Mesdames et messieurs,

Chers amis,

La ministre m’a chargé de prononcer en son nom le discours qu’elle avait préparé.

Elle avait tenu à organiser cette matinée d’échanges, je le rappelle. Et a souhaité le faire à la Cité de l’architecture et du patrimoine pour laquelle elle a une véritable ambition de nouvelle dynamique.

Le rôle des architectes dans la politique du logement est un enjeu d’actualité immédiate.

C’est surtout un enjeu d’avenir.

Nous tenions donc à prendre ce temps pour partager quelques convictions, d’abord et des perspectives.

Deux convictions, pour commencer…

Sur le rôle des architectes dans la construction de logements, et plus largement dans la Cité, avec un grand « C ».

La première conviction, c’est que ce rôle est nécessaire.

Que la France a besoin de ses architectes pour relever les grands défis de notre siècle. Le défi écologique, bien sûr. Mais aussi le défi économique ; le défi social ; le défi culturel, sociétal.

Parce que l’organisation de l’espace détermine notre façon de vivre, travailler, produire, consommer, éduquer, soigner…

Nous avons, plus que jamais, besoin des architectes pour penser au mieux nos espaces de vie. Pour leur donner du sens.

Le logement en fait partie.

Et le défi est double.

Notre pays doit loger « plus ».

Mais il doit aussi loger « mieux ».

Cette exigence de qualité tend à être reléguée au second rang des priorités. Elle est fondamentale.

Je rappelle les chiffres du dernier rapport de la Fondation ABBE PIERRE :

  • Près de 150 000 personnes sont sans domicile en France;
  • 4 millions de personnes sont mal-logées;
  • 12 millions sont fragilisées.

Le droit au logement, ce n’est pas seulement le droit à un toit.

C’est le droit à un espace de vie sain, sécurisant, confortable, pérenne.

L’accès à un logement de qualité est une condition pour accéder à d’autres droits : à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à la vie sociale…

L’accès à un logement de qualité, un logement digne, confortable, est l’une des conditions pour trouver sa place dans la société…

Nous devons le garantir à tous.

Et en particulier à ceux qui sont fragilisés.

Je sais combien c’est une préoccupation partagée par les élus, les bailleurs et aménageurs. Je souhaite remercier ceux qui ont pu venir ce matin.

Et c’est une préoccupation constante des architectes.

Votre engagement sur ce front n’est plus à démontrer.

Dès la fin du XIXème siècle, et plus particulièrement à partir de l’entre-deux-guerres et de la construction de ce que l’on appelait alors des « habitations à bon marché », puis les « grands ensembles », les architectes se sont engagés…

Je pense à quelques grands noms : Fernand POUILLON, Jean DUBUISSON, Emile AILLAUD ou Renée GAILHOUSTET.

Ils ont offert des ensembles de logements de très grandes qualités, pour leur époque.

Dès l’après-guerre, des ensembles de logements ont été réalisés, généreux par la qualité de leurs espaces intérieurs, espaces communs ou collectifs et leur rapport à la ville.

Certains de ces ensembles de logements sociaux sont désormais considérés comme des éléments marquants de notre histoire sociale, architecturale et urbaine, et sont protégés au titre du code du patrimoine. D’autres sont labellisés « architecture contemporaine remarquable » comme témoins d’une avant-garde sociale ou urbaine.

Depuis de longues années, donc, les architectes s’engagent pour offrir des habitats de qualité à tous les citoyens.

C’est un métier qui est indispensable aux transformations sociale, économique, écologique de notre pays.

La conviction que nous avons, en parallèle, c’est que ce rôle n’est pas toujours bien compris par notre société.

En tant que ministère de l’Architecture, nous sommes là pour réaffirmer son importance et le revaloriser.

Pour rappeler que l’architecte n’est pas seulement indispensable pour dessiner et embellir, mais qu’il apporte des solutions innovantes ; qu’il pense l’intégration d’un projet sur le territoire ; qu’il pense ses dimensions sociales ; qu’il est le garant d’exigences patrimoniales, environnementales, sécuritaires ; qu’il assure la bonne marche des chantiers ; et in fine, qu’il a le pouvoir de changer des vies.

Pour rappeler, aussi, que l’intervention des architectes n’est pas source de coûts ou de délais supplémentaires, au contraire.

L’intervention fait gagner du temps et de l’argent sur le chantier, parce qu’il sera mieux encadré.

Et elle fait gagner du temps et de l’argent sur le long terme, à toute la société, parce que le bâtiment aura été bien construit.

La ministre a une dernière conviction :

Que les mieux placés pour casser les préjugés, pour défendre une profession, sont ceux qui la portent.

Que vos meilleurs ambassadeurs sont vos projets, vos résultats.

Et j’en viens ici à nos perspectives.

