Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de laCommunication, prononcé à l'occasion de la cérémonie de remisedes insignes de Grand Officier dans l’ordre national du Mérite àSimone Brunau, de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur àAlain Lanceron, d'Officier dans l’ordre des Arts et des Lettres àThierry Coudert, de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres àGérald-Brice Viret et Robert Kopp

Chère Simone Brunau,
C’est une grande joie et un immense honneur pour moi de vous accueillir
aujourd’hui dans les salons du ministère de la Culture et de la
Communication. Je suis en effet très heureux de rendre hommage à une
grande personnalité du monde culturel, qui a oeuvré, toute sa vie durant,
au service de la promotion des arts, en France comme à l’étranger.
Votre vie a toujours été placée sous le signe de l’engagement. Originaire
du Nord de la France, votre famille est dotée d’un sentiment national très
fort, que vous allez honorer dès votre plus jeune âge. Après votre
baccalauréat de philosophie, à 17 ans seulement, vous rejoignez l'un des
grands mouvements de la résistance intérieure française pendant la
seconde guerre mondiale. Vous participez également, à la fin de la guerre,
à l’accueil des déportés et des prisonniers à qui vous apportez, par vos
sourires, vos gestes, vos paroles, chaleur et réconfort.
Après la guerre, vous travaillez à la Bibliothèque nationale et l’on vous
confie un travail de recherche pour la Société des bibliolâtres. Plongée
dans l'univers de la bibliophilie, vous ne renoncez pas pour autant à
l'engagement, dans l'action nationale cette fois. A l'appel du Général de
Gaulle, vous rejoignez le mouvement qu'il a créé, le Rassemblement du
peuple français, où l’on vous confie très vite de grandes responsabilités. Le
Général, qui porte sur vous un regard bienveillant et affectueux, a très vite
remarqué vos qualités. Par vos activités politiques, vous contribuez
largement, avec votre époux Félix, grand résistant, inspecteur général au
ministère de la Culture, au grand retour du Général de Gaulle en 1958.
Pierre de Gaulle, le frère du Général, commissaire de l'exposition
universelle et internationale de Bruxelles de 1958, vous propose d'occuper
les fonctions d'adjointe du Recteur Antoine, alors chargé de la section de
la Pensée française au Pavillon de la France à l'exposition universelle. A
partir de 1958, vous donnez une nouvelle orientation à votre carrière
professionnelle en exerçant des fonctions de chargée de mission au sein
des cabinets des Ministres en charge de l'information, en l’occurrence
Jacques Soustelle, Roger Frey, Louis Terrenoire, Alain Peyrefitte. En
charge de la presse étrangère, vous organisez, en liaison avec l'Elysée,
les déplacements présidentiels. Vous gardez en mémoire ces grands
événements pour lesquels vous avez travaillé passionnément et sans
relâche, tels que le délicat voyage du Général de Gaulle en République
Fédérale d'Allemagne en septembre 1962 – déplacement considéré à
l'époque comme celui de la réconciliation franco-allemande – ou la visite
du Président Kennedy à Paris, en mai 1961.
En janvier 1959, André Malraux vous nomme Secrétaire générale du
Conseil d'Administration de la Cité internationale des Arts, institution
fondée par votre époux qui a pour vocation d'accueillir des artistes
professionnels venus du monde entier, favorisant le rapprochement des
peuples. Entièrement dévouée au bien public, vous allez tout naturellement
y consacrer votre énergie. Tout au long de ces années, vous vous
engagez inlassablement à relever, avec esprit et ténacité, de nouveaux
défis. Grâce à votre force de persuasion, vous réussissez en effet, lors de
voyages entrepris à travers le monde (vous vous êtes par exemple rendue
32 fois en Chine!), à convaincre les pays étrangers de participer
financièrement à la construction de la Cité internationale des Arts.
Vous vous êtes également illustrée en qualité de maire adjoint de Saint-
Cloud ou comme membre d'associations ou de jurys artistiques en France
ou à l’étranger – citons par exemple l’association Pro Quartet. A ce titre,
vous avez reçu de nombreuses distinctions, dont la médaille d'or
Pouchkine (Russie), le grade de Docteur Honoris Causa de l'Ecole des
Beaux-Arts de Hangzhou et de l'Ecole des Beaux-Arts de Xi'An (Chine), la
qualité d'Honorary Fellow du Royal College of Art de Londres.
Chère Simone Brunau, je suis heureux d’honorer une grande dame du
monde culturel, qui s’est distinguée par sons sens remarquable des
relations publiques, son expérience culturelle politique, son dévouement
aux autres, mais également d’honorer une grande figure de la Résistance
qui a lutté pour la grandeur de la France.
