Trésor national acquis pour le musée Lorrain avec l'aide de l'Etat, de laRégion Lorraine, de la Ville de Nancy, de la Société d'Histoire de la Lorraine et dumusée Lorrain, et grâce au mécénat de CNP Assurances

Monsieur le Ministre et maire de Nancy, André ROSSINOT,Monsieur le Ministre et député de Meurthe-et-Moselle, Laurent HENART,Monsieur le Ministre et Président du Conseil régional, Jean-Pierre MASSERET,Monsieur le Directeur général de CNP Assurances, Gilles BENOIST,Monsieur le Directeur général des Patrimoines, Philippe BELAVAL,Mesdames et Messieurs,Chers amis,

Je dois d’abord vous faire un aveu modeste : lorsque j’ai entendu parler pour la
première fois du trésor enfoui de « PU-YI », j’ai cru d’abord à un nouvel avatar des
soldats de XIAN en Chine. Je me suis demandé si PU-YI était le nom d’une lointaine
dynastie chinoise dont nous avions retrouvé des vases ou des statues…
Ensuite, lorsque l’on m’a détrompé, en m’indiquant l’orthographe de POUILLY, j’ai cru à
une plaisanterie bachique… « Le trésor de Pouilly » : tout un programme… Mais bien
sûr POUILLY-SUR-MEUSE n’est pas POUILLY-SUR-LOIRE et j’ai appris avec
stupéfaction et admiration la vérité de ce trésor, de ce POUILLY non pas fumé ni fuissé,
mais enfoui et miraculeusement retrouvé.
C’est une histoire comme on n’en lit que dans les romans. Nous avons tous rêvé de
déterrer un jour un trésor ancien dans le jardin de la maison familiale ; et puis nous
nous étions résignés avec LA FONTAINE et « Le Laboureur et ses Enfants », à
considérer que le vrai trésor, c’est le travail, les coup de pioches – et à la fin, pas
d’autre trésor ! Eh bien, cette fabuleuse découverte nous réjouit d’abord peut-être parce
qu’il nous rend un peu de notre âme d’enfant.
Et voilà qu’en 2006, deux particuliers ont exhumé un magnifique trésor. Pas moins de
31 pièces d’orfèvrerie de la Renaissance, d’argent et de vermeil qui me font penser à
ces « gouttes d’argent, d’orfèvrerie » qu’évoque Charles d’ORLEANS dans ce
magnifique petit rondeau sur le retour du printemps – le soleil d’aujourd’hui me le
remémore aussi…
Trois coupes, quatre timbales, une aiguière, vingt-et-une cuillères, dont douze en argent
et vermeil : ce n’est pas là un inventaire à la PRÉVERT voire à la Boris VIAN, mais
quelques fragments rescapés de mémoire et de rêve, des « objets inanimés » qui « ont
une âme », celle d’une famille, sans doute, de la Renaissance, on ne sait pas très bien
laquelle, et notre imagination attend impatiemment que les chercheurs lui donnent un
nom et un visage. Ils y sont aidés par les poinçons prestigieux de quatre villes, Reims,
Châlons-en-Champagne, Strasbourg et Paris. Ce sont en tout cas des pièces d’une
beauté, d’une finesse et d’une valeur absolument exceptionnelles.
Près d’un demi-millénaire a passé, et pourtant ces chefs-d’oeuvre d’artisanat sont
devant nous intacts, sauvés de la destruction du temps et des violences de l’Histoire.
Car, vous le savez, les guerres de religion, dans cette Lorraine qui en a été l’un des
théâtres les plus tragiques, sont sans doute le contexte dans lequel ce trésor a été
caché, probablement pour échapper aux pillages. Je précise que les pillards
d’aujourd’hui, qui se promènent dans les chantiers archéologiques avec des détecteurs
de métaux, sont de véritables THÉNARDIER de la mémoire, et que je lutterai avec
détermination contre ces déprédations. En tout cas, c’est un beau symbole que l’année
Henri IV, l’homme de l’Édit de Nantes, fasse reparaître ces vestiges et les mette à l’abri
de l’oubli.
Sans doute ceux qui ont enterré ces pièces n’ont-ils jamais pu les récupérer. Mais
aujourd’hui, avec les années et les siècles, elles sont devenues un trésor dans un sens
très différent. Le temps a bonifié aussi ce Pouilly-là, et la valeur de ce « trésor » n’est
plus seulement marchande, mais aussi et surtout patrimoniale. Ce n’est plus une riche
possession privée, c’est désormais le partage et l’héritage de tous et de chacun. Et c’est
la raison pour laquelle l’Etat a voulu, dès 2009, qu’il soit élevé au rang de « trésor
national », distinction rarissime pour des pièces d’orfèvrerie.
