Monsieur le Ministre, cher Jean-Michel,

Madame la Ministre, chère Martine PINVILLE,

Mesdames et messieurs les Députés,

Monsieur le Président du conseil départemental,

Monsieur le Président du Grand Angoulême,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Préfet,

Mesdames et messieurs les recteurs,

Monsieur le Président de la Cité,

Monsieur le Directeur général de ces Rencontres nationales de la BD,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

 

Pour vous parler de ce que nous avons à faire ensemble, je voudrais commencer par vous dire ce que nous avons en commun.

Je crois que nous sommes réunis par un trait de caractère : nous avons refusé de croire, à un moment ou l’autre, ceux qui nous disaient que « c’était impossible ». Que les choses étaient « censées » être autrement.

« Impossible » de transformer Angoulême, ancienne cité industrielle, en capitale culturelle…

« Impossible » de se jouer des barrières générationnelles, ou sociales, pour faire entrer la bande-dessinée dans les foyers… « Impossible » d’imaginer un art saisi avec autant d’enthousiasme par les mains des élèves que par celle de leur enseignant.

Et pourtant… Vous avez participé toutes et tous, dans vos fonctions – auteurs, éditeurs, acteurs culturels, enseignants – à ces révolutions. Vous continuez. Aujourd’hui, avec Jean-Michel BLANQUER, nous nous situons aussi, d’une certaine façon, dans ce sillon. Nous sommes aussi de ceux qui s’entendent dire que « ce n’est pas possible ».

« Impossible », pour mon collègue Jean-Michel BLANQUER, de refonder l’école autour de la confiance. « Impossible », pour moi, de donner un nouvel élan à la politique culturelle. « Impossible », pour nous, ensemble, de donner corps à la promesse de réconciliation entre nos deux projets : de faire progresser de pair, enfin, culture et éducation.
« D’autres ont déjà essayé », nous dit-on.

Nous sommes ici pour vous dire que nous le ferons. Grâce à une arme qui a permis de franchir de nombreux obstacles, dans l’Histoire, qui continuera, et qui porte un nom : cette arme, c’est la volonté politique.

Ce n’est pas ici, à Angoulême, que nous vous en apprendrons le pouvoir. C’est d’une volonté politique, aux origines, celle de Francis GROUX, que le premier festival de la bande-dessinée est né.  Cette volonté a croisé la route de passionnés, d’artistes, d’entrepreneurs… Elle a agrégé d’autres volontés. Et petit à petit, elles ont transformé un territoire, et in fine, notre pays.

Aujourd’hui, avec Jean-Michel BLANQUER, nous en partageons une, pour l’éducation artistique et culturelle. Je voudrais dire un mot de cette volonté politique que nous affichons, et de la façon dont nous comptons. Cette volonté politique se fonde sur le partage d’une conviction et d’une ambition.

La conviction, c’est que nos deux projets sont indissociables. La culture est au cœur de l’école de la confiance que Jean-Michel BLANQUER souhaite construire. C’est la culture qui donne sens à la vie en société, et elle aide chacun à y trouver son chemin.

 « L’éducation passe avant l’instruction, elle fonde l’homme » disait SAINT-EXUPERY. La culture ne doit plus être considérée comme un supplément d’âme, elle est au cœur de cette éducation. Réciproquement, l’école est au cœur de mon propre projet. Parce qu’elle est le meilleur endroit pour combattre le sentiment d’illégitimité, qui reste la première barrière d’accès à la culture. Elle permet de toucher tous les futurs citoyens. Et au plus jeune âge, c’est-à-dire quand le rapport aux arts et aux cultures se forge.

De cette conviction partagée, nous avons, avec Jean-Michel BLANQUER, fait naître une ambition… Une triple ambition.

D’abord, une ambition d’universalité. Les situations sont aujourd’hui contrastées, sur le terrain, en matière d’éducation artistique et culturelle. Notre objectif est d’en faire une réalité pour tous les enfants de la République, d’ici 2022.