Le ministère de la Culture porte une triple ambition :

  • Donner du temps aux architectes ;
  • Lever les freins à l’innovation ;
  • Et renforcer la formation.

Donner du temps.

Et en particulier du temps pour la conception, la préparation, le dialogue.

C’est le sens de l’évolution que nous engageons autour de l’intervention des architectes des bâtiments de France.

Aujourd’hui, ils interviennent essentiellement pour délivrer les autorisations prévues par les lois et règlements.

Demain, ils seront davantage sollicités en amont, pour apporter des conseils et des recommandations sur les projets de revitalisation de centres anciens ou les opérations importantes de logements en zone tendue.

De façon générale, le rôle de l’architecte ne doit pas se cantonner à la production de réponses techniques.

Il est essentiel de préserver ces temps de conception, d’innovation, d’expérimentation ; de travail en amont avec les acteurs, dans une logique de projet.

Notre deuxième responsabilité : lever les freins à l’innovation, au bénéfice des citoyens.

Pour que la France puisse s’appuyer pleinement sur ses architectes, nous devons desserrer les normes, les contraintes qui pèsent sur leur créativité et l’exercice de leur métier.

L’architecture a le pouvoir de débloquer des situations, sur des lieux en devenir, dans un dialogue étroit avec l’ensemble des acteurs locaux : aménageurs, maîtres d’ouvrages, collectivités, riverains, associations...

C’est le sens du « permis de faire », imaginé dès les premières réflexions de la Stratégie nationale pour l’architecture.

Nous souhaitons poursuivre l’expérimentation et nous visons la généralisation.

Aujourd’hui, ce principe s’applique à un certain nombre de domaines, comme la sécurité incendie. On prend en compte la spécificité du projet et non la norme ex nihilo.

Nous souhaitons l’étendre : notamment à la performance énergétique ; à la qualité acoustique ; et au réemploi des matériaux.

Et nous portons l’idée d’une généralisation à terme.

Je souhaite d’ailleurs que la Cité de l’architecture et du patrimoine s’empare de cette question, pour en faire un objet de débat le plus large possible et favoriser son essaimage.

Les établissements publics d’aménagement vont explorer, par un appel à projets, la possibilité d’expérimentation dans les Opérations d’Intérêt National.

Du côté du ministère de la Culture, nous allons prendre en compte le « permis de faire » dans le cadre du projet d’aménagement des Ateliers Berthier pour la Cité du Théâtre.

Ce permis de faire va nous permettre de passer d’une logique de contrôle à une logique de confiance.

Enfin, notre troisième responsabilité : former.

Nous avons un réseau d’Écoles nationales supérieures d’architecture de grande qualité, auquel s’ajoute l’École de Chaillot de cette Cité.

Comme la ministre a pu l’annoncer en novembre dernier en présentant sa Stratégie annuelle pour le patrimoine, nous allons renforcer la formation initiale sur les enjeux du bâti existant.

Dans le cadre de la transition écologique, de la lutte contre l’étalement urbain, et de la revitalisation de nos centres-villes anciens, nous avons besoin des architectes pour reconvertir, réinventer, réhabiliter l’existant.

Pour répondre à ces enjeux, le ministère de la Culture va ouvrir une dynamique, avec ses Écoles nationales supérieures d’architecture.

  • A compter de l’année universitaire 2018-2019, les Ecoles se mobiliseront pour que davantage d’enseignements, de workshops, de séminaires sur le patrimoine soient offerts à nos étudiants.
  • La formation continue des architectes sera par ailleurs enrichie pour favoriser la prise en compte des évolutions techniques et réglementaires sur ces champs.

Une réflexion sera aussi menée avec l’Ecole de Chaillot sur l’adaptation de la formation des ABF, à plusieurs enjeux :

  • Demandes de plus en plus fortes de dialogue et de pédagogie de la part de nos concitoyens, élus ou pétitionnaires ;
  • Enjeux d’aménagement et de revitalisation des territoires ;
  • Enjeux de transition énergétique ;
  • Problématiques de construction de « la ville sur la ville » et de réutilisation du bâti existant.

Pour en faire des lieux toujours plus professionnalisant, nous souhaitons développer l’interaction entre action de terrain et recherche, qui associe par exemple entreprises et écoles.

Une nouvelle vague de « chaires partenariales » sera lancée cette année.

Le rôle de nos Écoles, enfin, est de développer la recherche autour de l’habitat et du logement, dans leurs dimensions historique, sociale, urbaine, patrimoniale et architecturale. Nous encourageons cette activité.

 

Voilà, mesdames et messieurs,

Les grands messages que je tenais à vous transmettre, au nom de la ministre qui – une nouvelle fois – regrette de ne pas pouvoir être présente ce matin.

Nous aurons l’occasion de poursuivre ces échanges.

Je vous souhaite une riche matinée de débats.

Je vous remercie pour votre attention.