Le ministère de la Culture et de la Communication, en collaboration avec le Théâtre de la Commune à Aubervilliers (centre dramatique national), a organisé hier un forum sur le thème « L’Art de la Rencontre ». L'enjeu était de mettre en lumière des projets portés des artistes, des professionnels de la culture et de l’éducation populaire, qui dans toute la France inventent de nouvelles relations entre les citoyens et la culture et font la part belle à la participation des habitants.

Institutionnels ou associatifs, ces projets questionnent les politiques culturelles de l’Etat et des collectivités territoriales, mais aussi les pratiques des professionnels eux-mêmes avec l’objectif commun de « faciliter la rencontre avec l’art, qui est une rencontre primordiale et fondatrice », comme l'a souligné Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, en ouverture de ces rencontres.

Cette participation des habitants, soucieuse des cultures dans leur diversité – jusqu’aux cultures opprimées et autres récits manquants – suppose une prise de risque, une part d’inconnu aussi bien du côté des artistes que des participants, mais cette remise en cause des codes contribue à rapprocher la culture de ceux qui en sont le plus éloignés.

Cette mise en danger assumée est au cœur du projet « Vent des Forêts » qui associe plasticiens et habitants de six villages de la Meuse et qui consiste à installer des œuvres éphémères dans la forêt, donnant à voir la « ruralité audacieuse » (Pascal Yonet). Elle est au cœur également du projet « Voir et ne pas voir » au Musée d’art et d’histoire de La Rochelle, où la directrice Annick Notter choisit chaque année de faire confiance à un groupe de personnes éloignées du monde des musées et de leur confier le commissariat d’une exposition issue des collections du musée. Elle irrigue aussi le travail du chorégraphe Jérôme Bel, qui associe amateurs et professionnels dans une même énergie créative.

Le numérique est au centre de projets à l’image de « Mots d’ados » d’Irvin Anneix qui tire sa matière des écrits intimes de l’adolescence, ou « Wikimuseum » qui puise dans les photos collectées auprès de la population pour retracer l’histoire du Musée des Beaux-Arts de Lille. Le projet immersif « LIR » développé au TNG de Lyon démontre que l’usage des nouvelles technologies n’exonère aucunement de l’accompagnement humain.

Les projets tirent leur originalité – et souvent leur réussite – de leur capacité à décloisonner les pratiques, les esthétiques, les métiers, les publics, les territoires, etc. L’exemple du centre chorégraphique national de Rennes est illustratif de cette capacité qu’a la culture à « créer des souvenirs collectifs » (Boris Charmatz). Celui des Francas de Lyon, de faire travailler ensemble acteurs de l’éducation populaire et acteurs de la culture pour permettre aux enfants d’exprimer leur propre opinion et de « se confronter à l’altérité » (Lyson Faucherand). Le projet de l’association « 1000 Visages » s’efforce quant à lui de faire évoluer les mentalités en faisant entendre des voix singulières dans le cinéma français, celles des jeunes issus des quartiers populaires et territoires ruraux, « qui ont une énergie, une colère parfois, qu’il s’agit de transformer en création » (Houda Benyamina).

Les associations et institutions culturelles participent au quotidien à la démocratisation culturelle, politique dont « aucune donnée ne permet aujourd’hui de dire qu’elle a échoué » (Marie-Christine Bordeaux), et ne sont jamais aussi fortes que lorsqu’elles expérimentent de nouvelles manières de faire. Qu’il s’agisse d’occuper pendant 10 jours les espaces du Vivat à Armentières avec les habitants pour s’interroger sur les nouvelles pratiques sociales, de mêler les approches les plus diverses pour inventer le musée du 21e siècle avec les makers de Muséomix, ou de mettre au centre des missions des lieux culturels « l’hospitalité » (Hortense Archambault) et l’attention à l’autre, qui s’incarne parfaitement dans le projet « Ecole des Actes » porté par le CDN d’Aubervilliers, lequel offre un parcours de formation intriqué au théâtre pour les réfugiés et migrants, les jeunes déscolarisés, les jeunes travailleurs, etc.

Ces expériences se font généralement à bas bruit. Elles bénéficient du soutien des pouvoirs publics, et ouvrent un chemin possible pour les politiques culturelles : mieux prendre en compte le hors-cadre et « être en capacité d’adapter l’usage des lieux, ce que ne permet pas toujours l’institution » (Hortense Archambault) ; « revitaliser l’éducation populaire » et « construire ensemble une nouvelle subjectivité » (Marie-José Malis) ; installer « des débats démocratiques sur les politiques de la culture » (Marie-Christine Bordeaux), pour que chacun s’approprie la parole publique.