Nous portons aussi une ambition de durée. Pour donner à la culture une place structurante dans le développement des enfants, nous souhaitons à la fois en faire un fil conducteur dans la scolarité, de la maternelle au lycée,  et inscrire chaque activité dans le temps long. Les sorties et les rencontres ponctuelles sont des premiers pas indispensables, mais qui ne suffisent pas. Pour avoir un impact structurant, il faut instaurer des rendez-vous récurrents avec les œuvres, les artistes, et permettre aux enfants d’avoir eux-mêmes une pratique régulière. Ce n’est qu’ainsi que chaque famille pourra se dire : « Oui, les choses ont changé ».

Et c’est dans ce même souci de durée que je porte le « Pass culture » pour les jeunes de 18 ans : pour qu’ils aient les moyens, à l’entrée dans l’âge adulte, de prolonger le parcours qu’ils ont amorcé à l’école. Enfin, nous portons une ambition de diversité.

Pour que la transmission artistique et culturelle joue pleinement son rôle, pour notre société, elle doit ouvrir aux arts et aux cultures dans leur diversité. Le ministère de la Culture a pour responsabilité de la protéger et de la nourrir. Notre rôle est aussi d’avancer avec l’Education nationale pour la partager. Voilà pour l’ambition.

Je tenais à en dire un mot, parce qu’une volonté politique n’est jamais acquise. Celle que nous tenons pour l’éducation artistique et culturelle existe, et nous l’affichons : c’est une première étape. Nous devons maintenant la traduire en actes. En faire une volonté « incarnée ». En 4 mois, nous avons commencé. Dans notre nouvelle façon de travailler, d’abord.

Nous avions fait ensemble la rentrée des classes en musique, en septembre, dans les Hauts-de-France. Nous sommes ici ensemble aujourd’hui. Nous serons demain à Blois, ensemble, pour les Rendez-vous de l’Histoire. Et nous multiplierons ainsi les déplacements communs. Une collaboration a été nouée entre nos ministères, qui est inédite. Elle est visible à notre niveau, mais elle unit nos équipes, nos administrations, à chaque instant. Notre volonté est également incarnée par des moyens nouveaux.

J’ai présenté mon budget pour 2018 la semaine dernière.

Le ministère de la Culture va significativement renforcer son soutien aux actions d’éducation artistique et culturelle : le budget consacré augmentera l’année prochaine de 35 millions d’euros. Il sera porté à 114 millions d’euros.

Notre volonté politique est désormais incarnée, aussi, par des priorités. Avec Jean-Michel BLANQUER, nous avons décidé d’en fixer deux : le développement de la pratique artistique d’une part, de la musique au théâtre en passant par le dessin, et du goût de la lecture, d’autre part. C’est inédit : le cahier des charges était resté flou jusque-là, sur le parcours d’éducation artistique et culturelle.

Et c’est décisif : préciser ainsi des priorités permet de guider les efforts déployés, et donc de gagner en impact. La bande-dessinée est évidemment au cœur de ce projet, parce qu’elle conjugue nos deux priorités, c’est un extraordinaire champ de pratique pour les enfants eux-mêmes, à travers le dessin, la peinture.

C’est un très bon support pour développer le goût de la lecture. C’est le 2ème genre le plus emprunté dans les bibliothèques. C’est par ailleurs un art qui ouvre vers d’autres champs culturels, et vers de multiples savoirs.

Je pense au succès des BD historiques, ou des BD à vocation pédagogique – c’est le thème de vos discussions demain. Elles aident des jeunes à s’approprier des matières qu’ils n’auraient pas abordés par la voie « classique » : c’est aussi le rôle de l’éducation artistique et culturelle.

La bande-dessinée a donc une place évidente dans le projet que nous voulons mener. La mission des prochains mois, c’est de voir cette volonté politique incarnée par des faits. Et nous aurons besoin de toutes les énergies.

