Mesdames et messieurs, chers amis,

 

Vous le savez, le Gouvernement a fait du droit des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité de son action. Une priorité que le ministère de la Culture et de la Communication a faite sienne et que j’ai voulu renouveler à mon arrivée rue de Valois, car je suis convaincue que c’est sur le terrain culturel que doit se mener en priorité ce combat.

 

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, pour faire bouger les lignes, faire sauter les verrous, il faut d’abord combattre l’ignorance, ou même pire l’indifférence, et rendre visible l’invisible, c’est-à-dire mettre à jour la réalité d’une situation où les clichés sont tenaces et le constat souvent sévère. Dans les secteurs de la culture et des médias, comme dans celui de la culture scientifique et technique, les femmes sont minoritaires et se heurtent à de réelles discriminations.

 

C’est tout le sens de l’Observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes, dont la 3ème édition a été publiée en mars dernier, qui permet de dresser un état des lieux objectif et de mesurer les évolutions de cette situation. Je voudrais dire aujourd’hui, alors que je préside ce Comité pour la première fois, mon attachement à cet outil unique (nous sommes le seul ministère à l’avoir développé) tant par l’étendue que par la précision des informations statiques recueillies. Un grand merci à vous de vous mobiliser pour l’alimenter et l’améliorer.

 

Je souhaite la bienvenue aux nouveaux membres que nous accueillons aujourd’hui, signe de l’ouverture de ce Comité à l’ensemble des acteurs culturels. Pour permettre à la formation plénière qui nous réunit aujourd’hui de jouer pleinement son rôle, j’ai voulu créer une formation légère du comité, un « bureau », dont le suivi sera assuré par Muriel Genthon, pour évaluer notre action et faire le point sur les mesures annoncées et leurs avancées.

Grâce à vous tous, après près de trois ans d’une politique volontariste pour la juste reconnaissance de la place des femmes dans la culture, le ministère de la Culture et de la Communication peut se réjouir de certaines avancées. 

La mobilisation de l’audiovisuel public

Les médias, et tout particulièrement l’audiovisuel public, ont été en première ligne de la mobilisation pour l’égalité entre les femmes et les hommes : la loi 2014 a permis au CSA d’acquérir une compétence décisive en matière de lutte contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes et les violences faites aux femmes mais aussi de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes au sein des programmes des chaînes publiques. C’est une avancée majeure.

 

Le rôle du service public audiovisuel est en effet déterminantpour combattre les discriminations et les stéréotypes. Parce que l’image a une très forte influence sur la formation des idées et la construction des consciences, nous devons veiller à ce qu’elle soit le véhicule, non pas des blocages et des stéréotypes, mais d’une juste représentation des femmes. C’est une véritable mission de service public !

 

L’exemplarité du MCC

Je l’avais dit lors de la journée du 8 mars où j’avais rassemblé les femmes qui font la culture et la fierté de notre pays : en matière d’égalité, le ministère de la Culture doit être exemplaire. Je me réjouis de constater qu’il l’est.

 

C’est au ministère de la Culture et de la Communication que l’écart de salaire entre les femmes et les hommes est le plus faible : 5% contre 14% pour le reste de la fonction publique. C’est encore au ministère de la Culture et de la Communication que la nomination des cadres dirigeants est la plus paritaire : le Gouvernement a fixé comme objectif pour 2015 30% de primo-nominations féminines ; chez nous, la moitié des postes de direction d’administration centrale et 41% des autres postes d’encadrement sont occupés par des femmes, et nous comptons 40% de directrices régionales des affaires culturelles ! En un an, nous avons fait passer la part de femmes dans les conseils d’administration de nos établissements publics de 38% à 50% en janvier 2015, conformément à la loi de 2014.

 

Mais si ces chiffres sont encourageants,  je souhaite aller vers davantage d'égalité professionnelle en engageant mon administration vers une double démarche de labellisation pour l'égalité et la diversité.

 

Si nous avons de véritables motifs de satisfaction, ces avancées restent cependant encore fragiles et insuffisantes.