Chère Simone Brunau, au nom du Président de la République et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous élevons à la dignité de
grand Officier dans l'Ordre National du Mérite.
Cher Alain Lanceron,
Découvrir des talents est un talent en soi ; la diffusion des oeuvres, elle, est
un engagement. Si vous êtes considéré comme l’un des producteurs les
plus influents de votre génération dans le monde de la musique classique,
c’est que vous avez su combiner ces deux traits qui vous sont
caractéristiques.
Vous avez été marqué, pendant vos jeunes années, par ces lieux
mythiques de la musique à Nice, votre ville natale : de la petite salle de
l’Artistique, où avaient lieux les concerts dominicaux, jusqu’au Palais de la
Méditerranée où les concerts d’instrumentistes vous font découvrir de
grands artistes comme Wilhelm Kempff ou José Iturbi. Mais c’est la
découverte des oeuvres lyriques qui vous laisse le souvenir le plus vivace,
fasciné par d’admirables chefs-d’oeuvre, séduit par de remarquables
distributions.
Ces découvertes esthétiques seront pour vous décisives et vous décidez
alors de consacrer votre vie à la musique. Diplômé de l'Ecole Supérieure
de Commerce de Paris et licencié ès Sciences économiques, vous décidez
de mettre votre carrière professionnelle au service de votre passion pour la
musique. Vous vous lancez ainsi dans la critique musicale dans différents
journaux et magazines de renom, tels que Valeurs Actuelles, Scherzo,
Lyrica ou l’Avant-Scène Opéra, décrivant avec sensibilité les gestes de ces
artistes, analysant avec pertinence des oeuvres nouvelles, plongeant
toujours dans l’écriture de votre passion avec la même délectation.
Lorsque vous entrez, en 1972, chez Pathé Marconi-EMI, vous faites
preuve d’une détermination et d’une sensibilité qui vous font connaître une
ascension impressionnante. Vous êtes nommé responsable des Projets
Spéciaux, puis Directeur du département classique. En juin 1996, vous
prenez, parallèlement à vos activités pour EMI MUSIC FRANCE, la
présidence mondiale de VIRGIN CLASSICS, puis devenez, un peu plus
tard, Vice Président Artistes et Répertoire pour le label EMI CLASSICS.
Vous avez, pour le label, un projet, une ambition, une vision, que vous
portez avec une constance sans faille, et vous créez pas à pas ce qui fera
son identité, parvenant à faire de Virgin Classics le seul label classique
d’une multinationale basé à Paris.
Au cours de votre carrière, vous réalisez près de 600 enregistrements avec
les plus grands artistes classiques contemporains. Tous ces artistes que
vous admiriez auparavant vous sont désormais devenus familiers : Yehudi
Menuhin, Mstislav Rostropovitch, Nicolai Gedda, Elisabeth Schwarzkopf,
Victoria de los Angeles… et beaucoup d’autres. Aujourd’hui, des talents
aussi exceptionnels que Nathalie Dessay, Philippe Jaroussky, Mady
Mesplé, Jane Rhodes, Emmanuelle Haïm savent bien ce qu’ils vous
doivent.
Le travail d’éditeur, c’est aussi, pour vous, s’intéresser aux trésors laissés
par les générations d’artistes du passé. Vous participez ainsi à la
redécouverte du patrimoine français avec de nombreux enregistrements en
première mondiale (près de 100). Vous lancez également plusieurs séries
de rééditions qui ont fait date sur le marché français (Références, Les
Introuvables, La voix de son Maître, Rouge et Noir, etc.), assurant ainsi la
pérennité des grands enregistrements du passé.
Soucieux d’ouvrir les horizons d’auditeurs toujours plus friands de
nouveauté, vous faites découvrir de nombreuses oeuvres contemporaines
au grand public, développant et produisant les enregistrements de grands
compositeurs actuels : Thomas Adès, qui est un peu le nouveau Britten,
est un artiste exclusif EMI Classics ; le compositeur chinois Qigang Chen,
ancien élève d’Olivier Messiaen, a enregistré plusieurs disques pour Virgin
Classics.
Votre travail et votre talent ont été maintes fois distingués, et l’on fait appel
à vous pour prendre la présidence de multiple institutions, depuis le Centre
National d'Insertion Professionnelle d'Artistes Lyriques jusqu’aux Victoires
de la Musique Classique. Mais l’une de vos plus grandes consécrations a
lieu dans votre ville natale, à Nice, lorsque, le 31 octobre 2008, à
l'occasion des journées « C'est pas classique », vous avez été fait citoyen
d’honneur de la Ville de Nice.
