Monsieur le Ministre, cher Jacques TOUBON,Cher Patrick ZELNIK,Cher Guillaume CERUTTI,Mesdames, Messieurs,Chers amis,

Je voulais d’abord vous remercier pour ce rapport à la fois approfondi, synthétique et très clair. Vous me le remettez quatre mois à peine après le lancement de la mission « Création et Internet » que je vous avais confiée, et je mesure la gageure que cela représente. J’ai eu un peu de temps pour le parcourir et je dois dire qu’il répond parfaitement, et même au-delà, à la commande qui était la mienne et celle du gouvernement.
Pour mener à bien cette tâche, vous avez consenti un travail que je n’ai pas peur de dire acharné au vu de la richesse et de la diversité des acteurs que vous avez auditionnés – plusieurs centaines, Français et étrangers, issus de tous les secteurs concernés par cette révolution numérique dont j’ai fait l’une des priorités de mon action à la tête du ministère de la Culture et de la Communication. Cette priorité, comme vous le savez, a été reconnue par le Président de la République et le gouvernement qui ont décidé de consacrer une part non négligeable du Grand Emprunt – pas moins de 750 millions d’euros – à la numérisation de nos contenus culturels, un préalable indispensable à leur diffusion sur la Toile.
Vous connaissez le contexte dans lequel j’ai décidé de vous confier cette mission. C’est, à une vaste échelle, celui du bouleversement de nos pratiques culturelles qu’a provoqué le développement exponentiel d’Internet. Et c’est pour cela, je le répète, que je suis particulièrement sensible à votre approche panoramique et anticipatrice qui inclut non seulement la musique, mais aussi le cinéma, l’audiovisuel, et le livre. Vous savez qu’Internet transforme radicalement notre rapport à la culture – comme l’a rappelé récemment l’enquête décennale du Ministère sur Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique – et que la multiplication des supports entraîne une pluralité de pratiques : je pense au livre numérique dont l’essor est prévisible, à la diffusion d’œuvres cinématographiques par la vidéo à la demande, la télévision de rattrapage ou encore la télévision par Internet (IP TV), à tous les instruments qui permettent une amélioration de l’accès aux biens culturels aussi bien dans le confort du chez-soi que dans les mobilités multiples du monde contemporain.
Le contexte de cette mission, c’était aussi celui du vote récent de la deuxième loi HADOPI et de la nécessité évidente de proposer une offre légale attractive sur Internet et de répondre à l’exigence du financement des industries culturelles, notamment les moins favorisées, afin de ne pas s’en tenir aux deux aspect à la fois de pédagogie et de sanctions graduées et raisonnables nécessaires à la crédibilité d’une bonne pédagogie. Vous savez que l’application de cette loi suit son cours et que je vais installer dès vendredi prochain 8 janvier le Collège et la Commission de protection des droits de cette fameuse Haute autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet.
J’ai demandé en septembre dernier que toutes les pistes soient explorées afin de construire un dispositif qui propose une alternative valable au dilemme un peu sévère qui était en train de se constituer en l’absence d’une régulation réfléchie de la part des pouvoirs publics. D’un côté, l’achat des biens culturels sur Internet était souvent perçu comme complexe, voire prohibitif. De l’autre, nous avions les tenants utopiques, mais dangereux d’une gratuité factice qui portait en elle le risque d’une régression, voire d’une paupérisation pour les auteurs et les diffuseurs.
Votre rapport, fondé sur l’écoute de tous, me semble offrir des issues possibles à ce dilemme que l’on nous présentait comme insoluble et, pour tout dire, des propositions séduisantes.
Il y en pas moins de vingt-deux en tout, mais il est trop tôt, bien entendu, pour arrêter la liste de celles dont le ministère et le gouvernement souhaiteront suivre l’inspiration. Mes services se mettent à l’étude de ce précieux document. Et le Président de la République qui a également reçu le rapport en dira un mot, à l’occasion des vœux qu’il présentera demain au monde de la culture, à la Cité de la Musique.
Nous étudions avec toute l’attention et tout l’intérêt qu’ils méritent vos idées véritablement fidèles à la mission que je vous avais confiée, non seulement par leur inventivité mais aussi, je dois dire, par leur pragmatisme – un équilibre pourtant difficile à tenir et vous y avez réussi avec brio. Bien sûr, certaines des solutions que vous préconisez ne manqueront pas de susciter des réactions et des interrogations de la part de certains acteurs, mais je crois qu’elles ont toutes été conçues dans le respect des intérêts de chacun mais surtout dans l’intérêt de tous.
Vous avez abordé les questions qui touchent la musique, avec la proposition d’aider les jeunes internautes dans leurs achats, ou encore une éventuelle réforme de la gestion des droits musicaux.
Vous n’avez pas négligé le domaine du livre – qui est aussi au centre d’une problématique connexe, celle de nos rapport avec Google, et je rappelle que la commission présidée par Marc TESSIER (que vous avez d’ailleurs interrogé) me remettra son rapport très prochainement. Ce sera un autre moment clef, en ce riche début d’année, d’une réponse construite et globale aux défis de la révolution numérique. Vous avez ainsi réfléchi aux conditions d’application du « Prix unique du Livre », ce formidable outil de régulation créé par la loi LANG. Vous avez envisagé la création d’une plateforme unique, ou encore à des réformes fiscales bien ciblées. Je vous rappelle, à cet égard, que je me suis battu et je continue à me battre pour une TVA à taux réduit sur l’ensemble des biens culturels.
Vous avez affronté les enjeux du cinéma et de l’audiovisuel en méditant sur la chronologie des médias, en cherchant à donner sa chance à la vidéo à la demande. Votre exigence a bien été de tout faire pour que l’offre soit la plus large, la plus diverse, la plus riche et surtout la plus accessible possible à tous, dans des conditions respectant pleinement la rémunération de tous les acteurs de la chaîne de valeur.
Vous avez imaginé des modes de financements capables d’éviter d’accentuer le recours aux finances publiques… car ce n’est pas le moindre de vos mérites, vous avez tenu, dans cette période difficile pour le budget de l’Etat, à un schéma de financement équilibré, les nouvelles recettes fiscales venant compenser les débours budgétaires.
Toutes ces mesures, que je cite en vrac pour donner la mesure de votre inventivité, ne constituent pas, je le répète, une quelconque sélection anticipée, et seront, comme toutes les autres que contient ce riche rapport, examinées dans les jours qui viennent avec une très grande précision et je dirais même une grande acribie.
Je voulais à nouveau vous remercier, vous trois ainsi que ceux qui ont directement contribué à votre mission, vos rapporteurs Nicolas Colin et Constance Rivière, et les services de la Direction du développement des médias, et vous féliciter pour ce travail exemplaire et présenté d’une manière à la fois succincte et détaillée, rapidement utilisable pour les pouvoirs publics.
Je vous laisse maintenant la parole pour une présentation de vos conclusions – je dis bien « présentation » et non pas « slide », car je crois que ce serait un peu malvenu, en particulier devant vous, mon cher Jacques TOUBON…
Je vous remercie.