En octobre 2014, la France gagnait 29 places dans le classement mondial du forum économique sur l’égalité femmes-hommes, atteignant le 16e rang. Dans le secteur culturel aussi, on a enregistré de réels progrès, comme en témoigne la politique volontariste de nominations à la tête des scènes nationales ou la décision récente du CSA dans le secteur des médias. Haut-fonctionnaire chargée de l’égalité femmes/hommes, Muriel Genthon revient sur les principaux enjeux de l’égalité.

Vous avez été désignée haut-fonctionnaire chargée de l’égalité femmes/hommes au ministère de la Culture et de la Communication. Quelle est votre feuille de route ?

L’action que j’aurai à mener s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait depuis plus de deux ans. Je succède à Nicole Pot qui, depuis 2012, exerçait ces fonctions. Ce que nous ferons s’appuiera en premier lieu sur les données que nous avons, principalement celles de l'Observatoire de l'égalité dans la culture et la communication, lancé par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère (DEPS) qui va remettre prochainement son troisième rapport. C’est une photographie de la situation des femmes dans le monde culturel. A partir de ces données, il s’agit d’inciter, de convaincre, de réfléchir avec les professionnels. En tant que haut-fonctionnaire chargée de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, ma priorité est double. D’abord, veiller à ce que ce ministère, qui est essentiellement féminin, soit un ministère exemplaire pour défendre la parité et l’égalité professionnelle, à tous ses échelons. C'est une idée chère à Fleur Pellerin. Nous réfléchissons à créer un lien entre celles et ceux qui se sentent concernés, pour favoriser l'échange de bonnes pratiques. Par le biais des femmes, on découvre qu’une autre approche organisationnelle de ce ministère est possible, dont les hommes bénéficieront évidemment. Ensuite, promouvoir la parité dans les politiques publiques que le ministère met en œuvre. Le champ est vaste !

Dans ses vœux à la presse, Fleur Pellerin a insisté sur l’importance de la politique de nominations. « Permettre que ces perspectives de reconnaissance soient ouvertes à toutes, c'est aussi lutter contre le sentiment d'abandon de la République », a-t-elle souligné.

La question de l'égalité peut se traduire en termes d’accès aux responsabilités, aux moyens de production et de diffusion pour les artistes, de lutte contre les stéréotypes qui entraînent de grandes disparités de présence des femmes dans certains métiers. Il est important de débloquer les mentalités pour que disparaisse ce plafond de verre qui fait que les femmes sont moins nombreuses dans les postes à haute responsabilité. Dans son rapport, l'Observatoire de l'égalité devrait révéler une certaine progression dans l'accès des femmes à des postes de direction, que ce soit à l'intérieur du ministère ou dans les institutions culturelles. Cette progression est plus lente dans certains secteurs, notamment dans le monde musical, mais nous devons continuer à la mesurer, car les changements se feront progressivement. Il importe d'agir en amont, en identifiant un vivier dans lequel de jeunes artistes sont repérés ; c’est aussi une question de renouvellement des générations.

Qu'en est-il des différences de salaires entre hommes et femmes ?

S’agissant de la fonction publique, où des grilles existent, les différences sont difficiles à comprendre.... En 2013, pour la catégorie A, l’Observatoire signale une différence de 8%. Ce chiffre est particulièrement frappant : que recouvre cette différence ? Nous allons explorer cette question avec le secrétariat général.

Quels sont les métiers où la disparité est la plus forte ?

Rares sont les femmes chefs d'orchestre, producteurs de films, ou chefs opérateurs... Nous avons, avec la tutelle des écoles supérieures culture, des leviers pour agir. Par exemple, nous constatons que pour le métier d’architecte, il y a davantage d'étudiantes dans les écoles, mais 25% seulement de femmes maîtres d’œuvre, et 8% qui dirigent une agence. Nous allons, avec la direction des patrimoines et les écoles nationales supérieures d’architecture, agir sur ce domaine : parité dans les jurys de recrutement des professeurs, valorisation de parcours de femmes architectes, mais aussi meilleure visibilité sur les différents modes d’exercice de l’architecture. Ce n’est que pierre à pierre, secteur par secteur, que l’on fera progresser cette cause, j’en suis convaincue.

Le 4 février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a adopté, après une large concertation avec les médias, une délibération sur l’égalité femmes/hommes. « Une étape majeure a été franchie », s’est réjouie Fleur Pellerin. En quoi ce texte va-t-il dans la bonne direction ?

Les mesures qui viennent d'être adoptées par le CSA entérinent l'engagement d’un secteur tout entier, celui de l'audiovisuel, dans une démarche volontariste en faveur de l’égalité femmes/hommes. C’est une avancée importante, car cette délibération permettra au CSA de mesurer, quantitativement et qualitativement, l’engagement des médias audiovisuels dans ce combat pour l’égalité. Ce texte définit des indicateurs variés : présence de femmes parmi les experts, nombre de femmes réalisatrices, ou encore représentation des femmes dans les émissions pour la jeunesse. L'objectif est de lutter contre les stéréotypes, mais aussi de programmer davantage de femmes, de choisir davantage d'expertes dans les émissions d'information.

Les événements récents ont prouvé que l’égalité hommes/femmes était loin d’être acquise...

La démarche pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes est un combat culturel au sens large. L'image que l'on donne des femmes, la façon dont on les fait intervenir dans la société, les métiers qu'elles exercent ou, pire, qu'elles n'exercent pas, sont présents dans l’inconscient des enfants. Dans les pays occidentaux, même si beaucoup reste à faire, il existe une réelle prise de conscience de l'existence des stéréotypes sexistes et de la nécessité de les combattre. Ce n’est malheureusement pas vrai dans tous les pays du monde. L'égalité entre les femmes et les hommes est une valeur de la République. Les événements récents ont montré que cette valeur est loin d'être partagée partout.

La semaine de Fleur Pellerin pour le droit des femmes

5 mars : Déjeuner autour de femmes du Ministère de la Culture et de la Communication à l’occasion de la journée internationale des Droits des femmes

6 mars : Petit-Déjeuner au sujet du respect des droits des femmes dans les médias, en présence de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes et de Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, avec Olivier Schrameck, Président du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et Sylvie Pierre-Brossolette, Présidente du groupe de travail « Droits des femmes » du Conseil supérieur de l’Audiovisuel

8 mars : Rencontre avec des femmes du monde de la culture et de la communication au Musée national Gustave Moreau, à l’occasion de la journée internationale des Droits des femmes