En témoignage de reconnaissance pour votre contribution au rayonnement
de la musique classique et contemporaine en France et à l'étranger, cher
Alain Lanceron, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion
d'honneur.
Cher Thierry COUDERT,
Je suis heureux de vous accueillir ici pour rendre hommage à
l’engagement constant de l’homme politique et du haut fonctionnaire que
vous êtes au service du monde de la culture et plus particulièrement des
musées de France.
Diplômé de l'Institut d'études politiques et ancien élève de l'ENA, vous
débutez votre prestigieuse carrière en qualité de directeur de cabinet du
préfet du Haut-Rhin qui vous conduira par la suite à occuper de nombreux
postes dans le corps préfectoral. Vous assumez également de hautes
fonctions dans plusieurs cabinets ministériels : au ministère de l'Industrie,
où vous avez conseillé Alain Madelin, puis au Secrétariat d'Etat aux
Affaires sociales et à l'Intégration, où vous avez dirigé le Cabinet de Kofi
Yamgane. Vous avez également travaillé auprès de Nicolas Sarkozy, au
ministère de l'Intérieur, puis dirigé le cabinet de Brice Hortefeux,
successivement aux Collectivités territoriales et à l'Immigration. Votre goût
des affaires publiques et de la politique prend forme également dans vos
nombreux ouvrages politiques, telles que La République féodale.
Vous êtes, depuis 2008, directeur général de l'Etablissement de
Préparation et de Réponses aux Urgences Sanitaires (EPRUS). Votre
implication et votre travail ont contribué à la formation de plusieurs unités
sur le terrain avec la création de deux réserves d’intervention. Ces
réservistes, qui peuvent aussi être appelés sur le théâtre d’actes
terroristes, de catastrophes naturelles ou technologiques, ont déjà
participé, au titre de l’aide humanitaire de la France, à plusieurs actions
menées à Gaza, en Haïti ou au Chili.
Fin connaisseur des institutions politiques et des pratiques administratives
françaises, vous vous êtes lancé dans la bataille électorale lors des
dernières élections municipales à Paris. Elu du XVIIe arrondissement au
Conseil de Paris, vous y avez créé le courant « Pari Paris » pour défendre
notamment, parmi de nombreux autres sujets – car je sais que vous
débordez d'idées à mettre en oeuvre dans la capitale – la place de la
culture, qui devrait être, selon vous, la finalité de toute action politique.
Féru d’histoire, de littérature et de musique classique, vous mettez toute
votre énergie au service de l’art, notamment par vos actions déterminées
au sein de nombreux Conseils d'Administration, comme ceux du Théâtre
du Châtelet, de la Maison européenne de la Photographie, du 104 ou
encore de la Cité internationale des Arts.
Vous présidez, depuis 2008, le conseil d'administration du Musée national
Jean-Jacques Henner et vous avez accompagné brillamment sa
restructuration, malgré la complexité de sa réalisation et le degré de
technicité qu’elle exigeait. Relais essentiel entre la mairie du XVIIe et les
équipes du musée, vous avez suivi avec enthousiasme, notamment en
termes de communication, cette réouverture, période cruciale pour
l'établissement. Afin de mieux faire connaître le musée, vous avez su créer
autour de lui un véritable réseau basé sur l'amitié.
Vous avez également, cher Thierry Coudert, l’ambition de faire revivre le
quartier de la Plaine Monceau, pour qu'il retrouve l'effervescence de
l'époque où il était le vivier d'artistes, de peintres, d'écrivains. Les plus
grands musiciens du temps de Fauré, Proust, Debussy, Ravel, en furent
les idoles incontestées, dans son hôtel du 100 boulevard Malesherbes. Je
me réjouis d’ailleurs particulièrement de l'avancement du projet de
restauration de l’ancien jardin d’hiver au coeur de ce bel hôtel particulier,
inscrit au Plan Musées. Je sais combien vous êtes attentif à ce projet de
création d'un véritable espace de lectures et de rencontres, lieu où se
concrétiseront vos très nombreux projets pour la culture, notamment des
concerts en lien avec le Conservatoire national et des lectures d'auteurs du
XIXe siècle.
Récemment, le « Café Society Show » a fait l’objet d’une très belle
exposition Zoom sur la « Café Society », moment unique pour imaginer ce
que la Jet-Set de l'entre-deux guerres pouvait vivre tous les soirs. Cette
exposition présentait une sélection de photos tirées de votre magnifique
ouvrage – que j’ai moi-même beaucoup apprécié -, consacré à ce
phénomène apparu au début du XXe siècle qui résulte de la rencontre
entre aristocrates avant-gardistes.
