Madame la Ministre, chère Najat Vallaud-Belkacem,

Monsieur le Président, cher Costa-Gavras, merci de nous accueillir,

Mesdames et messieurs les directeurs généraux,

Mesdames et messieurs les recteurs et rectrices, directeurs et directrices régionaux des affaires culturelles, chers amis

C’était un des grands engagements que nous avons pris en Conseil des ministres le 11 février dernier : réunir les responsables de nos Ministères sur les territoires, les DRAC et les recteurs, chaque année, autour de la mise en œuvre du grand plan national pour l’éducation artistique et culturelle.

Je vous remercie d’avoir répondu présent aujourd’hui pour porter cette ambition et faire de la culture un vecteur de citoyenneté, un instrument de justice sociale et d’égalité pour l’ensemble de nos jeunes concitoyens.

Il faut une volonté politique forte, et nous l’avons ensemble avec Najat Vallaud-Belkacem, pour faire de ce que beaucoup considèrent comme un serpent de mer, un chantier structurant du quinquennat, qui s’inscrit pleinement dans l’ambition pour la jeunesse et la priorité gouvernementale en faveur de la citoyenneté et du vivre ensemble.

Il nous faut dépasser bien des blocages et des inerties mais aussi des malentendus : quand Malraux oppose culture et éducation, lorsqu’il dit que la connaissance est à l’université et l’amour à la culture, il crée un terrible précédent qui a durablement marqué les esprits. C’est donc aussi à rebours de cette histoire qu’il a fallu nous inscrire. A rebours, ou plutôt en amont, quand un certain ministre de l’éducation nationale, qui avait par ailleurs pensé la politique culturelle avant même l’existence du ministère, faisait entrer en 1936 la culture à l’école. Faire de l’éducation artistique et culturelle un grand chantier républicain, c’est marcher sur les pas de Jean Zay.

Quelques jours après son entrée au Panthéon, l’ambition que nous partageons est aussi un bel hommage à celui qui voulait que chaque jeune « puisse aller dans la direction choisie aussi loin et aussi haut que ses aptitudes lui permett[ent] ».

Cette volonté politique forte, c’est aussi celle du gouvernement qui a inscrit l’éducation artistique et culturelle dans le socle de la Refondation de l’école et au cœur de ses missions. Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous portons ensemble une feuille de route conjointe qui traduit un niveau d’ambition partagée inégalé depuis le plan Tasca-Lang.

Tout au long de cette réunion, nous entendrons des témoignages qui illustrent des axes prioritaires de notre feuille de route et la mobilisation de tous :

- la diversité et la richesse des parcours d’éducation artistique et culturelle avec l’exemple de Besançon mais aussi les formations conjointes à travers le partenariat entre la Direction des Affaires Culturelles de l’Océan Indien et l’ESPE de la Réunion

- Jean-Pierre Saez nous fera la synthèse de la première Université d’été de l’EAC, organisée par le ministère de la culture, qui s’est tenue en septembre 2014, et dont les propositions seront débattues au prochain Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle. Nous souhaitons avec Najat Vallaud-Belkacem qu’elle devienne un grand rendez-vous annuel que ce Haut Conseil, [dont je salue le vice-président Emmanuel Ethis qui a bien voulu être notre « maître de cérémonie » ce matin], pourrait porter. Je crois à la nécessité de cette démarche, qui permet d’échanger et de partager les expériences de tous les acteurs impliqués dans cette politique, mais aussi pour faire émerger des propositions nouvelles, pour porter la culture toujours plus près de nos jeunes concitoyens et de manière toujours plus innovante.

Je veux souligner certains points saillants de cette feuille de route qui doit guider votre action pour réussir notre ambition :

- la place qui est faite à la pratique collective, tout d’abord, qui, je le crois, est essentielle pour l’émancipation et l’épanouissement de nos jeunes concitoyens 

- l’action territoriale, ensuite : cette ambition nationale doit être mise en œuvre au plus près des populations qui sont les plus fragiles ou marginalisées,. Pour aller à la rencontre de tous les jeunes, dans tous les lieux de la République, les 6 millions d’euros débloqués en début d’année par mon ministère doivent servir prioritairement les actions menées dans les zones prioritaires, urbaines, péri-urbaines mais aussi rurales. Pour reconquérir l’esprit et le cœur de ceux qui se sentent parfois délaissés.

