Chers amis,

 

Je me réjouis de vous voir réunis ici, si nombreux, en ce début d’année. Je commence par vous souhaiter une très bonne année, le meilleur dans vos fonctions professionnelles éminentes, mais aussi dans vos vies personnelles et dans vos projets.

 

L'année qui vient de s'écouler aura été très particulière pour toute la France. Elle aura été marquée par la violence – proche, massive, visant les symboles de notre projet de société fondé sur la liberté – et nous sommes encore, en ce début d’année 2017, dans une période de grande incertitude.

 

Autour de nous, dans le monde, nous voyons ressurgir des tensions, régresser des libertés, aux portes de l’Europe, parfois malheureusement au sein-même de l’Europe. Nous voyons aussi des populations contraintes de fuir la misère et la forte violence.

 

A ces drames se sont ajoutées en France des paroles publiques qui abîment notre société, des paroles mortifères qui, de façon malheureusement prévisible, cherchent un bouc émissaire, divisent la Nation et fracturent un peu plus notre société.

 

La mission qui est la nôtre, qui est la vôtre, à tous ici, devient alors plus brûlante, plus cruciale : non pas réparer mais soutenir la société dans son projet républicain, faire vivre ses défenses les plus profondes, les seules susceptibles de protéger la France à long-terme, de rendre possible la résilience de notre société.

 

Je me réjouis que nous ayons, dans ce ministère, des moyens en 2017 pour soutenir cet élan et pour porter haut la culture. C’est un budget en forte hausse, qui dépasse le seuil symbolique de 1% du budget de l’Etat, pour atteindre même 1,1%. La hausse de ce budget est la marque que le gouvernement porte à la culture, puisque cela la met au niveau des grandes priorités comme les ministères régaliens et le ministère de l’éducation.

 

Parce que notre conviction profonde, et je sais que vous la partagez et que vous la vivez, c’est que c’est là que se joue l’avenir de notre projet de société.

Le tragique de l’histoire, qui s’est rappelé à nous, exige que nous soyons au meilleur de nous-mêmes, au meilleur de la défense des valeurs républicaines, à travers la culture. Car en réalité, nous pouvons beaucoup.

 

Contre la division de la société, nous pouvons beaucoup en ouvrant les portes plus grand encore, en allant hors de nos murs, en s’adressant à ceux qui ne viennent pas spontanément à nous.

Contre le repli, nous pouvons faire ce que nous savons faire de mieux, c’est-à-dire accueillir la diversité du monde, continuer d’en faire la marque de fabrique de la France, en étant la patrie de tous les artistes, de toutes les cultures, en apportant le démenti le plus éclatant à une vision de la France qui serait rabougrie et renfermée sur elle-même. En refusant de dresser des murs, pour reprendre la belle déclaration d’Isabelle Huppert il y a une semaine à Hollywood.

Contre l’ignorance aussi, et pour donner corps à l’égalité des chances, en s’adressant aux enfants et aux adolescents et préparer ainsi l’avenir de notre pays.

Contre la fragmentation des territoires enfin, en continuant d’agir pour rééquilibrer notre formidable et envié réseau culturel, de salles de cinéma, de scènes, de bibliothèques, de librairies, de fabriques artistiques, de musées, d’écoles d’art sur tout le territoire, car nous savons que c’est là plus qu’ailleurs que nous faisons la différence.

Les Français vous savent gré de votre action, ils savent qu’ils ont en vous un soutien puissant. J’en veux pour preuve, cet été, juste après l’attentat du 14 juillet, le succès populaire des festivals de l’été qui ont tenu bon parce que nous les avons soutenus, mais aussi parce que le public voulait être là. Ce succès a montré que les Français voulaient se retrouver autour des propositions d’artistes dans tous ces festivals, de musique bien sûr, mais aussi les festivals littéraires, circassiens, chorégraphiques qui dessinent une très belle France.

Le monde aussi nous regarde à travers ce prisme, et ne comprendrait pas que nous soyons infidèles à cette vocation. Il connaît notre littérature, notre cinéma, notre patrimoine d’exception, nos créateurs de mode, nos plasticiens, nos artistes dans toute leur diversité et leur rayonnement – je pense à Isabelle Huppert, bien sûr, à Christine and the Queens encore récemment distinguées. Je veux citer aussi les prix littéraires, en France, qui ont montré une très belle jeunesse et une très belle diversité – je pense notamment à Leïla Slimani ou Gaël Faye.

Alors que partout le dialogue devient plus difficile, les mots plus violents, c’est autour des propositions portées par des artistes que la discussion et le dialogue semblent encore et toujours possibles.

 

Je cite Amin Maalouf : « Considérer la culture comme un domaine parmi d'autre, ou comme moyen d'agrémenter la vie pour une certaine catégorie de personnes, c'est se tromper de siècle ».

