Monsieur le Président du Musée Picasso, cher Laurent Le Bon,
Monsieur l’ambassadeur du Maroc,
Mesdames et Messieurs les directeurs des musées partenaires,
Chère Catherine Hutin-Blay, Bernard Ruiz Picasso et Olivier Picasso,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Nous sommes réunis ce soir dans ce merveilleux Hôtel de Salé pour deux évènements qui nous disent la force de l’œuvre de Pablo Picasso aujourd’hui. L’Hommage à Jacqueline, exposition que nous inaugurons et le lancement de la grande opération Picasso Méditerranée.

De Jacqueline, Picasso disait « qu’elle avait le don de devenir peinture à un degré inimaginable». Pendant les vingt dernières années de sa vie, Pablo Picasso a fait de son épouse, rencontrée à Vallauris au début des années 1950, son modèle favori et sa référence.

Nous en avions déjà pris la mesure avec l’exposition « L’œuvre ultime. Hommage à Jacqueline » organisée l’an dernier à la Fondation Pierre Gianadda à Martigny. Je me réjouis, chère Catherine Hutin-Blay, que nous puissions le faire aujourd’hui ici au Musée National Picasso.

Et demain le Musée national Picasso sera pleinement engagé dans le projet « Picasso Méditerranée », grande manifestation culturelle internationale, qui se tiendra sur deux ans et dans plus de soixante institutions.

Et je me réjouis, chère Catherine Hutin-Blay, que vous ayez accepté d’être la marraine de ce beau projet, vous qui avez bien connu Pablo Picasso, au bord de la Méditerranée, au château de Vauvenargues ou à Mougins.
Malaga, Barcelone, Naples, Antibes, Vallauris, Cannes, Perpignan, Athènes, autant de villes qui accueilleront ou organiseront, pendant deux ans, des événements, expositions, séminaires et rencontres autour de l’œuvre du maître. Autant de villes qui ont toutes en commun de l’avoir accueilli et de regarder la mer Méditerranée.

Mais aussi des villes, si proches, Izmir, Nicosie, Rabat, que j’aime tant, qui elles aussi se sont engagées dans ce projet qui contribue à nous réunir davantage autour de cette mer commune.

La Méditerranée est l’un des plus beaux carrefours des civilisations dans l’histoire de l’humanité. C’est aussi le berceau des mythes et des représentations qui ont dessiné notre imaginaire collectif et qui ont circulé avec les grands philosophes, les marchands, les voyageurs. Une place centrale dans la formation des idées et des esthétiques.  Alors qu’aujourd’hui on s’interroge sur la pertinence des espaces politiques, ce sont finalement les créateurs qui nous montrent par leur travail, par leur vision, la réalité de la Méditerranée comme espace commun. Ils sont comme toujours en avance sur le politique.

C’est la Méditerranée que photographiera le jeune Lucien Clergue qui avait pris son courage à deux mains et était allé, dans les arènes de Nîmes, montrer ses premiers travaux au maître, qui l’avait encouragé avant de devenir son ami.

On compte dans notre pays, où il a choisi de vivre et de travailler, trois musées Picasso. Et tant d’autres qui le célèbrent.  

L’an dernier, au MUCEM, on pouvait visiter l’exposition Picasso « un génie sans piédestal ». A Aubagne, en 2013, dans le cadre de Marseille Provence capitale européenne de la culture puis à la Manufacture de Sèvres c’était « Picasso céramiste de la Méditerranée ».

Autant dire que cette question du lien entre Picasso et la Méditerranée ne cesse d’être explorée, comme une matrice omniprésente mais encore mystérieuse.

Je me réjouis que nous puissions l’interroger une nouvelle fois avec cette manifestation internationale en France bien sûr, mais aussi en Espagne, en Italie, et plus à l’est, en Grèce, et au sud, au Maroc.

Il sera ainsi possible, à Rome au Quirinal, de retracer le voyage de Picasso en Italie en 1917. A Naples, au musée Capodimonte, ce sont les correspondances entre les peintures de Pompéi et l’œuvre de Picasso qui seront à l’honneur. 

