Mesdames les ambassadrices, messieurs les ambassadeurs,

Madame la ministre, chère Élisabeth Guigou,

Madame la directrice, chère Laurence Auer,

Cher Erik Orsenna, cher Xavier North, cher Jean-François Chougnet,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureuse d’être ici et de faire ainsi connaissance avec la plupart d’entre vous aujourd’hui. Le Président de la République a exposé, hier, les priorités de la France en matière diplomatique. La feuille de route est ambitieuse, elle est exigeante. A l’heure où certains pays font le choix de tourner le dos au monde, la France fait le choix d’y réaffirmer son ancrage, de prendre ses responsabilités, de jouer sa part, face aux défis globaux que sont la lutte contre le terrorisme, la transition écologique, les migrations ou encore la refondation du projet européen. Elle se place, résolument, du côté des nations qui cherchent à construire des ponts - plutôt que de dresser des murs - et des ponts qui soient, toujours, à double sens. C’est fondamental et c’est le cœur de notre échange aujourd’hui. La France croit à un monde qui grandit par l’échange, par la réciprocité, par la solidarité. La France, au fond, croit à la diversité. Pour s’en nourrir, et pour contribuer à la nourrir, il y a un vecteur de dialogue élémentaire : c’est la langue. C’est le thème de notre déjeuner, et le Président de la République en a longuement parlé hier.

Je voudrais aujourd’hui évoquer non pas une, mais deux formes de langue, qui peuvent à mon sens nourrir le dialogue de la France avec le monde.

Il y a la langue des mots. Mais il y a aussi la langue des arts.

Je travaillerai à les promouvoir toutes deux, en étroite coopération avec mes homologues des affaires européennes et internationales – Jean-Yves Le Drian, Jean-Baptiste Lemoyne et Nathalie Loiseau.

J’évoquerai, pour commencer, la langue des mots.

La première qui sert notre dialogue, c’est évidemment la nôtre : le français. Nous n’en avons pas le monopole et c’est une richesse que nous partageons avec une communauté : la francophonie. Le français est, avec l’anglais, la seule langue parlée sur les cinq continents. C’est une ressource exceptionnelle et les initiatives pour la promouvoir ne manquent pas, sur le terrain. J’étais par exemple avec Jean-Baptiste Lemoyne au Festival du cinéma francophone d’Angoulême ce week-end. Ce qui manque, c’est un élan politique concerté : l’élan qui permet d’agréger ces initiatives, et de les amplifier. Le Président de la République a annoncé hier qu’il prendrait des initiatives pour la francophonie. Il a indiqué qu’un plan d’ensemble serait lancé dès 2018. En 2020, par ailleurs, la Tunisie accueillera les 50 ans de l’Organisation internationale de la Francophonie : c’est une échéance importante, qui peut servir d’appui à un élan collectif.

Nous devons également nous mobiliser, en dehors des pays francophones, pour la diffusion du français - non pas parce que nous voudrions une seule langue pour tous, mais parce que nous défendons l’accès à plusieurs langues pour chacun. La diversité culturelle à laquelle nous croyons passe par le plurilinguisme : nous le développons en France, en enseignant à chaque enfant de la République au moins deux langues vivantes étrangères. Cet idéal, nous pouvons aussi le porter à l’extérieur, en offrant en partage le français. Continuons à le promouvoir comme langue vivante dans les systèmes d’enseignement étrangers. La demande ne cesse de croître. Continuons à le porter comme langue de référence des sciences et des techniques. Le ministère de la culture mène une action résolue en la matière, avec l’appui tout particulier du Québec et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Vous pouvez nous aider. Vous pouvez être des pivots de la diffusion de notre langue sur le terrain : avec les Alliances, les Instituts français, les librairies françaises – n’oublions pas les librairies –, ou encore les établissements scolaires.

Au-delà de notre langue, nous devons également nourrir le dialogue avec la langue « de l’autre », et je veux ici aborder un thème qui m’est personnellement très cher, et qui est aussi prioritaire : la traduction. Je veux vous lire quelques extraits d’un « Manifeste pour la traduction » que j’avais co-signé il y a quelques temps, avec entre autres Erik Orsenna, que je salue : « Les langues sont comme Ulysse : elles voyagent. Il y a des routes de la traduction comme jadis celles de la soie ou des épices. Sans traduction, les livres et les œuvres sont laissés en consigne culturelle […].Sans traduction, pas de dialogue entre les cultures. Elle est une clé essentielle de nos identités partagées ».

Nous devons soutenir la traduction à double sens.

