Les ensembles urbains de la période de l’après-guerre sont un héritage qui s’impose à nous pour la construction de la ville d’aujourd’hui. Pour réussir à bâtir ce cadre de vie, il est nécessaire de bousculer les présupposés et les lieux communs, de rénover notre vision et de se servir notamment des qualités existantes de l’urbanisme, de l’architecture et du paysage pour revaloriser des territoires stigmatisés.

Il ne s’agit pas pour le ministère de la Culture et de la Communication de préconiser une réponse doctrinaire à la rénovation urbaine, mais de proposer une attitude plus mesurée et plus respectueuse d’une production, sans ignorer la nécessité d’une adaptation au regard des besoins des habitants et de l’évolution des usages.

 Les ensembles urbains sont définis comme des ensembles de logements individuels ou collectifs, sociaux ou non. Ils incluent le bâti (immeubles de logements et équipements collectifs) et le non bâti (voiries et espaces verts). L’emploi du terme « ensemble urbain » indique qu’il s’agit d’un groupement de bâtiments – ou exceptionnellement d’un bâtiment isolé – qui structurent le cadre bâti et témoignent de la diversité des formes urbaines construites à l’époque par des organismes publics ou des promoteurs privés.

Une liste de ces ensembles urbains remarquables a été établie entre 1990 et 2000 par l'ancienne direction de l’Architecture et du Patrimoine (DAPA du ministère de la Culture). Cette liste était le reflet de ce qui pouvait paraître à l’époque comme nouveau, exceptionnel ou représentatif d’une organisation urbaine. La liste s'est appuyée sur les études réalisées par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et notamment par les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine (STAP). Par ailleurs, une étude portant sur 93 ensembles urbains de la région Île-de-France a été confiée au Laboratoire Infrastructure, Architecture, Territoire (LIAT) de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Malaquais. Dans le but d’élargir l’investigation au-delà des champs urbains et architecturaux, deux études ont également été menées en parallèle : l’une avec le Laboratoire de recherches de l’École nationale supérieure du paysage de Versailles (LAREP) sur le thème du paysage dans les ensembles urbains, la seconde avec le laboratoire du Centre d’histoire des techniques et de l’environnement du conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) sur les modes constructifs et les matériaux afin d’analyser dans quelle mesure ceux-ci ont pu influencer les formes construites.

108 ensembles urbains ont ainsi été retenus parmi une première sélection de 300, 51 faisant l’objet d’une opération de rénovation urbaine dans le cadre du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) et 50 étant labellisés « Patrimoine du XXe siècle ». Chacun de ces ensembles présente un intérêt dans un ou plusieurs des domaines suivants : historique, urbain, architectural, paysager, technique ou culturel. La sélection présentée ne se veut ni exhaustive ni fermée, sa pertinence est limitée par la méthode d’élaboration et l’état des connaissances actuelles. La liste privilégie nettement des « ensembles urbains » ayant une dimension « territoriale », c’est-à-dire constituante d’un morceau de ville. Elle intègre indifféremment les centres urbains (dans le cadre de la reconstruction puis de la rénovation urbaine), les opérations situées en périphérie d’agglomération et celles pensées en tant qu’entités autonomes. La période retenue, de 1940 à 1980, correspond à la période de production de logements de masse. Volontairement, le corpus d’ensembles urbains ne s’est pas limité aux logements collectifs sociaux.

 Ce corpus a fait l’objet d’un travail éditorial pour aboutir à la publication d’un ouvrage de référence intitulé Les grands ensembles, une architecture du XXe siècle (Carré Éditions, oct. 2011). Les principales caractéristiques de chaque ensemble sont présentées sous forme d’une fiche signalétique accompagnée d’une notice explicitant les raisons pour lesquelles il a été retenu. Il n’est en effet ni juste ni exact de réunir dans une même entité tous les grands ensembles. Les réalisations architecturales d’Eugène Beaudouin aux Blagis à Sceaux, de Georges Candilis à Bagnols-sur-Cèze et de Marcel Lods à la Grand-Mare à Rouen, pour ne citer que ceux-là, révèlent une grande diversité d’approches et des qualités tant architecturales qu’urbaines.