Chers amis,

Chloé Hernandez et Orin Camus viennent délicatement de nous démontrer que tout peut faire plateau de danse, y compris le salon des Maréchaux au Ministère de la culture et de la communication. Je me souviens des réactions du public nombreux et familial le 6 mars dernier au « Centre Pompidou » qui découvrait l’univers de Anne Teresa de Keersmaeker, grâce aux danseurs de la compagnie Rosas. Un public surpris de cette installation vivante, dans la galerie sud donnant sur la fontaine Stravinsky de Niki de Saint Phalle, des adultes et des enfants émus de cette immersion dans le mouvement, si près des danseurs.

Je me souviens aussi, d’une de mes toutes premières « sorties » en tant que ministre pour voir le spectacle de la 27ème promotion des étudiants du CNAC, mis en piste par Alain Reynaud : 17 jeunes artistes incroyables de virtuosité et d’humour et de chant, de vertigineux numéros de bascule et d’équilibre ou de voltige !

La danse et le cirque réinventent sans cesse leur art – Ce sont les disciplines où l’innovation créative est, ces dernières années, la plus manifeste.

Je suis particulièrement heureuse de voir réunies ici tant de personnalités qui portent les couleurs de la danse et du cirque, des artistes majeurs et de toutes générations, des auteurs, des équipes qui accompagnent au quotidien la création, des directeurs et administrateurs d’institution chorégraphiques.

La danse et le cirque en France sont un peu les « dernières nées » dans les politiques publiques de soutien à la création. Même si bien sûr, la danse, les ballets ont de longue date été pris en considération, à travers les maisons d’opéra et je n’oublie pas que l’école du Ballet de l’Opéra de Paris a fêté il y a peu ses 300 ans !

A partir des années quatre-vingt, ces deux branches contemporaines du « spectacle vivant » sont devenues des creusets artistiques parmi les plus inventifs.

L’Etat ne les a alors pas seulement accompagnés mais a favorisé leur développement, rejoint en cela par les collectivités publiques.

Sur tout le territoire ont été créés des outils de production et de diffusion propres à chacun de ces arts. Cette effervescence a été nourrie par une structuration des cursus d’enseignement supérieur qui a fait éclore de nouvelles générations.

Ce sont deux disciplines, dont les frontières avec les autres arts sont « poreuses », et cela porte et nourrit leur créativité. La musique est depuis longtemps la compagne de la danse et du cirque, la vidéo plus récemment les a rencontrés. Certains artistes que je vois ici ont franchi le pas du cirque à la danse et de la danse au cirque.

Il me semble aujourd’hui plus pertinent que jamais de soutenir ce nomadisme, ce franchissement des barrières et des frontières, cette recherche créative.

Aujourd’hui, la création est l’espace de dialogue qui à la fois résiste le mieux à tous les discours réducteurs et populiste.

C’est aussi un espace de liberté et d ‘émancipation : Pensons à ce que la danse et le cirque impliquent comme rapport au corps, donc comme rapport aux représentation et déterminismes sociaux. Le travail accompli avec son corps peut être une formidable source à la fois de maîtrise mais aussi de liberté , de dépassement.

Je pense aussi au formidable spectacle « Chatouilles » d’Andrea Bescond qui mêle théâtre et danse dans un récit d’émancipation et de reconquête après un traumatisme profond.

L’affirmation de la liberté de création au travers de la loi que j’ai défendue en deuxième lecture au Parlement doit être confortée par un renforcement des moyens pour chercher, expérimenter, créer.

Je veux permettre aux artistes et notamment aux jeunes générations de développer leurs projets sur tout le territoire, de rencontrer les publics les plus larges.

S’agissant de la danse et du cirque, nous voulons donc :

  • renforcer la création en soutenant l’indépendance artistique ;
  • mieux ancrer cette création dans tous les territoires,
  • assurer davantage sa diffusion ;
  • donner leur place aux jeunes artistes, en encourageant la transmission d’une génération à l’autre ;
  • conforter nos filières de formation.

Dans cette perspective, des mesures nouvelles sont mises en œuvre cette année afin de mieux accompagner la création et l’indépendance artistique au travers d’un soutien aux compagnies indépendantes, aux résidences d’artistes et aux ateliers de fabriques artistiques.

Je défendrai également des mesures pour renforcer nos réseaux de production et de diffusion et revaloriser les moyens dédiés à vos secteurs en 2017.

Pour la danse, il s’agit tout d’abord de revaloriser le soutien financier aux compagnies conventionnées. Cela permettra cette année, en mobilisant plus de 600 000 € de crédits, de revaloriser une trentaine de compagnies au travers du dispositif d’aides gérées par la DRAC.

Ensuite, le nouveau dispositif de soutien aux compagnies à rayonnement national et international concerne 12 équipes artistiques : je veux en citer quelques uns, Carolyn Carlson, Philippe Decouflé, Maud Le Pladec, ou encore Arcosm qui crée pour le jeune public.

La danse est talentueuse, elle rayonne dans le monde entier et c’est une chance pour notre pays.

La danse est multiple, vous en témoignez aujourd’hui.

Nous avons aussi décidé de développer l’association d’artistes à des lieux de création et renforcer « l’accueil studio ».

L’accueil studio est un dispositif généreux qui a été mis en place en 1998, destiné à acter le partage des outils de travail dont les Centre chorégraphiques nationaux se sont dotés dans les années 90.

Cette pratique de l’accueil-studio s’est développée, elle s’est élargie aux Centres de développement chorégraphique, réseau plus récent dans le paysage.

Aujourd'hui l’accueil-studio constitue un levier, un mode de coproduction incontournable pour la danse, un enjeu de partage et de solidarité intergénérationnelle.

Cette mesure qui n’a pas été ré-évaluée depuis sa création sera dotée de 10 000€ supplémentaires par CCN et par CDC.

J’ai aussi demandé aux DRAC d’ accompagner l’installation d’artistes associés dans les centres de développement chorégraphique et dans des centres chorégraphiques nationaux.

Ce dispositif d’artistes associés va ainsi concrètement dès 2016, attacher 19 compagnies, à 11 CDC et 8 CCN, pour des résidences de 2 à 3 ans.

Sur une diversité de territoires, ces artistes trouveront ainsi des partenaires pour coproduire, diffuser leur répertoire et accompagner leurs rencontres avec les publics.

Pour le secteur chorégraphique toujours, dans le cadre d’une politique globale visant à faciliter l’accès des artistes à des espaces de travail et d’expérimentation, huit ateliers de fabrique artistique ont été retenus, après expertise des DRAC. Ils sont des points d’appui pour la danse, souvent des premières marches pour de jeunes artistes. Ces ateliers de fabrique, dont la moitié est implantée en milieu rural (Loiret, Alsace, Ardèche, Creuse), seront autant de point de rencontre avec la création pour les habitants, autant de lieux de croisement esthétiques.

Ce sont en tout 2,64 M€ de mesures nouvelles pour le secteur chorégraphique qui sont mis en œuvre en 2016.

Je souhaite poursuivre en 2017 cette dynamique en direction des compagnies et du secteur indépendant comme la consolidation des aides à la structuration pour les équipes chorégraphiques.

Mais je souhaite que l’effort porte aussi sur les scènes conventionnées et les festivals de danse ; je m’y emploierai en préparant le budget 2017.

Je voudrais enfin rappeler l’exigence d’ouverture, d’accueil et de coopérations internationales qui anime de nombreux professionnels de ce secteur. La danse dépasse les barrières des langues et sait faire dialoguer les cultures.

C’est « l’esprit d’expatriation » de la danse, pour utiliser une formule de Marcel Duchamp, ce va et vient errant entre les disciplines et les techniques, entre les langues, les genres, les pays, c’est cette motricité qui fait de la danse cet art qui parle au monde.

S’agissant du cirque maintenant. Là aussi nous avons à faire à du « divers », avec toute la diversité du langage circassien : du solo de jongleur au collectif de 24 acrobates sous chapiteau, en passant par les fil-de-féristes, les trapézistes ou les voltigeurs, les acrobates au sol ou au mat chinois, les clowns ou les artistes de la magie nouvelle,… les pratiques sont nombreuses. Ceux qui sont parmi nous ne nous contrediront pas.

Ces formes appellent des aides au projet ou des conventionnements pluriannuels eux aussi divers.

J’ai voulu renforcer le soutien au cirque contemporain d’abord au travers d’un meilleur accompagnement des compagnies, grâce à une augmentation des montants qui leur sont alloués pour 3 d’entre elles. Par ailleurs, dans le nouveau dispositif d’accompagnement des compagnies à rayonnement national ou international, 5 compagnies seront soutenues dès 2016 de façon significative : Le cirque Plume, le collectif XY, Phia Ménard, Mathurin Bolze, ainsi que Les Colporteurs.

Rien qu’à l’évocation des noms de ces artistes et de ces compagnies, on peut se rendre compte que le cirque sait, comme la danse, déborder de son champ et investir les champs poétiques et dramaturgiques.

L’évaluation que nous mènerons de ce dispositif permettra, je l’espère de l’étendre à d’autres en 2017.

Ce soutien accru passe par des aides aux résidences pour huit équipes circassiennes, par exemple au Prato (à Lille). Ce sont aussi trois ateliers de fabriques artistiques spécifiques (Cheptel Aleikoum à Saint Agil dans la région Centre, la Grainerie près de Toulouse à Balma, la Cité du cirque Marcel Marceau au Mans) qui seront soutenus dès 2016.