- Avec le chantier prioritaire de la maîtrise de la langue française, nous avons voulu rappeler qu’il est indispensable pour un enfant, un adolescent ou un jeune adulte, d’être bien dans sa langue. J’ai donc lancé la semaine dernière un appel à projet national pour soutenir les actions culturelles innovantes pour la pratique de la langue française. Car une langue s’apprivoise, elle se manipule et se décortique, elle se joue, elle se chante, elle se déclame en rap ou en slam.

Avec cette feuille de route, nous posons aujourd’hui les bases d’une citoyenneté culturelle pour la jeunesse, à l’école, qui nous permet de toucher le plus grand nombre d’élèves, mais aussi pendant ce temps libre dont je souhaite qu’il soit celui des pratiques amateurs et de toutes les formes d’expression artistiques propices à l’émancipation des plus jeunes. Un temps libre qui serait aussi celui des livres - et je travaille en ce moment-même à l’extension des horaires des bibliothèques – pour donner à tous le goût et l’envie de la lecture car comme le disait si justement Proust, « Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. »

L’autre temps fort de notre rencontre, c’est l’éducation à l’image et à l’information dont vous avez tous pu constater, après les terribles événements de janvier, combien elle était nécessaire. Dans notre monde saturé d’images et d’informations, où la tentation est aux raccourcis simplistes, où la toile tend ses pièges complotistes, il est important de permettre à nos jeunes concitoyens de se repérer dans la multiplicité des signes et des sollicitations pour construire leur esprit critique.

A deux pas de nous, dans l’amphithéâtre voisin, des acteurs culturels et éducatifs, sont réunis depuis hier pour débattre eux aussi de ce sujet. Je salue la Cinémathèque de se faire ainsi l’agora d’une réflexion au cœur de la citoyenneté républicaine.

En matière d’éducation à l’information, mon ambition est double :

- Je souhaite d’une part que nous puissions conjuguer les moyens et les efforts de nos deux ministères pour développer des initiatives  innovantes à destination des publics scolaires, de l’école à l’université. Et je veux pour preuve de notre volonté commune, la convention que nos deux ministères signeront dans les toutes prochaines semaines avec Canopée, le CLEMI, en lien avec les DRAC et les recteurs, pour être au plus près des attentes de nos territoires.

- D’autre part, parce que je suis convaincue de l'urgente nécessité de cette politique d'apprentissage de la fabrique de l'information, de la fabrique des images, oserais-je dire de la fabrique des rumeurs, je souhaite toucher, au-delà des seuls publics scolaires, tous ceux qui ne fréquentent pas ou plus l’école. Je souhaite donc m’appuyer sur les initiatives remarquables de l’éducation nationale et je sais pouvoir compter sur tous les partenaires du ministère de la culture et de la communication pour inventer de nouveaux modes d'intervention en dehors du temps scolaire. J’aurai à cœur de mobiliser les journalistes, éditeurs, artistes ou comédiens, les éducateurs et militants de l'éducation populaire qui fourmillent de projets et d'idées pour proposer des programmes d'éducation à la liberté d'expression qui s'adaptent aux attentes et aux pratiques de nos concitoyens . Qui ne leur impose rien. Qui leur donne envie.

Aujourd’hui, vous êtes au rendez-vous de l’ambition du gouvernement pour la jeunesse : nous savons pouvoir compter sur vous pour la mettre en œuvre et nous attendons beaucoup de vos initiatives, dialogues et expériences de terrain pour rendre concrète cette ambition. Vous savez qu’avec Najat Vallaud-Belkacem nous serons toujours à vos côtés pour servir l’un des plus beaux chantiers de ce quinquennat.

Je vous remercie.