Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et messieurs, chers amis,

 

Avant toute chose, un remerciement chaleureux pour l’invitation qui m’est faite de m’exprimer devant vous aujourd’hui. Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne est, dans ce secteur, un acteur jeune, dynamique, souvent incisif.

Je sais que le SPIIL place son indépendance d’esprit, de ton, de proposition au premier rang. Au premier rang tout à la fois du travail journalistique de ses titres et de ses réflexions comme structure professionnelle. Cette indépendance est précieuse même si elle n’est, bien sûr, pas toujours confortable pour moi ou pour le Gouvernement. C’est, je crois, la bonne façon d’envisager le rôle de chacun. Je sais donc que nos échanges seront, en tout cas, très stimulants, et je tenais par avance à vous en remercier.

La presse française a presque quatre siècles. Elle ne cesse depuis lors de se diversifier, de se réinventer. Mais force de constater qu’avec le numérique, le secteur est entré depuis quelques années dans une phase d’accélération sans précédent. Et on le voit avec le développement de la mobilité et de l’économie de la « data » : cette transformation est très loin d’être terminée.

C’est pourquoi nous devons, collectivement, avoir une obsession : l’obsession de l’avenir.

Cette obsession de l’avenir, elle nous a d’ores et déjà guidé dans la réforme de nos politiques publiques de soutien à la presse. Un cadre de réforme des aides à la presse a été fixé en 2012, avec l’élection de François Hollande. Conformément aux engagements du Président de la République, plusieurs changements sont intervenus depuis 2012 dans nos outils de soutien.

A l’appui de la presse en ligne, notre principal levier, comme vous le savez, est le Fonds stratégique pour le développement de la presse. Nous avons souhaité consolider et réorienter cet outil vers l’innovation. Ainsi, le Gouvernement a fait un choix budgétaire clair et qu’il faut rappeler, celui de maintenir le niveau financier du Fonds, dans une période certes difficile pour le secteur de la presse mais aussi extrêmement tendue pour les finances publiques.

Avec la réforme intervenue en juin 2014, le Fonds stratégique a d’autre part été recentré sur l’innovation et la mutualisation. L’innovation devient ainsi le critère de priorité pour l’accès aux aides et le critère permettant d’obtenir une aide publique plus généreuse. Nous avons également décloisonné le Fonds pour que les familles de presse anciennes et les jeunes familles de presse – dont la vôtre – échangent et jugent ensemble de la pertinence des projets d’investissement.

Ce regard de chacun sur les projets de tous est, pour moi, un gage de qualité, d’excellence.

Nous avons d’ailleurs mis en place un club des innovateurs du Fonds stratégique. C’est un lieu de la réflexion utile sur l’avenir de la presse et je suis confiante dans sa capacité à nous faire prochainement des propositions, car les défis que la filière doit relever ne manquent pas.

Je pense en particulier à la question essentielle de la monétisation des contenus en ligne et en mobilité. La presse doit être au rendez-vous des pratiques des français : alors que semble se refermer la parenthèse du « tout gratuit en ligne », la presse ne doit pas rater le coche ! Que chaque média valorise ses contenus, c’est bien, mais ce n’est sans doute pas suffisant au regard des nouveaux usages. Le lecteur est trop souvent rebuté par le cloisonnement et la complexité qui en découle. J’estime qu’il est de la responsabilité collective du secteur de permettre le développement d’offres transversales, typiquement pour les petits paiements récurrents. Chacun, en ce domaine, devrait respecter une forme de droit à l’expérimentation. Cela vaut à la fois pour les acteurs historiques de la presse papier, à qui j’ai eu l’occasion de le dire récemment, mais aussi pour les nouveaux acteurs de la presse en ligne.

Dans le cadre de la réforme des aides, un autre outil de soutien que nous avons souhaité mobiliser pour soutenir l’investissement, tout particulièrement de la presse en ligne, est l’IFCIC, l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles. C’est un outil essentiel, car notre objectif ultime doit être la viabilité et l’autonomie économique du secteur de la presse. S’il est légitime que ce secteur bénéficie encore aujourd’hui d’aides spécifiques, notre but doit rester la convergence avec les régimes de droit commun d’aides aux entreprises.