 

Certains secteurs restent inégalitaires comme le montrent les données de l'Observatoire. Nous devons aller plus loin, de nombreux efforts restent à fournir, je pense notamment aux secteurs de la presse et de la publicité mais aussi au spectacle vivant qui est au cœur de notre réunion aujourd’hui.

 

Spectacle vivant : donner toute leur place aux femmes à la tête des institutions et dans les programmations

Bien sûr nous avons fait bien du chemin depuis 2012 mais les résultats ne sont pas suffisants : on compte seulement 21 % de femmes directrices dans les établissements subventionnés, 27 % de femmes metteuses en scène ou chorégraphes dans les théâtres subventionnés, et 5 % de femmes cheffes d’orchestre.

J’ai souhaité cette année que le spectacle vivant fasse l’objet d’un éclairage particulier, et que nous nous interrogions sur la présence des femmes aux postes de direction et dans les programmations, sur leur accès aux moyens de production dans les secteurs de la musique, de la danse, du théâtre, des arts de la rue et du cirque...

A la veille des nombreux festivals qui feront vivre l’été au rythme de la culture, je souhaite mettre en place des mesures pour enrayer les déterminismes et corriger les déséquilibres que nous avons épinglés et qui sont inadmissibles dans un pays dont la création est une des plus grandes fiertés.

Je souhaite que cette démarche que nous entamons aujourd’hui, et qui mobilisera la DGCA et les DRAC, fasse école dans d’autres secteurs où l’égalité doit progresser. Je pense par exemple aux arts plastiques ou à l’architecture où nous avons des moyens d’agir à travers les écoles nationales qui forment les professionnels de demain. Car la lutte contre les stéréotypes et le combat pour l’égalité passent aussi par la formation et par nos écoles : nous devons convaincre nos jeunes que, pas plus qu’il n’y a de métiers qui seraient réservés par essence aux femmes (ou aux hommes !), aucun métier ne leur est fermé.

 

Création d’un réseau

Enfin, je crois que nous avons besoin d’une interface qui réunisse des femmes d’exception et les futurs talents et qui puisse être aussi une tribune symbolique pour rappeler que la culture est une arme contre le sexisme et un outil dans la lutte contre les inégalités ainsi qu’un lieu de rencontre, d’échange et de réseau qui favorise l'émergence de femmes leaders dans tous les domaines culturels

Femmes & Culture – c’est le nom que je vous propose de donner à cette association - serait une sorte de Women’s Forum de la culture, un linkedin culturel autour d’artistes, d’écrivaines, de metteures en scène, d’architectes, de musiciennes, de cinéastes, …

L’idée m’est venue lors du 8 mars, face à toutes ces femmes de talents et de cœur rassemblées au Musée Gustave Moreau. Tant de succès, tant de beaux parcours, tant de talent, doivent pourvoir être mis au service des générations à venir pour faire en sorte que demain la culture soit une terre d’égalité entre les hommes et les femmes.

 

Pendant des siècles, les femmes artistes et créatrices ont souffert de ce qu’elles ont d’abord été considérées comme des femmes. Si Flaubert pouvait dire « Madame Bovary, c’est moi », la réciproque a rarement été vraie. Pourquoi l’universalité irait-elle de soi lorsque l’artiste est homme mais serait impossible, car sexuée, quand l’artiste est femme ?

 

C’est ce contre quoi  Simone de Beauvoir s’insurge dans l’introduction de son Deuxième sexe : « Si je veux me définir je suis obligée d’abord de déclarer : « je suis une femme », cette vérité constitue le fond sur lequel s’enlèvera toute autre affirmation. Un homme ne commence jamais par se poser comme un individu d’un certain sexe. »

 

Aujourd’hui, c’est aussi cela que nous devons combattre car les inégalités et la faible présence des femmes dans le monde de la culture suggèrent que ce secteur, pourtant intimement lié à la conscience que nous avons de nous-mêmes, ne permet pas à tous les talents de s’exprimer. 

 

Permettre aux femmes d’accéder aux plus hauts postes de direction et à prendre toute leur place dans les programmations, non pas parce qu’elles sont femmes mais parce qu’elles ont du talent, c’est permettre à tous les talents d’éclore. C’est par là que nous pourrons construire une société démocratique plus juste et plus libre. 

 

Je vous remercie.