 

Mais c’est aussi une exigence permanente pour nous tous. De s’adresser à tous, de ne pas laisser une partie de la population, ou de nos territoires, sur le bord du chemin. De s’adresser à la jeunesse en lui donnant les clés de son avenir. De défendre une vision plurielle du lien que chacun construit à la France, en apportant ses spécificités et construisant cette pluralité.

 

De résister à la tentation très présente qui serait de répondre aux inquiétudes de la société en prônant un retour à  une identité figée et univoque, qui n’a en réalité jamais existé.

De résister à la tentation qui serait de répondre à la demande de sécurité en renonçant à nos libertés. Celle-ci est très présente, comme on l’a vu dans le domaine de la création, de l’expression et de la programmation.

 

Il nous faut au contraire, plus que jamais, défendre ces libertés et cette diversité.

Ce sont les priorités que j’ai défendues depuis que je suis dans ces fonctions et que j’entends défendre jusqu’au bout de mon mandat. Je voudrais m’appuyer sur ce que nous avons réussi ensemble en 2016 pour continuer à avancer en 2017.

  1.  

C’est d’abord conforter la place de la culture en France, avec la loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine, qui a été adoptée cet été, qui était présente dans le programme du candidat François Hollande, qu’Aurélie Filippetti a travaillée, que Fleur Pellerin a aussi défendue en première lecture, et que j’ai eu le bonheur de façonner à mon tour avec le Parlement cet été. Je veux d’ailleurs remercier les parlementaires ici présents, parce que les commissions avec lesquelles j’ai travaillé, les commissions culturelles, autant au Sénat qu’à l’Assemblée Nationale, sont très attentives à nos enjeux.Pour la première fois depuis de nombreuses années, la politique culturelle a été l’objet de l’expression politique la plus haute, celle des élus de la Nation.

 

  1.  

Dans le même temps, et en parfaite cohérence avec l’esprit de cette loi, nous avons remporté une autre grande victoire, celle de la conclusion d'un accord historique entre les partenaires sociaux sur le régime d’assurance-chômage des artistes et techniciens du spectacle. Nous avons ainsi conforté l’un des piliers de la création en France.

Contre la démagogie, contre tous les oiseaux de mauvais augure, contre ceux qui cherchent encore à saper les fondements de ce régime, il fallait expliquer et démontrer qu’il pouvait être réformé intelligemment, en produisant à la fois de nouveaux droits qui étaient demandés depuis plus de 10 ans, mais aussi des économies pour l’équilibre du système. Et ainsi préserver ce qui fait l’excellence professionnelle de nos artistes et techniciens et leur capacité à faire que la création artistique est présente dans tout le pays.

Un accord, que nous accompagnons par un nouveau fonds pour l’emploi durable dans le spectacle doté de 90 M€, entre en vigueur en janvier 2017.

 

  1.  

Je veux aussi évoquer dans le bilan de cette année le renforcement de l’indépendance de l’information mais aussi de l’indépendance dans la création sous toutes ses formes.

 

Avec la loi audiovisuelle sur la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias adoptée cet automne, nous avons renforcé les garanties d’indépendance des rédactions à l’égard des intérêts économiques, qu’il s’agisse des annonceurs ou bien des actionnaires. Car c’est aussi une des exigences de la démocratie. Autant de libertés que l’on croit acquises mais qu'il faut sans cesse défendre.

 

Déjà, conformément à l’un de ses engagements de campagne, le Président de la République avait rendu au CSA – dont je salue le Président, les membres et l’action – le pouvoir de nommer les dirigeants de l’audiovisuel public – que je salue aussi –, traduisant ainsi ce qu’est notre conception d’un rapport mature et respectueux entre le pouvoir politique et l’audiovisuel public. C’est cette même vision qui a permis que soit enfin créée une chaîne d’information publique en continu, 15 ans après que le premier projet eût été étouffé.  

 

C’est dans ce même esprit que nous avons aidé à la conclusion d’accords, attendus depuis longtemps, entre les producteurs indépendants et les chaînes de télévision – que je salue –, ainsi que dans la filière du cinéma pour défendre la diversité des films sur les écrans et une plus grande équité dans l’accès aux films pour les territoires.

 

C’est encore pour soutenir la diversité des productions, l’émergence de nouveaux talents, pour consolider le secteur de la musique que nous avons obtenu le relèvement du plafond de la taxe fiscale qui finance le Centre National des Variétés, de la musique et du jazz, cet instrument de solidarité et de structuration du secteur, et que nous soutenons aussi sa projection à l’export.

