Michèle Fitoussi, Fleur Pellerin, Diane Kruger

Chère Diane Kruger,

Vous avez été tour à tour le visage qui lança mille navires, la Hélène du très Hollywoodien Troie, une Marie-Antoinetteà la légèreté tragique et contemporainepour Benoît Jacquot, une espionne star de cinéma pour Quentin Tarantino ou une inspectrice de police aux prises avec ses démons pour la télévision.

Votre élégance et la justesse de votre jeu font de vous une figure cosmopolite et universelle du cinéma, aussi remarquée dans les grosses productions que dans les films d’auteur. Rarement une actrice aura aussi aisément mené de front une carrière européenne et américaine, marquant durablement l’esprit et le cœur du public des deux cotés de l’Atlantique, à l’affiche des films populaires chers aux Français comme des grands succès du cinéma américain.

Vous aimez la France et son cinéma. Vous êtes devenue une de ses grandes ambassadrices et ne manquez jamais de le faire briller à l’occasion du Festival de Cannes, lorsque la croisette ne vit plus que pour le 7ème art. Maîtresse de cérémonie de la 60ème édition puis membre du jury en 2012, vous êtes une habituée du tapis rouge que vous enchantez à chacune de vos apparitions.

En France comme outre-Atlantique, vous avez travaillé avec les réalisateurs qui ont marqué leur génération et auprès d’acteurs et d’actrices qui comptent parmi les plus grands noms du cinéma. Après Ni pour ni contre (bien au contraire) de Cédric Klapisch, on vous voit dans le premier film de Guillaume Canet, Mon idole, aux côtés de François Berléand. La même année, on vous retrouve à l’affiche de Narco de Gilles Lellouche avec Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde et Zabou Breitman et au casting de Troie avec Brad Pitt et Orlando Bloom. Après avoir partagé l’écran avec Josh Hartnett pour Rencontre à Wicker Park, vous rejoignez l’équipe de Joyeux Noël de Christian Carion puis celle des Brigades du Tigre avec Edouard Baer et Clovis Cornillac. Vous donnez ensuite successivement la réplique à Ed Harris dans L’élève de Beethoven, Joseph Fiennes pour le bouleversant et percutant Goodbye Bafana, Richard Gere dans Hunting Party, Nicolas Cage dans Benjamin Gates et le Livre des secrets et Vincent Lindon dans Pour elle

Après le succès d’Inglourious Basterds et votre incursion saluée dans l’univers décalé et culte de Quentin Tarantino, vous révélez votre capacité à tout jouer et à vous emparer de tous les registres : de l’utopie poétique du très esthétique Mr Nobody à l’action enlevée et haletante d’Etat de choc avec Liam Neeson. Mais c’est le cinéma français qui semble ensuite avoir vos faveurs et vous offre en retour certains de vos plus beaux rôles.

Pour ses Adieux à la Reine, c’est vous que Benoît Jacquot choisit pour incarner la fascination qu’exerce un monde courant inconsciemment à sa perte, et dont le faste est compté. Après vous avoir filmée dans votre élément, le mannequinat et l’univers de la mode, et en victime de ses paradoxes dans Frankie, Fabienne Berthaud vous donne un rôle empreint de gravité et de grâce. Réalisant ainsi un des portraits les plus lumineux et émouvants de la relation entre deux sœurs, porté par un formidable duo que vous formez avec Ludivine Sagnier. On vous a aussi découverte, mordante et drôle, torturant avec beaucoup d’humour Dany Boon dans Un plan parfait ou en infirmière désopilante dans Les garçons et Guillaume à table ! de Guillaume Gallienne. Ces rôles – à contre-emploi - ont révélé votre veine comique et un sens de l’autodérision désarmant que l’on ne vous soupçonnait pas, surprenant ainsi le public français pour mieux le conquérir.  

Parce que le format de la série vous semble mieux rendre justice aux nuances et à l’épaisseur des personnages, vous incarnez Sonya Cross, une jeune femme complexe et attachante, confrontée aux zones d’ombre et à la noirceur humaine dans The Bridge, une fiction dont le sombre réalisme a des accents politiques. 

Actrice de talent, vous êtes aussi une véritable égérie, muse des plus grands créateurs et des plus prestigieuses maisons, Yves Saint Laurent, Chanel, Louis Vuitton pour ne citer que les maisons françaises pour lesquelles vous semblez avoir une affection toute particulière. Karl Lagerfeld a fait de vous un des visages de Chanel et vous avez inspiré à Jason Wu un sac qui porte votre nom. Si vous avez arrêté le mannequinat pour poursuivre votre carrière d’actrice, vous n’avez cependant jamais délaissé vos premières amours, troquant les podiums pour les tapis rouges.

Des grosses productions aux films d’auteur, d’Hollywood à Paris ou Cannes, vous incarnez la diversité et la vitalité du 7ème art. Ambassadrice du cinéma français et de l’élégance, vous contribuez au rayonnement de notre pays et de son cinéma tout en occupant une place particulière dans le cœur du public français.

Sie lieben Frankreich, und Franckreich liebt Sie. Mit Ihnen, sehr geeherte Diane Kruger, unsere französishes Kino hat eine Botschafterin gefunden. Mit Ihnen, unseres Land hat eine neue Muse. Vous aimez la France qui vous le rend bien. Avec vous, chère Diane Kruger, notre cinéma a trouvé une ambassadrice et notre pays, une nouvelle égérie.

