Monsieur le Président du FIPA, cher Didier Decoin,

Madame la présidente de la SCAM, chère Julie Bertucelli,

Monsieur le président de la SACD, cher Jacques Fansten,

Monsieur le Président du CSA, cher Olivier Schrameck,

Monsieur le Sénateur, cher David Assouline.

Je suis particulièrement heureuse d’être parmi vous à cette 27ème édition du FIPA. Cette belle rencontre, qui est à la fois fédératrice des professionnels français de l’audiovisuel, et vitrine du marché mondial des œuvres audiovisuelles.

Je félicite la SCAM et la SACD pour la qualité du débat qui vient de se dérouler.  Il a mis à jour un certain nombre de questions que le secteur audiovisuel se pose depuis quelques mois avec les pouvoirs publics. Nous devons ensemble y répondre.

Les travaux des rapports Chevalier sur la fiction, ou Gordey sur le documentaire, et plus récemment le rapport que m’a remis Laurent Vallet sur les obligations de financement de la production audiovisuelle ont permis des constats clairs.  Ils ont tracé des pistes concrètes, pour lesquels le temps de l’action concrète est venu (pour ce qui est du rapport Chevallier d’ailleurs plusieurs préconisations ont déjà été mises en œuvre en 2012 et 2013).

Ces constats confortent plusieurs convictions ; elles guident ma politique en matière audiovisuelle et cinématographique :

- nos dispositifs sont probants dans leurs principes.  Ils doivent être modernisés face aux révolutions du numérique.  Je réaffirme ici la haute pertinence des taxes affectées au soutien de l’audiovisuel et du cinéma,

- la logique culturelle - et de diversité de la création - est première. Elle doit rester un phare dans chaque ajustement ou réforme,

- elle ne s’oppose pas à la logique industrielle !  Et l’on sait à quel point les adversaires du système français redoutent l’efficacité de nos soutiens automatiques !

- le système de  soutien doit s’accompagner d’une grande transparence dans l’ensemble du secteur,

- et le service public de la télévision (et de la radio) doit jouer un rôle exemplaire ! Un rôle d’envie et d’audace créatives, un rôle d’exposition de la création.

Comme en 2013, 2014 doit permettre des avancées concrètes en termes de financement, de modernisation de la réglementation et de la régulation.  Olivier Schrameck vous en a d’ailleurs parlé en introduction du débat de ce matin.

Nous devons agir sur trois axes :

- La création doit être mieux accompagnée,

- La création audiovisuelle doit être mieux financée,

- La création audiovisuelle doit davantage rayonner.

1.- La création audiovisuelle doit être mieux accompagnée, notamment dans ses phases « amont » d’écriture et de développement

 

Nous devons valoriser les démarches d’écriture, de réalisation et de production les plus ambitieuses et les plus audacieuses. C’est ainsi que les programmes français pourront toujours davantage passionner, surprendre, captiver le téléspectateur ! 

-  Je pense aux séries de 52 minutes, de genre (Les Revenants), historiques (Un Village français) ou policières (Candice Renoir, Falco, No Limit),

-  Je pense aussi aux  formats plus courts (Nos chers voisins, Pep’s, Scènes de ménage),

-  Et je pense naturellement aux documentaires, qui ouvrent notre regard sur le monde (Cinq caméras brisées, The Gatekeepers) ou nous permettent de nous émerveiller (Le plus beau pays du monde).

Ce travail paye ! Et d’abord en fiction, dans l’organisation des phases d’écriture et de développement. Depuis deux ans des avancées ont été enregistrées :

- la modernisation des soutiens du CNC (COSIP et fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle),

- la Charte de développement de FTV,

- les accords interprofessionnels célébrés l’an passé ici-même,

- la nouvelle formation pédagogique de la FEMIS

- ou les moyens renforcés du Conservatoire européen de l’écriture audiovisuelle.

Il faut toutefois aller plus loin :

-  Dans le renforcement des moyens consacrés à l’écriture et au développement des projets,

-  Dans l’amélioration de la rémunération des auteurs.

 Cela doit permettre que plus de projets solides et mûrs puissent être présentés par les auteurs et les producteurs aux chaînes de télévision.

