Pierre-Jean BENGHOZI, Françoise BENHAMOU
octobre 2008
12 p.

Le format et les réseaux numériques bousculent l’économie des industries culturelles : du consommateur aux éditeurs et producteurs, voire aux créateurs, en déstabilisant d’abord le segment de la distribution. Le commerce en ligne de biens culturels physiques et la distribution numérique de biens culturels numérisés (musique et vidéo) changent la donne économique et culturelle. La réduction des coûts de stockage et l’extension de la mise à disposition d’œuvres favoriseraient le glissement d’une économie de star system, économie d’aléas concentrant l’attention et les résultats sur des hits ou best-sellers, à une économie de la diversité où la pluralité des goûts s’apparierait à une diversité accrue des offres. Telle est la promesse de l’hypothèse de la long tail (longue traîne) sur laquelle des industries culturelles s’interrogent et de nouveaux entrants fondent leurs modèles. Il était nécessaire de chercher à vérifier l’une des hypothèses les plus débattues et potentiellement féconde de l’économie numérique.

En 2004, le rédacteur en chef du magazine Wired, Chris Anderson, lance l’hypothèse que l’internet permet de rassembler virtuellement des publics dispersés pour des produits culturels qui ne sont jamais amortis, du fait de l’étroitesse de leurs marchés. L’agrégation des ventes de ces produits deviendrait alors rentable. Cette hypothèse, baptisée la longue traîne, a séduit et ouvert des perspectives nouvelles aux marchés des biens culturels, nourrissant l’idée que les sites de ventes en ligne constitueraient une chance pour la diversité culturelle. Le présent article fait le point, à partir des résultats de publications académiques et de deux études inédites, sur les premières vérifications de l’hypothèse de la longue traîne. Les auteurs soulignent que, malgré son caractère séduisant, les données ne confortent qu’à la marge l’hypothèse formulée par Chris Anderson.

In 2004, the editor-in-chief of Wired magazine, Chris Anderson, first made the assumption that the internet was bringing together scattered markets for cultural products which had never hitherto been lucrative, due to their narrow market appeal. With sales of these products thus aggregated, he argued, they were now becoming profitable. Referred to as the Long Tail, this assumption proved persuasive and opened up new prospects for cultural-goods markets, promoting the idea that online sales could potentially increase cultural diversity. This article examines the initial research on the Long Tail assumption, drawing on the results of published academic works and two as-yet unpublished studies. The authors emphasize that, despite the appeal of this argument, the data only partially back up Chris Anderson’s assumption.