 

Nous définissons et mettons en œuvre les moyens de la politique publique, mais il faut aussi mettre en œuvre les leviers de développement pour les acteurs privés, comme ceux de la filière musicale que je viens de citer, mais aussi de la filière du livre, des Fondations en général, des acteurs du marché de l'art, des galeristes qui soutiennent eux aussi les artistes.

Voilà autant de combats à mener ensemble pour conforter notre modèle de société, héritage d’une très longue histoire, forgée par des femmes et des hommes engagés et militants. 

 

Il me faut citer Jean Zay, parce que c’est dans ses traces, à la Libération, qu’a été initiée une formidable aventure politique et émancipatrice, que nous vivons encore aujourd’hui. Sur les ruines de ce conflit mondial, malheureusement sans lui, c’est là qu’a été bâti cet outil formidable qu’est le CNC, qu’a été inventé le plus grand festival de cinéma au monde qu’est Cannes, qu’ a été imaginé ce projet généreux de la décentralisation théâtrale.

 

Cet héritage, c’est un réseau dense, une armature très solide pour assurer partout la présence de la création contemporaine, la diffusion des œuvres, à travers des labels que nous avons renforcés dans la loi et qui continuent aujourd’hui d’évoluer pour intégrer les grands défis européens, les esthétiques émergentes et un renouvellement dans la relation au public. 

 

Renforcer l’indépendance dans la création, ce sont aussi toutes les mesures que nous avons prises en 2016 et que nous confortons en 2017, en faveur des compagnies, scènes et lieux de fabrique de théâtre, de danse, de cirque, de création pour le jeune public, pour les arts de la rue.

4.

Ambition indissociable et complémentaire de la défense des libertés, nous devons aussi donner corps à travers la culture à l’égalité des chances. C’est en cela que c’est un projet politique.  C’est l’attention donnée à la parité femmes/hommes, en inscrivant désormais dans la loi égalité citoyenneté la parité dans les jurys et commissions du ministère et de ses établissements publics, en veillant aussi à la parité dans les présélections de candidats pour pourvoir des postes de direction à la tête de lieux labellisés.

 

L’égalité des chances c’est aussi ne pas laisser de territoires abandonnés, donner la parole à toute la jeunesse, intégrer les esthétiques nouvelles,  là où elles se trouvent, à l’écoute de la diversité.

 

Et je veux ici vous dire que dans ce début d’année 2017, nous poursuivons ce travail, nous ne croisons pas les bras parce qu’il s’agit d’une année électorale, nous sommes pleinement mobilisés pour poursuivre cet élan. Pour reprendre une expression qui a été utilisée il y a quelques jours à l’occasion du lancement d’un projet dont je vais vous parler : on commence à fond, puis on accélère.

 

Nous avons lancé un projet d’un genre nouveau, une maison de la culture numérique hyper-connectée, qui réunit le spectacle, les musées, le jeu vidéo, les artistes, les écoles. J’ai installé le premier modèle de cette micro-folie, au cœur d’un quartier populaire sensible, à Sevran. Elle offre les trésors de la Nation aux populations excentrées, favorise la création en offrant un espace scénique d’une modernité absolue, et anime les territoires en créant de nouveaux lieux de vie populaires. Cette installation a vocation à être la première d’une longue liste, en partenariat avec les collectivités. Je voudrais remercier toutes nos grandes institutions qui en ont été partenaires : Pompidou, la RMN, le Quai-Branly, Versailles, la Philharmonie, le musée Picasso, le Louvre et Universciences, le tout sous le pilotage et l’inventivité de la Villette.

 

Samedi dernier, aux quatre coins de la France, s’est déroulée la première édition d’une Nuit de la lecture dans les bibliothèques, en partenariat avec les librairies indépendante. Parce que le livre, c’est la liberté. Parce que les bibliothèques, c’est l’égalité des chances et l’émancipation. Parce que les librairies, c’est la diversité sur tout le territoire. Je veux aussi saluer le succès cet été de la 2ème édition de « Partir en Livre », une grande opération destinée à la jeunesse.

 

Enfin, ce matin même, nous avons lancé avec la ministre de l’Education un programme de résidences d’artistes au long cours dans nos écoles. Une centaine de jeunes artistes, fraîchement diplômés de nos établissements d’enseignement supérieur, comme la Femis, les écoles d’architecture, ou le Conservatoire national d’art dramatique, participeront à cette opération « Création en cours », qui débute dans les jours qui viennent dans les écoles.

 

Je vais par ailleurs, en ce début d’année, renforcer les liens avec les réseaux d'éducation populaire pour développer cette action en dehors de l’école. Je pense aussi aux partenariats menés grâce au développement du service civique au ministère de la culture et de la communication, où le développement du programme « Citoyens de la culture » a permis d'atteindre l'objectif fixé des 10.000 missions.