Je peux d’ores et déjà annoncer que le CNC va revaloriser de 50% le montant forfaitaire de l’aide au concept du fonds innovation ; ce dispositif qui donne les moyens aux auteurs, novices comme confirmés, de développer sereinement de nouveaux concepts, en amont de l’intervention d’un producteur.

Au-delà de cette mesure, je souhaite que soit examinée de près la proposition qui amènerait les producteurs à consacrer une proportion minimale de leur compte de soutien au travail d’écriture.

Avant toute mesure réglementaire, privilégions la voie de la négociation interprofessionnelle. Je demande aux auteurs et aux producteurs, avec l’appui du CNC, de se saisir du sujet. Et si la voie conventionnelle échouait, je demanderais au CNC de modifier les règles en la matière. Nous devons aboutir avant fin mars. Ce qui nous donne deux mois !

Ces efforts doivent s’accompagner d’un engagement plus fort des chaînes de télévision dans le renouvellement de la création et dans la prise de risque. Elles se sont déjà engagées dans cette voie, mais j’en appelle à une vraie prise de conscience. Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que la part de la fiction étrangère continue de croître dans les premières parties de soirées.

Cette nouvelle ambition, elle est également vraie dans le documentaire.  Je suis en mesure à l’issue d’un processus engagé depuis presque deux ans, de vous annoncer une réforme ambitieuse et équilibrée.

Le système de soutien à la création documentaire est très ouvert.  Les chaînes peuvent valoriser un large éventail de programmes et d’émission auprès du CSA. L’approche du CNC est également très souple, bien que plus sélective, car il appuie ses décisions d’aide sur des motifs culturels.

 

La réforme du COSIP va tenir compte de la diversité de la production documentaire,  mais recentrera  le soutien à la création à la dimension patrimoniale la plus affirmée. Et un appui particulier sera donné aux thématiques historiques ou scientifiques, dans lesquelles la France a un formidable savoir-faire qui n'est pas assez exploité.

En documentaire comme dans les autres genres de programmes, il faut continuer à veiller à la cohérence des périmètres d’intervention du CNC et CSA, dans le respect des spécificités de leurs missions.

Je me félicite également de ce que la réforme engagée  contribue à renforcer la transparence du secteur.  Et qu’elle mette l’accent sur les enjeux d’exportation et de rayonnement de notre création. L’ensemble de ces modalités vous seront communiquées par le CNC.

C’est dans ce même esprit que j’ai évoqué dans mes vœux à  la presse le fait que nous avions besoin d’une meilleure mise en avant des mesures qualitatives de l’audience. Ces approches existent et ne s’opposent pas à l’audimat qui importe aux annonceurs publicitaires, mais elles méritent d’être complétées et davantage partagées avec le public. C’est un point sur lequel - je l’ai dit aux vœux - j’ai demandé à l’INA de réfléchir, en lien avec les chaînes et l’ensemble des professionnels.

2.- La création audiovisuelle doit être mieux financée dans son nouvel univers numérique

C’est l’objet même de la thématique du débat de ce matin. Un mot ici sur la modernisation des outils de l’exception culturelle engagée en 2013, qui est parfois identifiée au cinéma mais qui touche aussi bien la production audiovisuelle. Nous avons réussi :

- la préservation de l’exception culturelle audiovisuelle dans les négociations commerciales avec les Etats-Unis,

- le maintien de critères de territorialisation des aides publiques dans la communication cinéma et audiovisuel,

- la modernisation du crédit d’impôt cinéma et audiovisuel,

- l’établissement d’une TSTD avec une assiette large.

Le financement de la création était aussi l’enjeu de l’avenant au Contrat d’objectifs et de moyens de France télévisions.

J’ai obtenu le maintien du haut niveau d’engagement du service public dans ce domaine à hauteur de 20% de son chiffre d’affaires. Car je sais le rôle vital que joue France télévisions pour la diversité de la production audiovisuelle.

Mais il faut aller plus loin pour appréhender les nouveaux acteurs de l’internet. Cela passe forcément par l’Union européenne à qui nous entendons formuler des propositions concrètes :

- il s’agit tout d’abord de demander, à l’occasion de la révision de la directive SMA (Services de Médias audiovisuels),  l'élargissement de son champ d'application, pour appréhender tous les éditeurs de services de médias audiovisuels et donc pour obtenir que s’impose le principe du pays de consommation et non plus le principe du pays d’établissement,

- il y a là une question cruciale d’égalité entre les opérateurs traditionnels implantés en France  et les nouveaux acteurs étrangers, qui ont des activités d’éditeurs ou de distributeurs même s’ils mettent en avant une activité principale d’hébergeurs. Il s’agit donc aussi d’une question d’équité, La commission européenne ne peut y être indifférente. Il  nous faudra pouvoir en tirer les conséquences en termes de régulation et de fiscalité.

Le forum européen que j’ai souhaité organiser les 4 et 5 avril au Palais de Chaillot avec de nombreux ministres, artistes et décideurs internationaux sera l’occasion de porter au niveau européen ces ambitions.

Et nous n’attendons pas les positions européennes, lorsque cela est possible, pour prendre en compte les nouveaux modes de diffusion à l’ère numérique.

- j’ai souhaité que soient appréhendés au titre de la TST Editeurs les revenus de publicité et de parrainage associés à la TV de rattrapage, ce qui a été fait en loi de finances rectificative ;

- et quant à la taxe vidéo (physique et à la demande), j’ai obtenu qu’elle frappe également les éditeurs étrangers,

- et je compte défendre là aussi le principe de la taxation de la publicité et du parrainage qui peuvent accompagner la vidéo à la demande ;

- De la même manière, la redevance audiovisuelle ne peut durablement se passer d’une adaptation de son assiette aux nouveaux usages. Les Allemands et les Suédois l’ont fait, et nous devons y réfléchir nous aussi. J’aurai l’occasion d’en reparler au sein du gouvernement, en prenant en compte les travaux menés par les parlementaires sur le sujet.

La loi audiovisuelle du 15 novembre 2013 a posé les bases d’une régulation audiovisuelle plus ancrée dans les réalités économiques du secteur, et qui pourrait être complétée encore dans le projet de loi sur la création.

 

 

3. - La création française doit mieux rayonner, chez nous comme à l’international

Il s’agit d’abord de l’exposition et de la circulation des œuvres en France, dans une relation clarifiée entre les chaînes et les producteurs indépendants

Il faut que les diffuseurs soient amenés à financer au mieux la production française et puissent être intéressés au destin des œuvres, ceci tout en préservant l’indépendance qui assure l’inventivité de la production française, c’est l’optique de la mission que j’avais confiée à Laurent Vallet. Et je salue David Assouline, ici présent, dont la mobilisation sur ce sujet au Sénat a été déterminante.

La loi prévoit désormais d’associer en coproduction les diffuseurs aux œuvres indépendantes qu'ils financent, dans des conditions qui assurent la circulation des œuvres.

Dans le décret d’application de la loi audiovisuel en cours de rédaction, j’ai prévu que le niveau de financement déclenchant la possibilité d'une coproduction soit fixé à 70 %, afin d’encourager les diffuseurs à contribuer à un niveau élevé au financement de la fiction. Les parts de coproduction ainsi obtenues dans la partie indépendante des obligations des chaînes seront toutefois plafonnées à 50 % de l'investissement du diffuseur dans l’œuvre, afin de préserver son caractère indépendant.

Je souhaite en outre que ni le diffuseur, ni le producteur ne se voient interdire a priori la détention des mandats de commercialisation. Car l’intérêt de tous est que « le meilleur commerçant » prenne et exploite le mandat. Aussi, comme le suggère Laurent Vallet, le décret posera le principe d'une attribution des mandats de commercialisation "dans le cadre d'un processus de négociation équitable, transparent, non discriminatoire, encadré dans le temps".

Le décret devrait également prévoir une attribution prioritaire des mandats au producteur, lorsque celui-ci dispose d’une capacité avérée (interne ou filialisée) de distribution, ou d’un accord cadre avec un distributeur indépendant.

Ces équilibres se trouveront au cas par cas, sous le regard attentif du CSA, qui a désormais par la loi une mission de conciliation en cas de litiges entre diffuseurs et producteurs.