Chère Diane Kruger, la République des Arts et des Lettres, dont vous portez avec tant de force et de grâce la créativité et le rayonnement, vous rend ses hommages aujourd’hui.

Chère Diane Kruger, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes d’Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Chère Michèle Fitoussi,

Vous êtes de celles qui, par leur engagement et leur talent, ont ouvert la voie à des générations de femmes. Modèle de militantisme et de créativité, vous avez porté la cause et la parole des femmes sur tous les terrains - politique, économique, culturel et social - toujours à la recherche de nouveaux espaces pour la liberté et l’égalité : de la presse à la télévision, de la littérature au théâtre, jusqu’au net.

Votre engagement, c’est d’abord celui d’une journaliste et écrivaine, dans les pages d’un magazine qui a, depuis sa création, accompagné les combats des femmes et leur émancipation.

Pendant 30 ans, grand reporter et éditorialiste pour ELLE, vous en avez incarné l’esprit fondateur. Vous avez voyagé à travers le monde pour enquêter sur la condition des femmes, au Cambodge, en Chine, en Russie et ailleurs, tout en allant à la rencontre de celles qui font le monde d’aujourd’hui, Hillary Clinton à la Maison Blanche dès 1996 et plus récemment J.K. Rowling, la femme aux 400 millions d’ouvrages vendus. 

Avec Valérie Toranian et Marie-Françoise Colombani, vous avez voulu redonner la parole aux femmes, 40 ans après les premiers Etats généraux de la femme organisés par ELLE, qui portaient haut les revendications des Françaises. Pour cette deuxième édition présidée par Simone Veil, vous avez sillonné la France.

Auteure remarquée du Ras-le bol des Superwomen, vous avez été de toutes les luttes – la parité, les quotas dans les conseils d’administration, le plafond de verre – et avez fait de votre plume votre arme la plus redoutable. Porte-parole des sans voix ou de celles qui l’ont perdue vous retracez le destin de ces femmes, modèles de courage, de créativité ou d’esprit d’entreprise, qui nous inspirent et nous guident au quotidien. Après le succès de La prisonnière, plébiscité outre-Atlantique par Oprah Winfrey pour le bouleversant témoignage de Malika Oufkir, vous consacrez un magnifique ouvrage à Helena Rubinstein, « la femme qui inventa la beauté ». Une entrepreneuse, une pionnière qui donna aux femmes le droit et les moyens de se faire belles.

C’est à une autre pionnière que vous avez consacré votre dernier ouvrage, La Nuit de Bombay, à paraître dans les jours qui viennent : Loumia Hiridjee, créatrice avec sa sœur Shama de la marque Princesse tam.tam qui révolutionna le milieu de la lingerie et le quotidien des femmes. Une icône de la réussite à la française, dont le destin personnel se mêla à celui de tout un pays et fut brisé, un jour de novembre 2008, par les affres de l’Histoire et de la terreur …

C’est sur le terrain culturel que vous avez décidé de poursuivre votre engagement parce que, comme avez souvent l’occasion de le rappeler, « la culture, ou plutôt le pouvoir dans la culture, est très masculin ». Aujourd’hui, vous le remarquez, les femmes sont à l’honneur et c’est à deux d’entre elles que la République adresse ses hommages !

Avec Anne Rotenberg et Véronique Olmi, vous créez le Paris des Femmes, un festival de théâtre consacré aux auteurEs dramatiques avec un grand E, qui fait toute sa place à la création originale.  Vous y mettez en scène des textes d’écrivaines et de dramaturges qui posent leur regard sur le monde à travers des variations féminines et féministes autour des chefs d’œuvre – masculins ! - de la littérature : Guerres et paix, De bruit et de fureur, La vie modes d’emploi et cette année, Le meilleur des mondes. Avec la participation, pour cette nouvelle édition, d’Amélie Nothomb, Lydie Salvayre ou Nina Bouraoui mais aussi de la créatrice de Fais pas ci, fais pas ça, Anne Grafieri. L’an dernier Karine Tuil ou Delphine de Vigan se sont livrées à l’exercice ajoutant leur contribution à ce qui s’apparente désormais à une véritable – et inédite - anthologie des auteurEs dramatiques.

Vous l’avouez sans détour, vous êtes une geek ! La Délégation à la Langue française me pardonnera cet anglicisme, je sais qu’elle travaille à nous proposer un équivalent dans la langue de Molière… Un ordinateur toujours en veille, une liseuse dans le sac, les pouces et l’œil rivés sur votre portable, vous êtes un peu comme vos Superwomen ultra-connectées, mais - je l’espère - sans la crise de nerfs !

Adepte des séries télé, vous avez créé pour France 2 le désopilant Bureau des affaires sexistes avec Isabelle Nanty. Et, puisque le talent se transmet chez vous de mère en fille, c’est avec votre fille Léa, que vous travaillez désormais … sur une websérie au titre évocateur « Le jour où j’ai dit à ma mère ».

Accro aux réseaux sociaux, vous vous êtes emparée de la toile et de ses possibilités, invitant les femmes à s’approprier l’économie numérique qui permet de contourner, dépasser et même détruire tous les blocages de notre société.

Chère Michèle Fitoussi, pour vos nombreux combats menés au nom des femmes et pour elles, pour les portraits justes et engagés que vous faites de toutes nos héroïnes modernes, pour votre capacité à mettre en lumière les talents d’hier, d’aujourd’hui et de demain, la République française, dont vous défendez avec tant d’inspiration, de force et de générosité les valeurs et les principes, vous rend hommage ce soir.

Chère Michèle Fitoussi, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur.