La première signe l’œuvre monumentale spécialement créée pour l’occasion, le second propose une maquette de piste de skateboard conçue pour l’espace public. Rencontres avec Martine Aballéa et Raphaël Zarka, à l’affiche de "cnap !", l’exposition du Centre national des arts plastiques au ministère de la Culture et de la Communication (jusqu'à fin janvier 2017)

Martine Aballéa : "Je voulais une œuvre joyeuse et jouissive, à l’image de la culture"

Martine Aballéa apprend, ravie, que de nombreux passants s’arrêtent pour se prendre en photo devant L’avant-printemps. Comment ne pas céder à la tentation ? Feuillage surexposé et saturé de couleurs, véritable paysage onirique, l’œuvre, qui occupe dix vitrines de l’immeuble des Bons-Enfants rue Saint-Honoré, aimante immédiatement le regard. Je voulais une œuvre très joyeuse et jouissive à l’image de la culture et des plaisirs extraordinaires, légers et lumineux - qui ne sont pas les seuls, certains sont plus graves - qu’elle procure ; ce titre, l’avant-printemps, m’est venu car j’aime beaucoup cette période de l’année, alors qu’il ne se passe encore rien, on sent que quelque chose est en train de se préparer, qu’une énergie est à l’œuvre qui va bientôt conduire à cette explosion de verdure et de fleurs.

Surprise, dix verbes - éditer, informer, diffuser, soutenir, transmettre, conserver, accompagner, acquérir, récoler, restaurer -, et autant de champs d’intervention du Cnap, sont insérés en lettres dorées dans le feuillage : J’ai demandé au Centre national des arts plastiques de se définir à travers dix mots que j’ai ensuite mis en scène. J’ai pour habitude d’inventer des fictions, dans le cas présent, l’information était également une donnée importante. J’ai donc pris le parti de mettre le texte en scène sans le dénaturer, j’aime énormément jouer par exemple avec les caractères typographiques. Avec ce projet, je me suis amusée comme jamais tant certaines typographies ont une personnalité forte que je pouvais combiner avec la représentation des mots - restaurer n’est pas loin de restaurant, soutenir de souvenir, des sortes de petits glissements s’opèrent -, récoler est un mot que j’ai découvert, c’est une activité capitale, dans le dictionnaire, on retient le sens juridique, sévère, j’ai donc voulu l’égayer, la typographie choisie pour le verbe conserver vient, quant à elle, directement de celle utilisée par une marque de conserves que j’ai découverte à New-York que j’ai immédiatement trouvée belle. Si le public invente à son tour ses propres fictions et associations, je serai comblée.

Raphaël Zarka : "Mon projet imagine les skateurs comme des descendants involontaires de Galilée"

La maquette de piste de skateboard conçue pour l’espace public par Raphaël Zarka visible dans la galerie du Palais-Royal est la toute première œuvre de commande à protocole initiée par le Centre national des arts plastiques. Sa particularité : le Cnap n’en conserve aucun élément matériel, à chaque nouveau dépôt, celle-ci sera réactivée sur la seule base d’instructions rédigées par l’artiste. C’est un concept qui ne me posait pas de problème. Depuis l’art conceptuel, certains types d’œuvres d’art n’existent principalement que sous la forme d’une note d’intention et sont ensuite exécutées par l’artiste ou quelqu’un d’autre. Le tout, c’était de trouver un projet qui corresponde à cette logique d’une œuvre protocolaire, précise Raphaël Zarka. Un projet que l’artiste, skateur lui-même, et dont les recherches autour du skateboard irriguent le travail, n’a pas été long à trouver. La forme de la piste créée par Raphaël Zarka renvoie à des expériences sur la chute des corps ayant marqué l’histoire de la mécanique. Mon projet consiste à imaginer les skateurs comme des descendants involontaires de Galilée ou qui rejoueraient dans leurs déplacements et pratiques des expériences de physique telles qu’on les mettait en place au XVIIe et au XVIIIe siècles dans les cabinets de physique.

Au-delà, c’est la question de la pérennité de la conservation d’une œuvre à un endroit spécifique qui ne se pose plus – ce sont des œuvres qui fonctionnent comme des partitions musicales, quand on en a besoin, on les joue  - mais aussi celle d’un art public, vis à vis duquel l’artiste confie parfois s’interroger, mais qui trouve ici pleinement son sens en ce qu’il conjugue fonction et utilité : Pour la quasi totalité des skateurs qui emprunteront la piste, la question de savoir si c’est une œuvre d’art ne se posera pas, à l’inverse, en face de cet objet, d’autres visiteurs verront d’abord un projet sculptural quand d’autres seront sensibles à la rencontre d’une culture populaire et d’un moment donné des sciences physiques puisqu’il s’agit réellement d’un croisement entre les deux, quand d’autres, enfin, privilégieront la forme et les couleurs ; j’espère que ces manières différentes d’apprécier et de s’approprier l’œuvre cohabiteront. Et Raphaël Zarka d’espérer que la piste soit construite afin qu’il puisse l’essayer. Cela ne saurait tarder, l’œuvre devrait être accueillie au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée début 2017.

"Cnap!" : rôle, missions, histoire

La Joconde de Jules Auguste Sage, les perruques de Meschac Gaba et l’histoire du Fonds national d’art contemporain entre autres dans les vitrines du Palais Royal, un défilé de chaises, une vaste sélection d’images issues de la photographie documentaire et un programme vidéos dans l’immeuble des Bons-Enfants, le tout dans le somptueux écrin spécialement conçu pour l’occasion par Martine Aballéa… opération séduction pour le Centre national des arts plastiques dans le cadre de « cnap ! » l’exposition qui lui est consacrée à partir du 22 avril au ministère de la Culture et de la Communication. « L’activité du Centre national des arts plastiques joue un rôle irremplaçable auprès des artistes et de l’ensemble des professionnels de l’art. Avec cette exposition, nous souhaitons montrer la réalité de notre activité d’une façon légère avec quelques clins d’œil, comme celui, par exemple, que nous faisons à la collection design à travers un choix de chaises illustrant dix possibilités de variations ludiques, plastiques et colorées autour de cet objet », explique Marc Sanchez, directeur du pôle du développement culturel, qui a coordonné la manifestation.

Ministère de la Culture et de la Communication

> Galerie et Péristyle de Valois, 5/7 rue de Valois 75001 Paris

> Espaces d’exposition des Bons-Enfants, 182 rue Saint-Honoré 75001 Paris

Entrée libre de 8h à 20h

Design graphique : H5 / Scénographie : Agence Clémence Farrell