Cher Thierry Coudert, vous ne m'en voudrez pas si le temps me manque
pour évoquer le foisonnement de vos talents et activités.
Pour votre sens élevé du service public qui vous a déjà valu d'être fait
Chevalier de la Légion d'Honneur, pour votre contribution essentielle au
rayonnement de nos institutions culturelles, Cher Thierry Coudert, au nom
de la République française, nous vous faisons officier dans l'ordre des Arts
et des Lettres.
Cher Gérald Brice Viret,
C'est un très grand plaisir, pour moi, de pouvoir honorer, aujourd'hui, une
personnalité du monde des médias audiovisuels qui a su se démarquer par
son engagement exemplaire et la richesse de son parcours.
Après vos études à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, vous
commencez, très jeune, votre carrière dans les médias locaux, travaillant à
développer des chaînes parfois très effacées. D’abord animateur à Radio
France Isère, vous rejoignez très vite le domaine de la télévision locale,
dont vous allez être l’un des pionniers. Directeur de l’antenne et des
programmes au sein de la chaîne 8 Mont Blanc, vous réussissez à en
étendre la diffusion au département de la Savoie, à l'occasion des jeux
olympiques d'Albertville. C'est aussi à 8 Mont Blanc que vous allez faire
une rencontre décisive, celle de Françoise Marchetti qui, depuis, partage
votre vie professionnelle.
Après cette première expérience dans la télévision locale, vous rejoignez
TLM (Télé Lyon Métropole) comme directeur de l'antenne et vous
contribuez à découvrir les talents de jeunes journalistes prometteurs, parmi
lesquels Frédéric Lopez. Vous réussissez, surtout, à développer avec brio
les chaînes de télévision les plus discrètes, en véritable magicien de
l’audiovisuel. Directeur de l'antenne d'Antilles Télévision, vous en faites
très vite une chaîne leader de la région, à même de rivaliser avec les
télévisions satellitaires américaines. Votre participation à la création de la
chaîne Voyage sera, elle aussi, très fructueuse, puisque, grâce à votre
programmation, elle deviendra l'une des chaînes documentaires les plus
appréciées sur le câble et le satellite dans toute l'Europe francophone.
En 2002, c’est un nouveau temps pour votre carrière : vous devenez
directeur général adjoint de Télévision Monte-Carlo : vous conduisez avec
succès la candidature de TMC auprès du CSA pour obtenir une fréquence
en télévision numérique terrestre. Très vite, grâce à votre extraordinaire
dynamisme, TMC arrive au premier plan de l'audience sur chacun de ses
différents vecteurs de diffusion. Vous participez également à de grands
événements, réalisant, à l’occasion des 50 ans de la chaîne, un challenge
de 50 heures continues en direct ou couvrant en temps réel l'avènement
du prince Albert II. Parallèlement, votre attachement personnel pour le
Maroc et sa culture vont vous amener à assurer, pendant trois années, le
rôle de conseiller du directeur général de la chaîne leader marocaine 2M.
En 2006, le président fondateur de NRJ vous propose la direction de la
chaîne généraliste NRJ12, qui, avec plus de 36 millions de téléspectateurs
réguliers, se place, sous votre direction, dans le groupe de tête de la
télévision numérique terrestre. Curieux et ouvert, vous ne cessez de
multiplier les initiatives, qui connaissent toutes le même succès : vous
créez la chaîne NRJ Paris en TNT régionale qui offre à l’Ile-de-France une
télévision de grande qualité et largement leader sur la région capitale, mais
également la chaîne NRJ HITS, devenue depuis la première chaîne
musicale de France.
En tant que Président du groupement TNT vos nombreuses actions
d'information, de conseil et de promotion ont permis d'assurer le succès de
la télévision numérique terrestre en France. Depuis 2 ans, le CNC fait
également appel à votre expertise de la production française dans le cadre
des travaux de la Commission du Compte de soutien à l'industrie de
programmes.
Cher Gérald-Brice Viret, pour la densité de votre parcours dans le monde
de la télévision, et pour votre action en faveur de la modernisation de nos
médias de masse et d’enrichissement de leurs contenus, au nom de la
République française, nous vous faisons Chevalier dans l'ordre des Arts et
des Lettres.
Monsieur le Professeur, cher Robert Kopp,
C’est un véritable plaisir d’honorer ce soir l’un des plus grands spécialistes
de littérature française et d’histoire des idées, cette histoire un temps
décimée, mais dont le grand intellectuel italien Benedetto Croce disait
qu’elle était « un chemin de liberté ». Chercheur reconnu, professeur
admiré, auteur prolifique, vous avez contribué, avec passion et générosité,
au rayonnement de la littérature française dans notre pays et à l’étranger.
