L’État, en lien avec le château d’Angers, a engagé une vaste opération scientifique, technique et de conservation afin de dresser un constat d’état de la tapisserie de l’Apocalypse.

Une opération en cours : le constat d’état de la Tenture de l’Apocalypse

En 1373, Louis Ier d’Anjou, frère de Charles V et des ducs Jean de Berry et Philippe le Hardi, commande une tapisserie sur le thème de l’Apocalypse de saint Jean à Nicolas Bataille, marchand à Paris.Il livre, moins de dix ans plus tard, une tapisserie constituée de six pièces, d’une longueur totale, à l’origine, de 140 mètres, exécutée avec une technique très perfectionnée permettant de cacher les nœuds à l’intérieur du tissage. La Tenture de l’Apocalypse, dite « sans envers » et donc réversible, constitue le plus grand ensemble de tapisseries médiévales conservées dans le monde.

La Tenture de l’Apocalypse, propriété de l’État, étant exposée en permanence, une observation fine de l’œuvre était donc nécessaire afin d’évaluer son état de conservation. Cette opération a été confiée à Suzanne Bouret et Montaine Bongrand, assistées de Nathalie Schluck et Judith Gauvin, restauratrices spécialisées dans les tapisseries.

Elle se déroule de septembre à décembre 2016 et nécessite, pour l’observation in situ de la totalité des scènes et la dépose de quatre éléments, d’un échafaudage roulant et de lumières complémentaires dans la galerie.

Pourquoi cette étude ?

La Tenture de l’Apocalypse est un des fleurons du trésor de la cathédrale d’Angers, qu’elle rejoint grâce au legs du roi René en 1474. Elle y est régulièrement exposée jusqu’au XVIIIe siècle, époque à laquelle, passée de mode, elle est remisée et découpée. Redécouverte au XIXe siècle, il devient de plus en plus difficile de l’exposer dans la cathédrale, notamment pour des questions de conservation. Dans les années 1950, une galerie est donc construite au château pour l’abriter.

Exposée en permanence depuis cette époque, elle a fait l’objet d’une restauration dans les années 1990. Aucune intervention ou bilan n’a eu lieu depuis lors, les dimensions de l’œuvre et la disposition des lieux rendant cette opération compliquée.

La Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire, responsable scientifique de cette œuvre propriété de l’État, a donc lancé un constat d’état complet des 103 mètres de tapisserie conservés, opération qu’elle finance à 100 % pour un coût total de 100 000 €. Il s’agit de collecter des données actualisées sur leur état de conservation, de répondre à des questionnements importants sur les conséquences d’un accrochage permanent, l’éclairage ou la qualité de la doublure en place.

Les tapisseries à la loupe

L’opération s’organise selon deux axes.

Quatre éléments, constitués d’une ou deux scènes ainsi qu’un grand personnage, ont été sélectionnés pour être déposés et faire l’objet d’une étude très précise. Le choix a été fait afin de permettre d’étudier toutes les problématiques posées par la Tenture : scène unique ou double, accrochage au registre haut ou au registre bas, pliure le long d’une tour, empoussièrement causé par le positionnement en face des portes...

Ces tapisseries, une fois déposées, seront transportées dans une salle de réserve et dédoublées afin de permettre l’observation du revers. Elles seront mesurées et pesées avant et après dédoublage. Leur observation permettra de déterminer et cartographier les altérations, les restaurations anciennes et de décrire les matériaux utilisés pour leur fabrication.

Toutes les autres tapisseries seront étudiées sans décrochage. Seul l’endroit pourra donc être examiné mais l’état sanitaire et structurel, le taux d’empoussièrement de chaque tapisserie pourront être consignés. Des mesures des taux d’éclairement seront également réalisées, la lumière étant un des principaux facteurs de dégradation des tapisseries.

Et la suite ?

Cette étude approfondie permettra de répondre aux questions suivantes : le mode d’accrochage actuel est-il pertinent ou provoque-t-il des tensions sur les tapisseries ? Peut-on proposer des améliorations ? Les doublures en place qui permettent de protéger le revers de la poussière mais surtout de soulager la tapisserie de son propre poids grâce à un système de couture particulier sont-elles toujours adaptées ?

L’éclairage actuel est-il parfaitement adapté à la conservation des fibres de laine ?

Un comité d’experts suit l’opération et se réunira afin d’analyser les conclusions de ce constat d’état et faire des propositions qui seront mises en œuvre dans les années à venir.

En attendant, les résultats de l’étude seront présentés dans une exposition consacrée à cette œuvre majeure du patrimoine français, qui aura lieu à l’automne 2017 au château d’Angers. Le contexte de sa création au XIVe siècle, son histoire mouvementée jusqu’à nos jours y seront expliquées. Toute l’intimité de ce chef d’œuvre de l’art médiéval en somme dévoilée !