Monsieur le président de la Gaîté lyrique, cher Patrick Zelnik,
Monsieur le directeur de la Gaîté lyrique, cher Jérôme Delormas,
Cher Steven Hearn,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je me dois d’abord de vous prier de bien vouloir excuser Arnaud Montebourg, qui se faisait sincèrement une joie de recevoir ce rapport, dont il est aussi le commanditaire. Mais il est cet après-midi au Creusot, pour parler avec les équipes d’Alstom.
Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui dans ce haut lieu des cultures numériques dont je sais à quel point elles créent, de par l’évolution profonde des technologies et des usages, de nouveaux défis mais surtout de nouvelles opportunités pour les entreprises culturelles.
Je tiens d’abord à saluer la qualité du travail de concertation, de réflexion et de propositions qui a été mené et qui aboutit aujourd’hui à la remise de ce rapport sur « le développement de l’entrepreneuriat dans le secteur culturel en France » et les freins à son développement. Ce rapport est une passerelle entre deux mondes, celui de la culture et celui de l’entreprise A nous de tisser ces liens, de proposer ensemble des solutions économiques et acceptables, sans oublier que la culture, c’est aussi de la beauté qui rend nos vies, nos villes, plus heureuses et plus acceptables.
Je vous remercie, cher Steven Hearn, d’avoir mis votre expérience au service de cette réflexion, expérience reconnue en la matière, notamment :
-    comme créateur de l’agence d’ingénierie culturelle « le troisième pôle » ;
-    comme fondateur de Scintillo, société innovante pour la culture qui anime un écosystème d’une dizaine d’entreprises de la culture ;
-    comme inventeur de Créatis, incubateur d’entreprises culturelles ;
-    et comme délégataire de la Gaîté lyrique.
Nous sommes tous réunis aujourd’hui autour d’une conviction forte : la culture est un atout majeur pour notre pays. La reconnaissance de la dimension économique de la culture est désormais largement partagée : c’est un formidable vecteur de croisement et un levier de développement pour nos territoires.
Comme l’a démontré le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur « l’apport de la culture à l’économie de la France », qui m’a été remis en décembre dernier, la culture contribue pour 3,2 % à la richesse nationale, soit 57,8 milliards d’euros du produit intérieur brut français et emploie 670 000 personnes.
En résumé, comme vous le rappelez fort justement dans votre rapport, « la culture est un investissement d’avenir «
Et cet investissement d’avenir se nourrit aussi des initiatives du passé : notre patrimoine matériel et immatériel, la valeur de nos grandes marques se nourrissent de l’image culturelle de notre pays !
Alors oui, la culture a besoin plus que jamais d’entrepreneurs !
    La France a la chance d’avoir aujourd’hui près de 200 000 TPE et PME culturelles sur son territoire. Leur vitalité et leur dynamisme sont essentiels au renouvellement de la création et à l’enrichissement de la diversité culturelle. Cette vitalité et ce dynamisme stimulent aussi la création d’emplois ainsi que l’attractivité et le rayonnement international de la France.
    La nature et le fonctionnement des entreprises culturelles peuvent même s’avérer des atouts incontestables dans le jeu économique et social actuel. Ces entreprises possèdent en effet des attributs et des savoir-faire reconnus comme déterminants dans la réussite des entreprises :
-    la capacité à agir sur des marchés très segmentés où la demande est rarement exprimée ;
-    la souplesse organisationnelle nécessaire à l’innovation ;
-    la capacité à gérer des processus de décision complexe où se mêlent des logiques différentes (politique, économique et artistique) ;
-    la capacité à fédérer des individus autour d’un projet ;
-    l’adaptabilité aux changements grâce à leur capacité à intégrer en permanence les nouvelles technologies.
Cependant, il faut encore tordre le cou à certaines idées reçues.
    Les entreprises culturelles sont encore trop souvent considérées avec méfiance par les investisseurs comme par le secteur culturel lui-même. Comme vous l’écrivez très justement : « La professionnalisation du secteur culturel a renouvelé la figure de ses entrepreneurs mais pas leur perception par les tiers, qui opposent toujours création et économie. »
    À partir des recommandations de ce rapport il s‘agit désormais d’encourager le développement de entrepreneuriat culturel et de contribuer à la reconnaissance des externalités positives qu’il génère aussi en termes de création et d‘innovation non technologique, d’emploi et d’attractivité.
Votre rapport formule huit recommandations et je me réjouis de constater que plusieurs d’entre elles rejoignent des réflexions et des initiatives en cours au ministère de la Culture et de la Communication, notamment à la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), s’agissant particulièrement de la structuration des entreprises culturelles.
Concernant la structuration du secteur :
    Vous préconisez la création d’un outil piloté par Bpifrance consacré à l’amorçage des entreprises du secteur de la culture
    L’accès au financement est en effet un problème majeur pour les entreprises de la culture, comme pour beaucoup d’entreprises en développement d’ailleurs, vous le soulignez. La difficulté à mobiliser les ressources financières et le déficit chronique des investissements tendent à fragiliser ces entreprises. Leur capitalisation insuffisante les freine dans leur développement, notamment à l’international.
    L’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) est pour moi la réponse adaptée à certains de ces problèmes de financement. Il pâtit vraisemblablement d’un déficit de notoriété, notamment en dehors de la région Île-de-France, qu’il conviendrait de combler. Filiale de la BPI, il va d’ailleurs passer convention avec celle-ci pour lui apporter son expertise dans l’examen des dossiers présentés dans toute la France aux agences et guichets de la BPI, afin de répondre aux différents besoins financiers des entreprises culturelles, aux différents stades de leur développement.
    Je pense aussi au guide « Entreprendre dans les industries culturelles », qui recense tous les dispositifs nationaux de droit commun accessibles à l’ensemble des entrepreneurs. Ces dispositifs de financement sont peu utilisés, voire mal connus, des entrepreneurs culturels. Ils sont pourtant des sources de financement complémentaires pour le développement des TPE et PME culturelles. Ce guide, initié en 2013, vient de faire l’objet d’une actualisation compte tenu notamment de la création de la Banque publique d’investissement.
    À travers l’émergence de structures d’accompagnement des entrepreneurs du secteur en incitant à la structuration de pôles de compétitivité (clusters) régionaux
    J’observe ce qui se passe à l’étranger. De nombreuses villes ont aujourd’hui misé sur la culture pour asseoir une nouvelle orientation économique : le quartier des musées de Rotterdam, la Silicon Valley à New York, le quartier de Soho à Londres, le quartier des spectacles à Montréal… Ces exemples reflètent une grande diversité mais au-delà de leurs différences, on voit pourtant se dessiner des caractéristiques communes. En effet, ces multiples traductions territoriales du couple culture/économie privilégient le rapprochement géographique des acteurs.
    Je suis extrêmement sensible à cet enjeu majeur pour nos territoires : les externalités nées de la structuration de ces pôles régionaux concourent en effet à leur développement parce qu’elles sont sources d’attractivité et d’emplois non délocalisables.
    Je souhaite encourager les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) à travailler avec les Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour suivre toutes ces initiatives.
    Je crois aussi que nous pourrons nous rapprocher des métropoles et des collectivités régionales, en charge du développement économique, pour envisager ensemble les initiatives possibles.
Concernant la promotion du modèle de l’entrepreneuriat culturel :
    En encourageant la communication et la réflexion sur le rôle de l’entrepreneur culturel
Je partage avec vous le constat de la nécessité d’encourager la visibilité et la reconnaissance de l’entrepreneuriat culturel afin de promouvoir l’économie de la culture et de gagner la confiance des investisseurs. Dans la continuité des événements organisés ces derniers mois, qu’il s’agisse d’ateliers ou de tables rondes professionnels, j’ai demandé à mes équipes de réfléchir avec celles d’Arnaud Montebourg pour organiser une « assemblée des entreprises culturelles » afin de promouvoir et de valoriser les entrepreneurs culturels, et de favoriser leur capacité à s’organiser et à se fédérer.
    À travers la création d’une plateforme internet ressource sur l’entrepreneuriat culturel
    Le site Internet « entreprendre dans la culture » a été lancé en mai dernier dans le cadre de la Silicon Valois, espace de travail collaboratif et de rencontre entre la culture et l’univers numérique que j’ai souhaité organiser au sein même de mon ministère pour favoriser le développement des usages numériques, en donnant une place particulière à l'innovation.
    Ce site internet a pour mission de présenter et de valoriser les dispositifs d'accompagnement dédiés à la culture sur le territoire national et soutenus par les pouvoirs publics, qu'il s'agisse de pépinières, d’incubateurs, de clusters, de couveuses, de pôles de compétitivité, de Coopératives d’activité et d’emploi (CAE), d’espaces de travail collaboratif (coworking), de groupements d’employeurs et de centres de ressources
    Ce site pourrait ainsi être enrichi pour devenir un site ressource, le site de référence de l’entrepreneuriat culturel. Il pourrait être accompagné dans cette mission par l’Agence pour la création d’entreprise (APCE)
Enfin, nous pouvons aussi reconnaître que les entreprises culturelles inventent une nouvelle forme d’entrepreneuriat, à l’image de l’économie sociale et solidaire (ESS), plus près des territoires et des hommes :
    C’est pour cela que la nouvelle loi sur l’ESS reconnaitra de nouvelles formes juridiques, les sociétés commerciales de l’ESS, qui viendront accompagner des projets entrepreneuriaux dynamiques, centrés sur la recherche d’une utilité sociale affirmée, y compris dans le champ culturel. Ce nouveau statut d’entreprises pourra faciliter le passage du modèle associatif, courant dans les entreprises culturelles, vers d’autres modèles entrepreneuriaux qui respectent les valeurs de l’ESS à l’image de la seconde proposition  du rapport.
On me dit souvent : « on ne naît pas entrepreneur, on le devient ». Dans le secteur culturel où notre pays peut compter sur des talents et des savoir-faire que le monde nous envie, l’accompagnement des entrepreneurs est clef. Je souhaite donc, sur les bases des recommandations de ce rapport, apporter les outils indispensables pour encourager l’entrepreneuriat culturel au profit de la création artistique et culturelle.
Encourager l’entrepreneuriat culturel, cela passe par l’accompagnement du secteur mais par la reconnaissance d’acteurs indispensables à la diversité et au dynamisme du secteur culturel de notre pays. Il faut rappeler que la culture, si elle est ferment de citoyenneté, vecteur d’émancipation et de liberté, est aussi levier d’innovation et d’attractivité. L’entrepreneuriat et la culture procèdent d’ailleurs d’un même mouvement : un entrepreneur n’est-il pas par excellence un créateur ?
Je vous remercie.