 

Pour réconcilier notre société avec elle-même, il faut encore permettre que les œuvres produites sur nos plateaux de cinéma ou de théâtre en soient le meilleur reflet. Là encore de très beaux exemples nous donnent la force d’avancer. Je pense par exemple à la pièce «  F(l)ammes » d’Ahmed Madani ou au film « Divines » d’Houda Benyamin qui a conquis le monde.

 

Et c’est dans cet esprit qu’en 2017, nous allons soutenir nos grandes écoles d’enseignement supérieur, dans une recherche de la plus grande diversité de recrutement.

 

Enfin, et pour finir, l’enjeu de notre politique est aussi celui du rayonnement de la France. C’est grâce à sa culture et à la place qu’elle lui réserve que la France est regardée avec affection et parfois avec passion par le reste du monde. C’est pour son engagement pour l’art, pour la qualité de la valorisation de l’art dans nos musées qu’un couple d’américains, Spencer et Marlène Hays, a donné à la France et au musée d’Orsay une collection pour laquelle les musées américains se seraient damnés et qui est la plus importante donation jamais faite à la France au moins depuis 1945. C’est parce qu’elle défend la liberté que les artistes du monde y trouvent refuge : on en a eu encore une illustration aujourd’hui.

Agir pour le rayonnement et l’attractivité de la France, c’est aussi ce que nous avons fait avec la réforme du crédit d’impôt cinéma et audiovisuel, d’abord pour conserver les tournages de nos productions sur notre territoire, mais aussi attirer des tournages étrangers. Les résultats sont spectaculaires, avec plus de 500M€ de dépenses supplémentaires et 20% de jours de tournage en plus. La conscience du rôle de la France dans le monde, de sa légitimité et de sa responsabilité, c’est aussi ce qui a amené le Président de la République à proposer et conduire la mise en place d’un fonds mondial pour le patrimoine en danger, dans la suite du rapport rendu par Jean-Luc Martinez, le président du Louvre.

Et dans quelques jours, la semaine de la mode nous rappellera la créativité, la puissance d’image et le potentiel économique de ce secteur dans lequel la France excelle, de même dans le secteur du design et des métiers d’art, de la gastronomie.

Le rayonnement de la France, c’est enfin sa langue, belle et vivante, parlée partout dans le monde, avec un désir de France qui s’exprime dans de nombreuses parties du monde en raison des valeurs que porte notre langue. J’en ai eu encore la preuve très directe à Beyrouth en me rendant au salon du livre francophone, où j’ai pu annoncer un soutien accru de la France aux librairies francophones dans le monde – car cela soutient les auteurs francophones mais aussi la diversité –, et également un plan accru de traduction au sein de la Méditerranée.

Dans ce monde fragmenté avec cette puissance, nous ne devons pas abandonner l’idéal européen mais au contraire lui donner enfin réellement corps à travers l’éducation et la culture.

Ces derniers mois nous ont montré que nous pouvons nous faire mieux entendre dans le projet européen en ce qui concerne les sujets culturels. Je pense notamment aux droits d’auteur ou à la régulation audiovisuelle. La France va continuer à se tenir aux avant-postes de ces discussions, défendant la création et les auteurs. C’est ce que nous avons fait en 2013, quand la France était au début bien seule pour défendre l’exclusion de l’audiovisuel et du cinéma du mandat de discussion d’un accord commercial avec les Etats-Unis, avant de rejoindre par les autres Etats membres. C’est encore ce que nous devons faire dans les mois et années à venir pour la régulation qui reste à créer et qui est en ce moment en jeu quant au rôle des grandes plateformes numériques qui captent l’essentiel de la valeur, grâce à leur pouvoir réel d’innovation et leur capacité à rendre exclusive la relation avec leur publique. C’est le grand défi de la période à venir, et nous devons être au rendez-vous.

Voilà, au cœur de cette période particulière que vit la France, autant de défis et de promesses d’avenir. Et je voudrais citer plus largement, en France, à ces idées nouvelles qui émergent, ces bonnes  volontés qui se font connaître et qui se transforment en réalité. A Strasbourg, Amilly, Caen, Annonay, Sète, Rennes, Dijon, Lille, Rouen, Villeurbanne, Clermont-Ferrand, Sevran, Ivry-sur-Seine et dans tant d’autres endroits encore, il y a des élus de la Nation qui sont mobilisés, qu’il faut soutenir et accompagner.

Je vous propose, pour véritablement conclure mon propos et dans la perspective des rendez-vous qui sont les nôtres, d’entendre les mots de David Foster Wallace d’une acuité particulière :

 

« Dans les heures les plus sombres, la définition d'une œuvre de qualité est celle qui circonscrit et ranime, au bouche-à-bouche si besoin, ce qu'il reste d'humain, de magique, de rayonnant en dépit de l'obscurité » 

Merci à vous.