J'adresse toutes mes félicitations à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC)
de LORRAINE, à son service de l'Archéologie, ainsi qu’au Conseil régional et à son
service de l’Inventaire général du patrimoine culturel, qui ont rapidement permis d’établir
un premier diagnostic. Je félicite tout particulièrement M. Francis MUEL, conservateur
général du patrimoine, et Mme Michèle BIMBENET-PRIVAT, conservatrice en chef du
patrimoine, tous deux spécialistes reconnus de l'orfèvrerie, qui ont dressé un inventaire
précis, identifié les poinçons et établi les datations. Par là, ils ont ouvert la voie à de
nouvelles recherches plus poussées au sein d’une équipe pluridisciplinaire qui a déjà
commencé à travailler et à formuler de premières hypothèses.
L'acquisition d’un trésor national est une véritable course contre la montre – une image
qui est un hommage au marathonien émérite que vous êtes, cher Jean-Pierre
MASSERET – : l’Etat dispose de 30 mois, pas un jour de plus, pour la mener à bien. Au
terme d’importants efforts, cette acquisition est intervenue grâce au concours du Fonds
du patrimoine de l’Etat et à la mobilisation exemplaire des collectivités territoriales.
La Région, immédiatement frappée par le caractère exceptionnel de la découverte, a
d’emblée accordé son soutien de principe afin d’acquérir ces pièces et de pouvoir les
présenter dans un musée lorrain. Elle a prévu aussi, par convention avec la Ville de
Nancy, de participer à la valorisation scientifique de ce « trésor ».
Nancy et sa Communauté urbaine, cette cité des Lumières que vous avez sublimée,
cher André ROSSINOT, mène depuis de longues années déjà une politique volontariste
en matière de culture. J’ai pu le constater lors de l’inauguration du campus ARTEM qui
nous a rassemblés en novembre dernier. Elle est particulièrement engagée dans la
protection, la restauration et la valorisation du patrimoine architectural et artistique. Elle
s’appuie notamment sur un acteur essentiel pour l’enrichissement des collections, la
Société d'histoire de la Lorraine et du Musée Lorrain, où les pièces seront accueillies.
Nancy a joué, ici encore, son rôle de grand mécène public.
Mais la culture n’est plus seulement aujourd’hui, et je m’en réjouis, une « affaire d’Etat »,
une affaire de l’Etat : elle est, par le mécénat privé notamment, l’affaire de tous et de
chacun, des entreprises et bientôt des particuliers. Une nouvelle fois, grâce aux
possibilités offertes par la loi de 2002 relative aux musées et au mécénat, la générosité
privée a pu être associée à l’effort public. Je m’en réjouis et je tiens à remercier très
chaleureusement CNP Assurances et son Directeur Général, M. Gilles BENOIST,
aujourd’hui parmi nous, pour son action exemplaire en faveur de l’enrichissement des
collections publiques et du patrimoine national.
Je souhaite que ce genre d’opérations se développe encore, parce qu’ils sont un
formidable levier de développement de nos musées.
Après de longs mois de travail, le montage financier a pu être achevé, afin d’éviter une
dispersion en vente publique que personne ne pouvait souhaiter. A cet égard, je
remercie la Société Sotheby’s France qui a permis à la négociation d'aboutir.
Chacun pourra bientôt admirer ce trésor au sein des joyaux de l’architecture
Renaissance que sont l'ancien palais ducal de Nancy et l'église et le couvent des
Cordeliers, qui lui feront un écrin sur mesure.
Je suis fier, d’ailleurs, de la participation active de l'Etat au vaste chantier de rénovation
du Musée Lorrain conduit avec détermination par Francine ROZE, conservateur en chef
du patrimoine, et qui doit aboutir à l’un des musées d’histoire les plus riches de France,
au musée de tous les Lorrains des origines à nos jours. Le trésor de Pouilly restera donc
très légitimement en Lorraine. La région saura faire fructifier ce trésor notamment dans
le cadre de la grande manifestation patrimoniale « Renaissance 2012 » actuellement en
préparation.
Ce trésor sera alors à nouveau en pleine gloire, réveillé de la « Meuse endormeuse »
chantée par Charles PÉGUY, après un demi-millénaire de sommeil souterrain. Et cette
découverte confirme la sagesse que renferment ces beaux vers de BAUDELAIRE, sorte
de parabole qui nous rappelle à la présence obscure et cachée, autour de nous, de bien
des trésors oubliés :
« - Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes ».
Je vous remercie.