Du français vers les langues étrangères, d’une part. Elle est déjà formidablement nourrie. C’est la seconde langue la plus traduite au monde, après l’anglais. Il s’agit aujourd’hui de soutenir l’effort pour la formation de traducteurs, de poursuivre le soutien à la cession de droits, mais aussi l’accompagnement des auteurs auprès du public étranger. Nous avons, à cet égard, un grand rendez-vous à l’automne : je rappelle que la France et la langue française sont invitées d’honneur de la Foire du livre de Francfort.

Il nous faut aussi développer les traductions dans l’autre sens : des langues étrangères vers le français.

La France est une terre d’accueil pour les littératures du monde entier. Elle le doit à l’exceptionnelle qualité de ses traducteurs et à leur travail remarquable. Le ministère de la Culture y apporte son soutien. Actuellement, par exemple, nous accompagnons la publication du premier dictionnaire franco-islandais. C’est un travail que je souhaite voir s’amplifier, en particulier vers le bassin méditerranéen et les écrits en langue arabe. Des actions sont déjà en place, là aussi. Je pense par exemple à la coopération du Centre national du livre avec le Liban. Il s’agit de les multiplier, de les amplifier.

En parallèle du langage des mots, la France doit nourrir son dialogue avec le monde par le langage des arts.

Il est, depuis longtemps, un pilier de notre diplomatie. Le Président de la République l’a bien rappelé, en conviant Vladimir Poutine à Versailles.

Notre premier rôle : soutenir nos artistes et nos industries culturelles à l’international. C’est, grâce à eux, que nous portons notre voix dans le concert mondial de la diversité. Erik Orsenna ne me contredira pas je crois – il prendra la parole dans un instant. Nous devons accompagner la diffusion de nos contenus : notre littérature, notre cinéma, notre musique, grâce au Bureau Export, ou encore nos contenus audiovisuels. Je pense à Arte, qui vise aujourd’hui à diffuser davantage ses programmes Internet, mais aussi à RFI, qui est diffusé en français et en 13 langues étrangères, dans le monde entier. Je pense aussi au travail de TV5 Monde, France 24, Monte Carlo Doualiya que nous accompagnons et que je salue. Nous devons aussi multiplier les coopérations artistiques, avec tous les pays, dans tous les domaines, par exemple en matière d’arts visuels : Jean-François Chougnet nous fera part de son expérience dans un instant.

La coopération doit aussi se faire sur le plan institutionnel, autour de la politique culturelle. L’expertise française est reconnue dans le monde entier. Les demandes de coopération sont de plus en plus fréquentes. Le projet du Louvre Abu Dhabi est le projet le plus emblématique. Je me rendrai d’ailleurs sur place la semaine prochaine. Mais d’autres opérateurs sont également régulièrement sollicités : le CNC, l’INA, la BnF, ou encore le Centre Pompidou (Malaga et bientôt Shanghai). Je souhaite à cet égard que mon ministère puisse, en lien avec l’ensemble des parties prenantes, structurer davantage son organisation et son offre dans ce domaine si stratégique et fortement concurrentiel. Le ministère de la Culture mène aussi des coopérations approfondies avec les gouvernements étrangers. Je pense au formidable programme de jumelage avec la Tunisie qui a lieu en ce moment même : une centaine d’experts du ministère de la Culture accompagne les agents tunisiens dans la restructuration de l’organisation culturelle du pays. Xavier North vous en parlera dans quelques minutes.

Cet esprit d’échange et de coopération, dans le domaine des arts, nous le porterons prioritairement en Europe - et je terminerai là-dessus.

C’est à l’échelle européenne que nous devons défendre notre modèle d’exception culturelle. Cela passe par la protection du droit d’auteur, la défense du juste partage de la valeur, la lutte contre le piratage. Je suis résolument engagée sur toutes ces questions. C’est notamment l’idée de l’Erasmus de la Culture pour les artistes et les professionnels, que j’ai commencé à évoquer avec certains de mes homologues. Pour développer l’ensemble de ces coopérations – artistiques et institutionnelles, en Europe et au-delà – j’aurai besoin de vous, qui pouvez jouer un rôle essentiel de relais, de passeurs, de médiateurs.

Voilà, Mesdames, Messieurs, les quelques messages que je tenais à partager. Ambassadeurs de France, vous êtes, d’abord, les ambassadeurs de la Culture et de la langue française. Ce faisant, vous êtes finalement les Ambassadeurs de ce que j’appelle parfois la « conscience profonde » de la France. Cette conscience qui nous fait toujours préférer l’ouverture à la fermeture, l’échange au confinement, la solidarité à l’isolement. Conscience qui croit à la force et la nécessité de la diversité. Conscience qui se nourrit d’une chose : du dialogue avec l’Autre, par les mots, par les arts. Nous devons l’entretenir. Je suis là pour vous accompagner en ce sens et avancer.

Je vous remercie.