Nous fixerons par ailleurs dans la loi le principe d'une mutualisation des obligations de production au niveau des groupes de chaînes, dans des conditions qui favorisent la circulation des œuvres au sein de chacun de ces groupes.

 

Et ceci doit s’accompagner du maintien du niveau élevé de production indépendante prévu pour les obligations des chaînes (entre 75 et 85 % pour les principaux éditeurs). Seule la situation de France Télévisions méritera réexamen, puisque la part indépendante s’y situe à 95%, et que la part dépendante pourrait utilement passer de 5% à 10%.

Dans le même esprit je suis favorable à un principe d'indépendance capitalistique totale en matière de production indépendante, en supprimant le seuil actuel de 15 %.

Le dernier élément du rapport Vallet qui doit être mis en œuvre, c’est l’encadrement déontologique du passage d’une fonction de programmes dans une chaîne, au métier de producteur susceptible de travailler sur cette chaîne. Nous devons éviter tout conflit d’intérêt et le service public donnera l’exemple.

Mais le rayonnement, c’est aussi l’exportation des programmes français

Le raisonnement pour les mandats de commercialisation à l’étranger est le même que pour le mandat de commercialisation en France : il faut permettre que celui qui est potentiellement le plus efficace à l’export puisse prendre le mandat.

Plus généralement en matière d’exportation, je souhaite saluer la place déterminante de TVFI à vos côtés pour soutenir l’exportation des programmes audiovisuels français dans le monde entier.

La performance de nos programmes audiovisuels à l’export s’est améliorée l’an passé, en particulier en fiction. Cela tient tout autant à une meilleure dimension internationale dans la conception même des programmes, qu’au travail de TVFI pour s’adapter constamment à l’évolution du marché international.

Je salue son Directeur général Matthieu Béjot.

TVFI, avec l’appui du CNC, prépare la mise en place d’un nouvel outil numérique de visionnage de films que l’association pourra mettre à la disposition de ses membres et de leurs acheteurs étrangers. Je serai attentive à ce que ce travail débouche dans le courant de l’année.

Je souhaite aussi vous parler d’un sujet qui est celui des formats audiovisuels, qui sont - inutile de le rappeler dans ce cénacle professionnel - des « concepts d’émission, susceptibles de protection juridique, de déclinaisons éditoriales, et d’exportation ».

Et bien dans ce domaine des formats, qui concerne les jeux, les variétés mais aussi les séries, nous devons améliorer l’inventivité et la compétitivité française.

Sur ce sujet aussi, nous devons mieux structurer la relation entre diffuseurs producteurs et auteurs. C’est un travail qu’a engagé Philippe Chazal avec le club Galilée et les professionnels concernés.  2014 sera une année d’action et d’émulation en la matière.

Je peux vous dire d’ores et déjà mon soutien au lancement des premiers trophées qui récompenseront les meilleurs formats français, aux rendez-vous de TVFI, qui se tiennent ici à Biarritz chaque année début septembre, et cette année le 7 septembre.

L’audiovisuel français est exportateur quand il a une base arrière nationale qui est ambitieuse et audacieuse. 

C’est le cas du secteur de l’animation et c’est pour cela que j’ai convenu avec France Télévisions que son avenant au COM fasse de France 4 une chaîne largement dédiée au jeune public en journée.

 

En conclusion, l’action publique en 2014 en faveur de l’audiovisuel se déroulera donc très concrètement avec :

l’essentiel des préconisations du rapport Vallet mises en œuvre par un décret finalisé avant la fin avril, avec l’écoute de l’ensemble des parties prenantes par la DGMIC,

certaines dispositions qui seront inscrites dans le projet de loi création, qui sera présenté en Conseil des ministres au printemps,

et bien entendu des initiatives  qui ne relèvent pas de la réglementation mais d’accords entre professionnels.

 

2013 fut une année de victoires souvent défensives pour le secteur, et j’entends bien que 2014 puisse être une année de victoires offensives, au sens pacifique du terme (sourire), avec pour horizon le marché mondial et tous les publics du monde.

 Je vous remercie.

 

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI