Monsieur le Président, cher Richard,

Madame la Présidente, chère Frédérique,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

 

Je suis absolument ravie d’être ici.

Ce n’est pas un rendez-vous tout à fait inconnu pour moi, certains d’entre vous le savent…

Il y a quelques mois encore, j’aurais pu être de votre côté, dans la salle. Car avant de prendre mes responsabilités, je m’occupais d’une maison d’édition, mais nous assurions aussi l’exploitation d’un cinéma : avec trois écrans, classé Art et essai.

Alors il ne s’agit pas de parler de moi, aujourd’hui. Et encore moins du passé. Mais je devais commencer par-là : par vous dire l’attachement tout personnel qui me lie à ce métier d’exploitant, et à votre secteur plus largement. Car vous êtes aussi nombreux à être distributeurs, dans cette salle.

C’est « votre » journée, ici à Deauville.

Et c’est un peu la « grande rentrée » de tout votre secteur, avec la découverte des films des prochains mois. Je sais que c’est une journée particulièrement enthousiasmante.

Je suis donc très heureuse d’être ici. Et particulièrement heureuse de pouvoir m’adresser à vous tous dans ce cadre. Je voudrais en profiter pour vous dire dans quel esprit je souhaite avancer, avec tout votre secteur. Je crois qu’il s’agit pour nous, à la fois de consolider un héritage, et de préparer l’avenir.

Notre première responsabilité, c’est de consolider un héritage. Celui que vous avez tissé, avec l’appui des politiques publiques déployées en faveur du cinéma, depuis plus de 70 ans.

Je reviens tout juste du sommet franco-italien qui réunissait nos chefs d’Etat et de Gouvernement à Lyon. Je peux vous assurer que nous y avons parlé de cinéma. Beaucoup. Et nous y avons évoqué le succès du modèle français. Le public n’a jamais été aussi nombreux dans vos salles. Il faut remonter, je crois, à 1969 pour avoir des chiffres plus élevés que ceux de l’an passé. Nous avons compté plus de 210 millions d’entrées.

Et c’est évidemment loin d’être comparable, puisqu’en 1969, la France n’avait que deux chaines, et un foyer sur dix seulement était équipé d’un téléviseur…

A l’heure du numérique, le bilan est donc extrêmement fort. Si le modèle français fait figure de référence, c’est notamment le fruit du travail décisif mené par le CNC, que je veux saluer très chaleureusement.

Ce travail est mené en concertation étroite avec vous, pour répondre à vos besoins, à vos attentes : je veux donc en profiter pour vous remercier pour cette mobilisation constante, au service de la « fabrication » des politiques publiques.

Plusieurs réformes structurantes ont été menées dernièrement : je pense à l’accord professionnel du 13 mai 2016, pour améliorer d’une part l’accès des films aux salles, d’autre part l’accès des salles aux films.

Je pense aussi à la réforme de l’Art et essai et à la réforme des aides à la distribution, qui ont permis d’augmenter les soutiens au secteur, et notamment à ceux qui s’engagent pour une plus grande diversité de l’offre. Ces avancées viennent nourrir un héritage solide, que nous allons consolider, et prolonger.

A double titre, au nom de l’accès de tous à la diversité culturelle, d’abord.

Car vous en êtes des passeurs essentiels : côtés exploitants, je sais l’engagement qui se cache derrière chaque programmation, je sais les risques pris pour projeter des films moins connus, des réalisateurs émergents, ou étrangers. Côtés distributeurs, je sais aussi les risques pris, au quotidien, pour financer une diversité de films ; pour les acheminer vers les salles ; pour leur trouver une place dans le cœur du public.

Ce sont près de 700 films inédits qui sont montrés en salle chaque année. Ils viennent de tous les pays. La diversité de la création cinématographique ne serait pas ce qu’elle est, en France aujourd’hui, si vous n’étiez pas là pour la donner à voir. Et d’ailleurs vous ne vous contentez pas de la donner à voir, vous êtes engagés pour la rendre accessible. Votre réseau fait preuve d’une forte mobilisation pour toucher tous les publics, et je veux vraiment la saluer très, très chaleureusement. 

Je pense aux engagements pris avec l’Etat, pour les tarifs préférentiels : notamment la mesure de réduction des tarifs pour les moins de 14 ans, en contrepartie du taux de TVA réduit dont vous bénéficiez.

Si nous continuerons à vous soutenir, ensuite, c’est parce que vous êtes des piliers de la vie culturelle de proximité. Et c’est un champ sur lequel je souhaite voir l’Etat réaffirmer son engagement. Nous devons encore réduire la fracture géographique, en termes de vie culturelle, et je suis particulièrement attachée au rôle de votre réseau.

Le réseau de cinémas est en effet le deuxième grand réseau culturel de proximité, en France, avec celui des bibliothèques. Et c’est l’un des équipements les plus équitablement répartis sur le territoire.

Pour nos concitoyens, et notamment pour les jeunes, c’est l’une des premiers lieux culturels accessibles.

C’est donc un relai décisif pour nos ambitions. Les forces que je viens de mentionner sont les fruits de votre travail et du soutien apporté par le CNC : nous devons les consolider. Mais nous devons le faire en gardant toujours le sens des défis à relever.

Et j’en viens à notre deuxième responsabilité : préparer l’avenir à vos côtés. Car le numérique transforme notre écosystème, et les changements s’accélèrent. Les chantiers qui nous attendent sont nombreux, ambitieux.

Je souhaiterais en évoquer trois, avec vous aujourd’hui. D’abord, l’évolution de la régulation audiovisuelle.

Je sais à quel point la chronologie des médias est un sujet qui vous préoccupe, comme celui de la lutte contre le piratage. C’est un sujet prioritaire. Les discussions professionnelles sont bloquées depuis trop longtemps. Il faut sortir de ce blocage : l’avenir de notre système de préfinancement des films en dépend. Et donc j’ai la conviction que nous devons changer de méthode.

Le Sénat s’est emparé du sujet, vous le savez. Mais je suis absolument convaincue que la réponse est à trouver d’abord dans la concertation entre professionnels. Cette concertation doit être encadrée dans des délais stricts. C’est pourquoi j’ai annoncé la désignation d’un médiateur, qui sera nommé prochainement. Il aura au maximum six mois pour trouver un nouvel accord. Faute d’accord, le Gouvernement prendra ses responsabilités et proposera une solution législative ou réglementaire.

Deuxième dossier majeur : l’intégration des géants du numérique à notre modèle de régulation et de protection de la valeur créée. Nous avons face à nous deux enjeux majeurs :

Premièrement : les responsabiliser en matière de lutte contre le piratage. L’accord signé au ministère, il y a quelques jours, entre Google et les ayants droits de l’audiovisuel, ouvre des horizons prometteurs de coopération, notamment pour bloquer les contenus illicites diffusés sur la plateforme Youtube. Le piratage un fléau, une incivilité, qui doit être combattu comme tel et par tous les moyens.

C’est un phénomène évolutif, et des solutions doivent être trouvées pour toutes les technologies mobilisées. C’est pour moi une priorité absolue.

Je me bats pour que les ayants droit touchent une juste rémunération sur les œuvres qu’ils créent, qu’ils produisent et qu’ils distribuent. Mais si cette valeur est détruite, par le piratage, c’est tout l’écosystème de la création qui est ébranlé. Je suis donc mobilisée sur ce sujet, aux niveaux national et européen. Nous allons renforcer la lutte contre le piratage. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur ce sujet prochainement.

Le deuxième enjeu, c’est de faire entrer les géants numériques dans notre système vertueux de financement de la création – puisqu’ils tirent profit de la création cinématographique et audiovisuelle qu'ils diffusent. Des avancées importantes ont eu lieu, ces dernières semaines, dans ce domaine. Je pense à l’entrée en vigueur, la semaine dernière, des taxes dites « Youtube » et « Netflix », qui élargissent la taxe vidéo du CNC à toutes les plateformes, quel que soit leur modèle économique ou leur lieu d’installation. C’est un grand pas pour l’équité fiscale entre les acteurs.

C’est un sujet qui se porte à l’échelle européenne. Et je suis engagée sur ce terrain depuis mon arrivée. J’étais à Bruxelles quelques jours après ma nomination, pour participer aux discussions sur la directive « services de médias audiovisuels ».

Nous avons réussi, avec un accord de tous les ministres européens : non seulement à entériner le fameux principe du pays de destination : c’est-à-dire le droit de faire contribuer les acteurs de la diffusion au financement de la création, même lorsqu’ils sont établis dans un autre Etat membre. Et par ailleurs, nous avons réussi à établir un quota minimum de diffusion d’œuvres européennes de 30% sur les plateformes de vidéo à la demande.

Le troisième grand sujet, enfin, c’est la formation et l’accueil du public de demain.

Je pense ici à l’éducation à l’image, et plus largement aux actions de sensibilisation des jeunes au cinéma. J’y serai particulièrement attentive : j’ai fait de l’éducation artistique et culturelle le premier axe de ma feuille de route, et un engagement commun avec Jean-Michel BLANQUER – mon homologue de l’Education nationale.

Je voudrais saluer toutes les actions que la filière du cinéma a mis en œuvre : elles sont exemplaires et absolument essentielles. Je pense aux programmes « école au cinéma », « collège au cinéma », « lycée au cinéma ». Je pense aussi au programme des ciné-clubs dans les établissements scolaires, avec un accompagnement par les services civiques.

Le CNC, vous le savez, les a beaucoup soutenus et développés récemment. Je veux vous assurer de la pérennité de l’engagement de l’Etat en faveur de ces dispositifs.  Vous pouvez aussi compter sur moi pour rappeler ces objectifs aux collectivités locales, et les mobiliser. Leur contribution budgétaire est essentielle : je pense notamment à la prise en charge des transports scolaires pour acheminer les élèves vers les salles de cinéma.

Enfin, il y a un sujet dont nous aurons l’occasion de reparler bientôt : c’est celui du Pass Culture, que nous voulons mettre en place, et dont je souhaite que vous soyez des partenaires essentiels. Nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet avec votre Président et vos dirigeants dans les prochaines semaines.

Voilà, chers tous,

Les quelques messages que je voulais avoir aujourd’hui.

Vous êtes l’avenir de la vie culturelle. Parce que vous portez la diversité que nos concitoyens demandent. Parce que vous incarnez la proximité dont ils ont besoin.

Nous serons donc là pour vous soutenir.

Merci pour votre engagement.

Merci pour votre attention, et pour votre accueil.