Excellences,

Monsieur le ministre de la Culture, cher Ghattas KHOURY,

Mesdames et messieurs les Ministres,

Monsieur le Représentant personnel du Président de la République pour la Francophonie,

Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

Monsieur le Président du Syndicat des importateurs de livre, cher Maroun NEHMÉ,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

 

C’est un grand honneur et une grande fierté pour la France que de prendre part à l’organisation de ce Salon, une nouvelle fois. Je voudrais commencer par remercier les autorités et institutions libanaises avec lesquelles nous cheminons, pour leur confiance et leur engagement, ainsi que l’ensemble des partenaires français et francophones mobilisés.

Ce Salon raconte beaucoup de nos deux pays. Il raconte la passion littéraire qui nous unit. Il dit aussi la résolution de notre ouverture au monde, quand ce monde est traversé par les crispations identitaires, les échos nationalistes. En dédiant cette édition à la mémoire de Samir FRANGIÉ, vous renforcez encore ce message. Ce Salon dit aussi, évidemment, l’amitié qui nous lit, la France et le Liban, mais aussi le Liban et tous les pays de l’espace francophone.

Une amitié singulière et sensible : faite d’admiration et de fascination réciproque ; nourrie par des siècles d’échanges, par les séjours croisés de nos penseurs et de nos écrivains.

Je pense aux carnets de voyage de Gérard de NERVAL, Alphonse de LAMARTINE ou Ernest RENAN, qui foulèrent cette terre. Une amitié enracinée, grâce aux liens les plus puissants, les plus féconds et les plus résilients qui soient : les liens culturels. Une amitié qui prend sa source au plus profond de nos identités : dans la langue que nous avons en partage, la langue française.

Ce lien-là résiste au temps et aux intempéries. Il est plus fort que les vents parfois violents qui soufflent par-dessus la Méditerranée : cette mer qui nous relie plus qu’elle nous sépare. Et c’est un lien qui nous conduira loin, si nous le protégeons, si nous l’entretenons.

J’y suis déterminée, aux côtés du Président de la République française et le Ministre des affaires étrangères. Nous avons une ambition pour la francophonie. Une ambition qui peut compter sur un socle solide : l’héritage dont nous sommes les dépositaires et dont ce Salon fait partie. Il s’agit de donner un nouvel élan à cette francophonie, pour saisir toute la chance qu’elle représente pour le XXIème siècle.

On parle souvent de la « barrière de la langue », quand deux personnes qui ne se comprennent pas. Mais le fait de partager une langue n’est pas simplement une barrière en moins : c’est un possible en plus. Au lieu de fermer, la francophonie est une ouverture. Enrichie par le plurilinguisme, elle doit créer des ponts entre les langues, entre les générations, entre les pays.

La francophonie est une chance : parce que le partage de la langue permet la rencontre instantanée des savoirs, des idées, des projets qui nous permettront de relever les grands défis mondiaux.

La France sera force de proposition dans les mois et les années à venir. Nous présenterons, dès 2018, une série d’initiatives. J’y travaille aux côtés du Président de la République et du ministre des Affaires étrangères.

En tant que ministre de la Culture, je souhaiterais pouvoir œuvrer au renforcement de la francophonie à travers quatre leviers privilégiés : les rencontres, d’abord. Pour renforcer la francophonie, il faut faciliter les échanges entre celles et ceux qui lui donnent vie : nos concitoyens, qui sont la francophonie sans en avoir toujours la pleine conscience.

Le numérique : les nouvelles possibilités de partage de contenus et de formation au travers des plateformes internet sont une vraie opportunité.

Les activités culturelles à l’école : je souhaite généraliser la pratique artistique, notamment musicale et théâtrale, avec des heures hebdomadaires pour tous les élèves de France, de la maternelle au lycée. J’y vois aussi une opportunité pour la promotion des œuvres francophones, en particulier non françaises, et je souhaite réfléchir en ce sens ;

La communication : pour renforcer la francophonie, il faut aussi donner à voir ce qu’elle est déjà, mettre en valeur ce qu’elle recouvre. Cela peut passer par un événement ou par des campagnes. Je ferai des propositions sur ces quatre axes dans les mois à venir.

Nous espérons pouvoir marcher aux côtés du Liban. Soyez assurés en tout cas de notre engagement.

Je suis par ailleurs mobilisée pour nourrir le dialogue entre la France et le Liban passe par une autre langue : celle de la traduction. Si nous défendons la francophonie à travers le monde, ce n’est par velléité hégémoniste, mais parce que nous croyons, en France, aux vertus du plurilinguisme.  Ce n’est pas ici que j’aurai besoin de convaincre, sur ce point. La France a tant à apprendre du Liban. Et la langue française a tant à puiser des autres langues.

Vénus KHOURY-GHATA a eu un jour ce mot superbe : « J’ai l’impression quand j’écris en français de faire bouger les cloisons, d’élargir l’espace de la langue français pour y placer les phrases amples et larges de l’arabe ».

Développer la traduction, c’est mettre une société en capacité de comprendre son monde, les visions qui l’entourent, et donc d’y trouver une place. Pour une société comme la France, façonnée depuis toujours par les migrations et donc habitée par la diversité des langues maternelles, c’est aussi une façon de mieux se comprendre elle-même. La France va donc s’engager pour soutenir cette activité.

Comme le Président de la République l’a annoncé au salon du livre de Francfort, nous allons créer un Grand prix de la traduction : la première édition aura lieu au printemps, à l’occasion du Salon du Livre de Paris. Et nous souhaitons aussi remettre des prix par aires linguistiques : l’arabe en fera évidemment partie. Nous souhaitons plus largement pouvoir développer la traduction entre cette langue et le français, à double sens.

Le Liban est déjà un partenaire majeur pour la France, dans ce domaine : près des deux tiers des cessions de droit pour la traduction de livres français vers la langue arabe sont signés avec des éditeurs libanais. Nous pouvons faire davantage encore, et notamment de l’arabe vers le français. Nous souhaitons mettre en place en France un programme au long cours pour développer la traduction arabe-français.

Il pourrait se déployer dans 5 pays : le Liban, ainsi que les quatre pays du Maghreb – Egypte, Algérie, Tunisie et Maroc, où les collaborations de nos bureaux du livre sont déjà développées. Ce programme pourrait comprendre plusieurs volets : le soutien à des projets de traduction bien sûr ; mais aussi le soutien de voyages d’éditeurs et d’auteurs entre la France et ces 5 pays, la formation de traducteurs franco-arabes et la promotion des auteurs arabophones en France, à travers des résidences et des manifestations croisées.

Je vais demander à l’Institut Français de travailler à un programme de ce type, avec nos partenaires européens également, qui s’étalera sur plusieurs années, pour structurer les échanges et les réseaux. Pour que les citoyens de France puissent accéder à la richesse de la littérature venue de cette rive de la Méditerranée.

 

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Nous partageons de grands défis : ceux de ce XXIème siècle. Nous partageons aussi la conviction qu’aucun pays ne parviendra à les affronter seuls, et le souhait de les relever ensemble.

La langue nous y aidera : celle que nous partageons, le français, comme celle qui nous relie, la traduction. Je vous laisserai avec un mot d’Amin MAALOUF, à son entrée sous la coupole de l’Académie française en 2012 :

« J’apporterai avec moi tout ce que mes deux patries m’ont donné – nous promettait-il, en parlant de la France et du Liban : mes origines, mes langues, mon accent, mes convictions, mes doutes, et plus que tout peut-être mes rêves d’harmonie, de progrès et de coexistence.

Ces rêves sont aujourd’hui malmenés. Un mur s’élève en Méditerranée entre les univers culturels dont je me réclame. Ce mur, je n’ai pas l’intention de l’enjamber pour passer d’une rive à l’autre […] Mon ambition est de le saper, et de contribuer à le démolir. Telle a toujours été ma raison de vivre, ma raison d’écrire ».

Vous êtes nombreux à la porter comme lui. Nous soutiendrons toutes celles et ceux qui, écrivains, artistes, citoyens, marchent avec cette ambition.

Je vous remercie.