Pour généraliser les pratiques et la lecture, nous allons miser sur les partenariats locaux. Nous n’avons pas l’intention d’établir un schéma-type, au niveau national. D’abord parce que les solutions sont à bâtir au niveau des territoires : les acteurs doivent pouvoir s’organiser librement, en fonction des ressources de proximité – une bibliothèque, un atelier, une résidence d’artistes par exemple.

Nous vous faisons confiance. Ce n’est pas l’uniformité qui mène à l’universalité. C’est le pragmatisme, et la capacité à l’innover. Ensuite, parce que sur le terrain, vous ne nous avez pas attendus pour « faire ».

Vous êtes des centaines, des milliers en France à vous mobiliser, depuis des années. A jouer ce rôle de « passeurs » auprès des jeunes générations. Nous aurons beaucoup à apprendre notamment de ce qui se fait ici, dans la Cité, et plus largement sur le territoire.

Vous avez su nouer des partenariats exemplaires, autour de la bande-dessinée. Je pense aux projets comme « Rurart », ou à l’école « Epiphyte » milieu rural. Aux appels à projet comme « Kustom », qui associe les établissements éducatifs, sociaux et culturels de plusieurs communes. Ou aux projets comme « Eclaircies », qui installent des résidences d’auteur dans des écoles : c’est un axe que je souhaite explorer.

Grâce à vous, des milliers de jeunes bénéficient d’un parcours autour de la BD dans cette Région. Je pense aussi aux partenariats noués dans les autres champs artistiques : le théâtre, l’art contemporain…

Vous faites beaucoup. Et vous faites beaucoup « ensemble ». Vous pouvez être fiers.

L’exemple que vous nous offrez doit être démultiplié. Et le ministère de la Culture avancera en ce sens, avec une double mission.

Nous avons d’abord un rôle de mobilisation et de responsabilisation à jouer, au niveau national, auprès de tous les acteurs culturels. Chacun doit prendre sa part. Toutes les conventions signées par le ministère de la Culture comporteront désormais un volet dédié à l’éducation artistique et culturelle. C’est-à-dire que tous les artistes et toutes les structures que nous soutenons devront mener des actions spécifiques pour les publics jeunes ou « éloignés » de la culture.

Nous allons par ailleurs renforcer l’engagement de nos propres établissements en ce sens. Vous menez ici à la Cité un travail exemplaire, qui doit en inspirer d’autres. Ce sont là des décisions structurantes, que j’ai annoncées la semaine dernière.

Le ministère de la Culture jouera également un rôle dans la formation.

D’une part, la formation des futurs créateurs. Car l’éducation artistique et culturelle sert aussi à déclencher des vocations. L’Ecole européenne supérieure de l’image (EESI) d’Angoulême fait un travail formidable, que je veux saluer. Les talents qui émergent ici sont reconnus et enviés du monde entier.

Et d’autre part, nous avons un rôle à jouer dans la formation des « passeurs » de culture.

Nous allons engager un travail au sein de nos propres structures d’enseignement supérieur pour former davantage les futurs acteurs culturels aux missions de transmission, de sensibilisation.

Et à l’inverse nous sommes prêts à mettre nos ressources à disposition pour appuyer la formation des futurs enseignants à l’EAC. Des partenariats sont à développer, sur le modèle de ce qui se fait ici : entre la Cité et l’Education nationale.

Voilà, mesdames et messieurs,

Quelques mots du projet que nous sommes en train de déployer.

C’est une priorité, pour mon ministère.

J’ai fait de l’école l’une des trois nouvelles frontières à dépasser pour la politique culturelle, avec l’Europe, et la vie culturelle de proximité.

L’éducation artistique et culturelle doit se poursuivre tout au long de la vie. Et nous y travaillerons, évidemment. Mais nous avons fait ce choix : donner la priorité à la jeunesse.

Un choix que le moment nous dicte, à mon sens. Nous avons la responsabilité de donner à la jeunesse toutes les forces nécessaires pour relever les défis que ma génération, notre génération lui laisse : dans le champ social, sécuritaire, économique, écologique.

La culture sera une partie de la réponse, avec l’éducation.

Je vous remercie.