Vous êtes, Monsieur, professeur de littérature française moderne à
l’Université de Bâle, la première université fondée en Suisse et l’une des
plus prestigieuses d’Europe. Les noms d’Erasme, de Nietzsche ou de
Jacob Burckhardt, qui y enseignèrent, l’illustrent pleinement. Mais vous
avez également enseigné dans de nombreuses autres grandes universités,
telles que la Sorbonne ou l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (IVe
section). Vos talents vous valent également le titre de membre
correspondant de l’Académie des Sciences morales et politiques.
En tant que spécialiste de l’histoire de la littérature et des idées aux XVIIIe,
XIXe et XXe siècles, vous êtes l’auteur d’études de référence sur le
Romantisme, le Surréalisme, sur des auteurs aussi prestigieux que
Rousseau, dont nous célébrerons le 300e anniversaire de la naissance en
2012, Balzac, les frères Goncourt, mais aussi Yves Bonnefoy ou Pierre
Jean Jouve, qui fut votre ami. On se souvient du magnifique Cahier de
l’Herne que vous avez, aux côtés de Dominique de Roux, consacré à ce
grand poète. Vos études sur Baudelaire, dont vous êtes sans conteste l’un
des meilleurs spécialistes, et dont vous avez donné une édition définitive
des Petits poèmes en prose, sont des jalons essentiels dans l’histoire et la
critique littéraire de notre temps.
Vous êtes également un grand passionné d’art, vous étendez vos
recherches aux relations qu’entretient la littérature avec les autres arts,
avec la peinture, avec la sculpture, avec la musique, dans une approche
universelle des humanités qui fait de vous un « honnête homme » du XXIe
siècle dans une visée culturelle globale, en correspondance avec
l’ambition universaliste de la culture française. C’est à ce titre que vous
avez été lauréat en 1988 du prestigieux Prix du rayonnement de la langue
et de la littérature françaises, décerné par l’Académie française. Je connais
également votre rôle dans les entretiens de la Fondation des Treilles, en
Provence, aux côtés d’une des « figures » de cette maison, la Présidente
du Comité d’histoire, Maryvonne de Saint-Pulgent.
Vos activités dans le domaine éditorial sont considérables: vous êtes
membre du comité de rédaction des Travaux de littérature (chez Droz) et
de la Revue des Deux Mondes, vous êtes également éditeur de la
collection Bouquins (chez Robert Laffont), qui vient de fêter ses 30 ans et
qui est une ressource inépuisable en matière d’auteurs peu édités et de
dictionnaires qui, pour être savants, n’en sont pas moins maniables. Vos
travaux dans ce domaine touchent aussi bien l’édition proprement dite des
oeuvres – je ne mentionnerai ici que l’édition critique commentée des Petits
poèmes en prose de Baudelaire, qui depuis 1969 a servi de base de travail
à tant de générations d’étudiants – que des études de critique littéraire, ou
récemment la conception de l’album André Breton pour la Bibliothèque de
la Pléiade (en 2008).
Mais à côté de cette activité intellectuelle marquée au coin de l’excellence,
qui justifierait à elle seule que vous soyez remercié et distingué, vous avez
fondé en 2002, dans votre chère université de Bâle, l’Institut d’études
françaises et francophones, dont l’objet est de promouvoir les études
françaises dans toutes les disciplines. Littérature évidemment, linguistique,
études romandes et francophones, là encore la visée universelle de votre
institut porte la marque de votre formation, de votre culture, de votre
ouverture européenne également.
Je voudrais profiter de l’heureuse occasion qui nous réunit aujourd’hui pour
faire l’éloge de ce réseau mondial d’instituts et de départements
universitaires qui se consacrent à l’étude et à la connaissance de la langue
et la culture françaises. Ils sont partout le signe d’excellence du
rayonnement de notre littérature et de nos arts, ils sont les foyers de
recherches qui font exister notre langue et notre culture sur tous les
continents, qui la rendent tout à la fois française et universelle. C’est grâce
à des personnalités comme la vôtre, cher Robert Kopp, que la
conversation pluriséculaire de la France et du monde se poursuit : dans
l’attention que vous portez aux grands créateurs, à travers l’étude
rigoureuse de leur oeuvre. Vous êtes un de ces passeurs et de ces
éveilleurs qui font honneur à l’Université et à la République des lettres.
Pour vos mérites intellectuels et pour vos qualités humaines comme pour
votre oeuvre fondatrice, Cher Robert Kopp, au nom de la République
française, nous vous faisons chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.