternelles. J’ai eu l’occasion, pour l’école élémentaire, de voir à quel point les enfants y étaient sensibles et combien ils étaient intéressés par le travail de l’architecte, qu’ils voient et qui ne demande qu’à être révélé. Ils ont une appétence et une demande très importantes pour cela.

Révéler à tous l’apport de l’architecture, cela passe aussi par le renforcement du label Patrimoine de moins de 100 ans, qui est prévu dans la loi pour reconnaître et préserver ce patrimoine contemporain qui nous est très précieux. Je pense notamment à la Grande Arche de la Défense, avec à mon avis la possibilité de labéliser en premier cet édifice si parlant, témoin d’une époque, témoin d’une volonté forte. Je veux saluer Paul Andreu qu’il me semble avoir aperçu, et qui est d’ailleurs un lauréat du Grand Prix. Une reconnaissance sera permise par le renforcement de ce label pour la Grande Arche de la Défense - qui est aussi maintenant un personnage de roman grâce à Laurence Cossé.

Je veux citer Dominique Perrault à propos de l’architecture et du patrimoine du XXe siècle : « Rien n’est achevé mais tout est là, dans l’état du moment, inscrivant la trace de l’œuvre en marche. »

Cher Dominique Perrault, vous faites donc partie de ce jury, qui a eu la tâche délicate de décerner le Grand Prix national d’architecture, qui est à la fois une reconnaissance professionnelle très forte et une reconnaissance symbolique, également dotée financièrement. Pour la première fois cette année s’attachera à ce prix la valorisation du travail du lauréat à travers une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, et aussi à travers des master classes dans les écoles.

Je voudrais remercier les votants, qui ont proposé des dizaines de noms en toute liberté. Je voudrais remercier très chaleureusement chacun des membres du jury. Vous avez eu à départager cinq finalistes qui ont présenté leur projet : Patrick Bouchain, Anne Démians, Renée Gailhoustet, Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart, et enfin Marc Mimram. Je sais qu’il a été très difficile de les départager. Je sais qu’être finaliste est déjà une immense reconnaissance – certains d’entre eux l’ont d’ailleurs déjà vécu. Je voudrais d’abord les féliciter tous et toutes. Je sais aussi que le vote du jury a été extrêmement serré. Je pense que cela plaide pour que ce prix se tienne plus régulièrement.

Je voudrais maintenant proclamer le lauréat du Grand Prix national de l’architecture 2016, ou plutôt les lauréats, puisqu'il s’agit de Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart.

Je vais rappeler les raisons qui ont conduit le jury à faire ce choix – mais compte tenu de l’ovation que vous venez de leur réserver, je pense que vous les connaissez déjà.

Ces deux architectes ont réalisé l’exceptionnelle extension du Musée des Beaux-arts de Lille en 1997, qui leur vaudra reconnaissance nationale et internationale. Ils y ont signé une œuvre emblématique d'une relation fluide entre patrimoine et architecture contemporaine. Ce travail se prolonge à Strasbourg avec la Médiathèque André Malraux installée sur le port fluvial, qui transforme les anciens silos et transforme aussi le rapport urbain au paysage. En 2004, c’est avec la Maison des adolescents – Maison de Solenn dans l’enceinte de l’Hôpital Cochin à Paris que se poursuit leur recherche à l’échelle urbaine, en créant sur le boulevard et face au Val-de-Grâce un édifice vitré et ouvert, qui s’insère parfaitement dans le projet médical du Professeur Rufo pour les enfants et adolescents anorexiques.

Leur matériau de prédilection est le verre, un matériau qui exige la précision et qui leur permet de créer un art géométrique et rationnel qui caractérise l’inscription de leur travail dans une histoire de l’architecture française, qui est marquée par leurs réalisations.

Je salue aussi leur engagement et leur capacité à pousser les réglementations dans leurs retranchements, ce qui nous sera particulièrement utile dans le cadre du permis de faire.

Chers Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart, j’ai donc l’honneur et le grand plaisir de vous remettre ce diplôme magnifique, créé par Daniel Buren, du Grand Prix national de l’architecture.