Depuis le début de l’année, l’IFCIC accorde des avances remboursables ainsi qu’une garantie bancaire à la création de titres de presse tout en ligne.

Je voulais vous annoncer qu’en lien avec mon ministère, l’IFCIC va accorder, à partir de décembre 2014, les mêmes soutiens – avances remboursables, garanties bancaires – à la reprise de sites de presse pure players. Conformément aux règles européennes, le soutien de l’IFCIC reste réservé aux petites et moyennes entreprises : il va donc contribuer, lui aussi, à étoffer l’écosystème de la presse en ligne.

Outre l’aide à l’investissement et le soutien bancaire, le renforcement du soutien à l’innovation passe aussi par la fiscalité. La TVA est passée à 2,1 % sur vos titres au 1er février dernier, comme vous l’aviez demandé à juste titre avec toutes les familles de presse. Cette décision est, vous le savez, contestée  par la Commission européenne ; je vais continuer à discuter avec nos partenaires européens, avec la nouvelle Commission, pour faire prévaloir l’argument de la logique et du droit, qui est aussi l’argument de l’innovation. Je veux le redire : la neutralité fiscale entre tous les supports des biens culturels (pour la presse, pour le livre et au-delà) est une ardente obligation et une nécessité pressante. La fiscalité ne peut pas, ne doit pas entraver la bascule vers le numérique, elle ne doit pas orienter les choix stratégiques des entreprises à rebours de leur avenir.

Au-delà de ce travail, très utile et précieux, de réforme des dispositifs de soutien à la presse, notre obsession de l’avenir doit également nous conduire, collectivement, à une meilleure appréhension du visage de la presse au 21ème siècle.

Le débat public a certes besoin de grands titres de références. Mais pas seulement. Il faut aussi et peut-être surtout savoir explorer de nouveaux continents. Ce dont la démocratie du 21ème siècle a besoin, c’est aussi d’une presse diverse, inventive, entrepreneuriale, audacieuse, à l’avant-garde, bref, vous me passerez l’expression, de la plus grande biodiversité possible du paysage de l’information.

C’est dans cet esprit que le député Michel Françaix, dont je salue l’engagement persévérant et vigilant vis-à-vis de la presse, a présenté une proposition de loi qui créera le statut d’entreprise citoyenne de presse d’information. Cette loi sera examinée en décembre à l’Assemblée nationale puis rapidement au Sénat. Les entreprises citoyennes de presse seront plus fortes parce qu’elles réinvestiront leurs bénéfices dans leur activité. Je souhaite, pour ma part, que des incitations fiscales puissent être créés pour cette forme d’entreprises de presse, si ce n’est dans cette loi de finances du moins rapidement.

Très prosaïquement, nous aurons également à nous pencher sur la question délicate de la définition de ce qu’on appelle la presse « d’information politique et générale ». Mais je ne veux pas déflorer le sujet aujourd’hui : les travaux coordonnés par le président de la commission paritaire des publications et agences de presse, M. Jean-François MARY, sur ce sujet, et auxquels vous avez contribués, sont en effet encore trop frais.

Enfin, je souhaitais vous annoncer que je vais confier à Jean-Marie Charon, que vous connaissez bien, le soin de dresser un panorama du nouveau paysage de la presse : quels sont les nouveaux métiers de la presse ? Ses nouvelles écritures ? Ses nouveaux entrepreneurs ? Les nouvelles organisations du travail ? Etc. Bref ce panorama permettra de présenter les « nouvelles frontières » du journalisme et de l’information. Les difficultés que traverse le secteur de la presse écrite ne doivent pas nous faire oublier la formidable vivacité et la grande inventivité éditoriale et entrepreneuriale de notre pays. Il faut le dire ! Et regarder vers l’avenir pour bien penser le présent.

Sur ce sujet, comme plus largement, je sais, mesdames, messieurs, pouvoir compter sur votre contribution, votre ouverture, votre esprit d’initiative.

Je veux, à nouveau, vous en remercier.