A Malaga puis à Barcelone, nous serons invités à revoir les photographies de son atelier et les portraits réalisés par Josep Palau. Et à Rabat, au musée Mohammed VI, nous aurons la chance de nous plonger dans le face-à-face du modèle et de l’artiste.

C’est une nouvelle occasion pour dialoguer et resserrer les liens entre les rives de la Méditerranée.

Jamais autant qu’aujourd’hui ce dialogue entre les rives de la Méditerranée n’aura été nécessaire. La mer Méditerranée n’est désormais que trop considérée comme un obstacle à franchir, le dernier mais le plus dangereux, qui la transforme en cimetière.

C’est une réalité qu’il nous faut affronter et je crois qu’il faut le faire à l’échelle européenne. Mais il faut aussi, dans le même temps, continuer d’œuvrer au développement de l’espace méditerranéen, multiplier les coopérations entre les pays, entre les sociétés civiles qui doivent savoir ce qu’elles ont en partage.

La France y est pleinement engagée et notamment en matière culturelle.

Je pense au jumelage culturel entre la France et la Tunisie, qui va se matérialiser par une coopération accrue entre les deux ministères compétents, sous l’égide de l’Union européenne ; au musée du Louvre qui travaille avec le musée du Bardo, à Tunis, et qui offre ainsi la meilleure réponse aux attaques qui ont touché le lieu.

Je pense aussi à notre politique de soutien à la traduction au sein de l’espace méditerranéen. La traduction est un maillon indispensable pour la circulation des mots et des idées.

J’y suis très attachée et c’est le message que j’ai souhaité porter lors de ma visite au salon du livre francophone à Beyrouth à l’automne dernier en annonçant, dans un plan de soutien à la diversité par le livre, le renforcement de nos aides à la traduction entre les deux rives et aux librairies francophones.

C’est aussi l’exposition du MUCEM à Marseille, intitulée « Après Babel, traduire » sur la circulation des textes autour de la Méditerranée venant des civilisations grecques, latines, arabes puis germaniques et orientales. 

La France en Méditerranée c’est aussi l’initiative lancée par le Président de la République d’un fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril.

C’est également notre politique de coopération en matière d’archéologie, et notamment d’archéologie préventive. Je pense notamment aux fouilles menées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives à Alger que j’ai eu le plaisir de visiter.

Enfin, dans quelques semaines se tiendra à Tunis le premier Dialogue 5+ en matière culturel qui réunira l'Italie, la France, l'Espagne, le Portugal ainsi que Malte pour la rive Nord, et la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye  pour la rive sud.

Ce sera l’occasion de mettre en avant les atouts du bassin occidental de la Méditerranée et la prise en compte de la culture comme vecteur essentiel pour relever les défis et garantir le rapprochement et le développement solidaire entre ces pays. Il sera évoqué la valorisation du Patrimoine,  l’organisation de manifestations culturelles ou encore la numérisation (notamment pour les bibliothèques).

Au-delà de toutes ces actions qui sont déjà en cours, je souhaite lancer prochainement une  mission afin de faire un état des lieux des échanges et de la coopération culturelle entre la France et les autres pays méditerranéens. Beaucoup de réseaux d’échanges existent et certains de nos acteurs culturels enrichissent déjà leur programmation et leurs formations, des œuvres de créateurs de tous ces pays. J’ai le sentiment que nous devons aller au-delà, afin que la culture demeure un lien très fort entre nos peuples, afin que la zone Méditerranée s’affirme encore un peu plus comme un espace de dialogue et de diversité.

Je veux donc pour conclure féliciter le musée Picasso, cher Laurent Le Bon, de cette initiative remarquable, remercier toutes les institutions et pays qui y participent. Vous ouvrez, par cette coopération, grâce à l’œuvre d’un artiste exceptionnel du XXème siècle, un espace de dialogue qui saura toucher, j’en suis sûre, les sociétés de toutes les rives de la Méditerranée.

Je vous en remercie.