Monsieur le Président, cher Mathieu GALLET

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Je crois qu’une partie du message que je suis venue porter se retrouve incarner par ma seule présence à ce pupitre. Car au fond, être ministre de la Culture et venir parler d’éducation, c’est déjà dire quelque chose de l’état d’esprit et de la politique de ce Gouvernement.

Alors bien sûr, nous sommes ici à Radio France. Bien sûr, nous parlons d’éducation aux médias et à l’information, qui sont dans le périmètre d’action de ce ministère.

Mais ce lien entre éducation et culture est l’axe prioritaire de mon projet, et la source d’une coopération étroite avec mon homologue de l’Education nationale Jean-Michel BLANQUER.

Je considère que la mission qui m’est confiée est de permettre aux citoyens d’être autonomes : autonomes dans leur parcours intellectuel, dans leur accès à la diversité culturelle ; autonomes dans leurs choix, dans leurs recherches. Et l’autonomie n’est pas simplement la liberté, c’est une liberté éclairée.

Elle se construit le plus tôt possible, donc d’abord par l’école.L’éducation artistique et culturelle doit trouver sa place dans le parcours scolaire de tous les enfants.

Et à l’heure du numérique, l’éducation aux médias et à l’information en est une part absolument décisive.

C’est, je pense, la double conviction qui nous réunit aujourd’hui.  Le numérique est à la fois une chance immense, pour développer l’accès des jeunes aux médias et à l’information, et un réel défi.

Parce que ce n’est pas seulement une révolution des supports, c’est une révolution des usages : l’information de arrive par flux ; et le non-professionnel se développe, chacun peut devenir producteur, ou prescripteur de contenu.

Nous avons deux grandes responsabilités : Forger le « sens critique » : face aux images comme face aux informations écrites. Et adapter nos méthodes à l’ère numérique. La montée des fake news et des vidéos de propagande djihadiste nous en rappelle l’urgence absolue. Nous devons sensibiliser les futurs citoyens à la nécessité d’une information sourcée, exigeante, diversifiée. Sensibiliser à la valeur de l’information. Je pense ici à la valeur économique, et aux questions posées par la banalisation de la gratuité : la production de l’information a un coût, elle doit donc avoir un prix. Les citoyens doivent comprendre pourquoi il est légitime de payer pour avoir accès à une information de qualité : c’est l’avenir du pluralisme qui est en jeu.

Ce sont là des défis de société, des défis démocratiques.

Je porte une ambition, qui est la généralisation de l’éducation artistique et culturelle, pour chaque enfant de la République, sur l’ensemble de la scolarité. L’éducation à l’information et aux médias en fait partie.

Nous avons une ambition qui est d’en faire une réalité pour 100% des jeunes, en particulier par l’école, de la maternelle aux lycées.

Et nous comptons nous appuyer pour cela sur trois leviers : la coopération, l’innovation et la formation. La coopération, d’abord. Le ministère de la Culture va renforcer son soutien aux actions d’éducation à l’image, aux médias et à l’information : près de 10 millions d’euros seront mobilisés en 2018.

Nous allons mobiliser, et coopérer. Parce que ce sont là des défis collectifs.

Ces Rencontres mettent bien en avant, je l’ai dit, la complicité qui doit lier les mondes culturel et éducatif. Nous sommes là pour l’incarner avec Jean-Michel BLANQUER. Mais l’enseignement agricole et l’enseignement supérieur sont aussi concernés, et j’avancerai avec nos homologues sur ces sujets.

Le ministère de la Culture va aussi renforcer sa coopération avec les collectivités territoriales, sur cette question de l’éducation à l’information et aux médias. Et le ministère de la Culture sera attaché à renforcer aussi son soutien à l’ensemble des acteurs du secteur.

Je pense aux professionnels de l’information, d’abord. Les médias ont un rôle capital à jouer : il y a une responsabilité de traitement, mais aussi de transmission de l’information. L’audiovisuel public joue un rôle indispensable en la matière.

L’une de ses missions prioritaires est de donner accès à une information indépendante, pluraliste, de qualité, qui met en perspective les points de vue. Radio France le fait au quotidien, et mène une action particulièrement volontariste en matière d’éducation aux médias et à l’information que je voudrais vraiment chaleureusement saluer.

Je pense aux ateliers radiophoniques proposés à la Maison de la radio, qui permettent à des élèves de monter un journal. Je pense aux initiatives au long cours comme « Interclass », de France Inter, qui initie des collégiens et des lycéens à la fabrication de reportages radiophoniques. C’est un programme qui dure 10 mois, avec 12 rencontres avec des professionnels pour un groupe de jeunes.

Pour donner à l’éducation culturelle une place structurante dans le parcours des enfants, nous devons développer ces actions de long terme. Les autres sociétés de l’audiovisuel sont aussi actives. Je citerai par exemple Arte : avec le journal quotidien « Arte junior » pour les 10-14 ans. Je pourrais citer aussi le site France TV éducation, qui propose des décryptages d’information, et des supports pédagogiques développés par l’INA et par le CLEMI.

La presse se mobilise aussi de plus en plus. Les nouvelles conventions-cadres signées par le ministère avec les principaux groupes de presse comprennent des engagements sur l’éducation aux médias. Les titres renforceront leur effort sur les trois prochaines années. Le fonds stratégique de développement de la presse a aussi soutenu un projet de mallette numérique, en cours de déploiement dans les lycées, pour qu’un journal soit créé dans chaque établissement.

En parallèle de l’audiovisuel public, je crois aussi beaucoup au rôle des médias de proximité. Et nous valorisons les actions d’éducation à l’information dans les aides que nous accordons. Je pense en particulier au fonds de soutien à l’expression radiophonique ou au fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité. Ils sont nombreux à mettre en œuvre des actions d’éducation à l’information, comme VLIPP, le média associatif de proximité de Nantes qui interviendra en fin de matinée.

Les journalistes ont un rôle décisif aussi à jouer. Le ministère poursuivra le développement du programme de résidences initié en 2016. Ce programme s’inspire des démarches de résidence soutenues jusqu’à présent dans les domaines artistiques et culturels. Vous en aurez une belle illustration tout à l’heure avec la résidence d’Alexandre DUYCK, mise en œuvre avec Le Républicain lorrain et le soutien de la DRAC Grand Est.

Nous poursuivrons aussi notre soutien à l’action de la société civile.

Les associations, les structures d’éducation populaires mènent une action absolument décisive en la matière.

Le soutien apporté aux associations qui s’investissent dans des actions d’éducation aux médias, sera amplifié. Je citerais comme exemple le nouveau soutien apporté par le ministère aux actions éducatives du Live Magazine. Ou encore depuis cet automne au projet d’Entre les lignes, qui réunit des journalistes de l’AFP et du Monde et qui vous sera présenté tout à l’heure.

Le deuxième principe de notre action, c’est l’innovation. Pour atteindre 100% des jeunes – et notamment par l’école, de la maternelle au lycée – nous n’avons pas l’intention d’établir un schéma-type, de lancer un vaste plan. D’abord parce que nous croyons aux solutions locales, aux expérimentations : les acteurs doivent pouvoir s’organiser librement, en fonction des ressources disponibles – sur le plan numérique, et sur le plan de la vie culturelle et médiatique. Le maître-mot, pour le ministère, c’est la confiance. Ce n’est pas l’uniformité qui fait l’efficacité d’une politique publique. C’est le pragmatisme, et la capacité à l’innover. Et ensuite, sur le terrain, vous ne nous avez pas attendus pour « faire ». J’ai mentionné déjà plusieurs démarches exemplaires. J’aurais pu en citer beaucoup plus : autant que vous êtes, dans cette salle, je devine que vous êtes déjà activement mobilisés sur la question. Notre rôle, c’est de connaître et de valoriser davantage ce qui se fait déjà : nous allons lancer ce travail.

Et c’est ensuite de soutenir ce qui fonctionne, et d’aider le déploiement là où les actions sont insuffisantes.

Le troisième grand pilier de notre ambition, c’est la formation.

La formation de celles et ceux qui ont vocation à être des acteurs essentiels de cette éducation aux médias et à l’information : côté culturel et professionnel, comme côté scolaire. C’est un axe absolument essentiel. Encore une fois, je sais parler ici à un public à la fois convaincu et exemplaire.

Mais nous devons progresser, au niveau national, sur cette question. Au ministère de la Culture. Nous allons engager un travail au sein de nos propres structures d’enseignement supérieur : pour former davantage les futurs professionnels et futurs acteurs culturels aux missions de sensibilisation, de transmission. Et à l’inverse nous sommes déterminés à appuyer la formation des futurs enseignants, côté scolaire, à ces enjeux et aux méthodes de sensibilisation. C’est un sujet sur lequel nous avons commencé à avancer avec ma collègue de l’Enseignement Supérieur, Frédérique VIDAL.

Voilà les grands messages que je tenais à vous adresser aujourd’hui.

Nous avons mis un certain temps, et nous sommes seulement en train de prendre la mesure des bouleversements engendrés par le numérique sur la société démocratique. Nous en avons compris depuis un moment les aspects économiques, scientifiques. Nous sommes en train d’en comprendre les conséquences politiques.

Cette révolution, sous toutes ses facettes, est à double face : elle regorge d’opportunités, mais elle fait aussi apparaître de nouveaux risques. C’est le cas pour le paysage des médias et de l’information.

Nous avons une responsabilité immense : en faire une opportunité définitive, et écarter les risques.

J’en fais une responsabilité personnelle.

Le ministère de la Culture va s’engager très fortement sur cette question. C’est un enjeu de démocratie, de paix, de progrès. C’est un enjeu de civilisation.

Je vous remercie.