Le cirque contemporain doit pouvoir poursuivre son développement. Au-delà de ces moyens nouveaux pour aider des équipes à travailler et produire mieux, il faut aussi que le cirque soit mieux ancré dans les programmations des lieux pluridisciplinaires, et qu’il puisse consolider ses réseaux de partenaires, y compris au plan international.

La spécificité de ce secteur c’est aussi le nomadisme.

D’où l’importance de ’aide à l’itinérance mais aussi à l’accueil des chapiteaux dans les villes.

Nous allons, avec la DGCA, poursuivre le travail avec vos associations professionnelles et notamment Territoires de cirque et le syndicat du cirque de création.

J’ai entendu les difficultés du cirque, y compris des petits cirques de famille, pour obtenir des emplacements dans les villes. Je rappelle qu’il existe une charte pour l’accueil des chapiteaux, que le ministère et Hors-les-Murs retravaillent avec les collectivités territoriales, et dont nous devons faire en sorte qu’il soit un outil opérant. S’agissant des cirques de famille, dont les représentants ont été reçus, une réflexion est en cours pour envisager de créer une mission interministérielle qui traiterait de l’ensemble des sujets qui les préoccupent et qui dépassent largement le champ d’actions du ministère de la culture.

En 2016, ce sont près de 700 000 € donc de crédits nouveaux qui seront mobilisés pour financer des mesures pour le cirque.

Nous allons poursuivre ce travail de fond en 2017

J’étais il y a quelques semaines à La Cascade, à Bourg-Saint-Andéol, qui non seulement anime ce territoire ardéchois, mais accompagne l’insertion des jeunes artistes au plan national.

Je sais l’importance du réseau de production et de diffusion que constituent ces Pôles Nationaux des Arts du Cirque, aujourd’hui dans 8 régions. Il faut les encourager. Je n’oublie pas que deux nouveaux pôles sont en cours de préfiguration. Il nous faudra apporter un second souffle au soutien du ministère à ces pôles, qui témoignent d’une grande capacité à se renouveler et qui doivent pouvoir encore mieux accompagner les compagnies.

Enfin, nos écoles d’enseignement supérieur font de la France un pays envié pour la formation des artistes de cirque à l’échelle mondiale. Cette formation d’excellence, c’est bien sûr le CNAC Centre National des arts du cirque de Châlons-en-Champagne qui en est le fleuron, en lien avec l’école nationale des arts du cirque de Rosny-Sous-Bois, ainsi que l’Académie Fratellini. L’habilitation du Lido à Toulouse est actuellement à l’étude et viendrait renforcer ce réseau.

Je veux aussisaluer l’ensemble des écoles, plus de 150 écoles répertoriées par la Fédération Française des écoles de cirque, qui permettent aux jeunes de s’épanouir dans une pratique amateur formatrice et dont une dizaine ont des cursus pré-professionnels.

Comment ne pas s’étonner de récentes déclarations, populiste et caricaturales, tendant à discréditer ces formations, qui contribuent autant à l’émancipation personnelle de ceux qui les suivent qu’à une insertion professionnelle ?

Ces questions d’insertion professionnelle doivent être d’ailleurs pensées à l’échelle européenne et je salue les opérations comme Jeune Talent Cirque Europe devenu « Circus Next »  pour développer une politique européenne du cirque , tout comme le renforcement des coopérations internationales portées par Hors les Murs, et dont la fusion avec le CNT dans ArtCena, va permettre de renforcer les ressources et les capacités de déploiement.

Chers amis ,

Avec ces soutiens renforcés, à la danse et au cirque, c’est la place de la création artistique et son rôle dans la société que je veux mettre en avant.

Comme je l’ai dit déjà au 1er juin des écritures dramatique pour la jeunesse, ce choix impérieux, cette promesse d’émancipation par la culture est au cœur du projet politique de ce gouvernement.

Cela passe aussi par des questions transverses : la pratique amateur, l’emploi, le soutien à l’assurance chômage. Dans la loi, relative à la Liberté de création, j’ai également voulu sécuriser la pratique amateur dans le respect de l’emploi professionnel.

A l’heure où nous nous battons tous, Gouvernement, employeurs et salariés du secteur, pour défendre et consolider le régime spécifique de l’intermittence, si essentiel pour la création et la culture dans notre pays, nous travaillons parallèlement à une meilleure prise en charge de l’emploi durable et de qualité pour les artistes et pour les techniciens du spectacle.

Ainsi, le fonds pour l’emploi dans le spectacle doit aider les institutions mais aussi les compagnies, à conforter l’emploi pour les artistes en particulier.

Mesdames, et messieurs, plus que jamais, dans une société qui réinterroge son pacte social, dans laquelle le dialogue est souvent difficile, la création joue un rôle inestimable.

Elle permet d’ouvrir à chacun le champ des possibles tout en construisant un sentiment d’appartenance collective.

Nous pouvons ensemble apporter à la société cet espoir d’une société plus humaine.

C’est une responsabilité et une chance.

Je vous remercie et rends le plateau à la danse.