par Eric Lengereau, éd. Picard, 2001, 559 p.

À l'échelle nationale comme au niveau local, la question urbaine est devenue une des données incontournables de l'action politique. L'actualité le démontre au quotidien : il nous faut assumer l'héritage de cette seconde moitié du XXe siècle qui est venue transformer l'environnement de chaque citoyen avec une rare violence. La ville, la grande ville, a laissé l'agglomération permanente des formes contruites se développer sans que l'architecture ait été pensée à sa juste mesure. Il est donc légitime de s'interroger sur ce qu'est véritablement le devoir de la puissance publique à l'égard de la qualité architecturale de la ville contemporaine. Mais, existe-t-il, en France, une politique publique de l'architecture ? Cette question fondamentale, qui commande le cadre de vie de tous les jours, est-elle réellement appréhendée par la haute administration de l'État ? Ou bien doit-on considérer que « l'impuissance publique » est sur le sujet aussi vaste que la « marée urbaine » qui envahit notre environnement depuis un demi-siècle.

C'est pour répondre à ces questions que le livre d'Éric Lengereau nous invite à parcourir, de 1958 à 1981, ce qu'il appelle « le sombre labyrinthe des administrations de l'État ». Au cours des vingt-cinq premières années de la ve République, en effet, se façonne une autre conscience collective du cadre de vie, se réveille une autre vision politique de l'aménagement de l'espace et se dessine, petit à petit, le passage qui permet aux pouvoirs publics d'écarter une logique quantitative pour épouser une logique qualitative.

Par une construction historique aux sources inédites, l'auteur nous fait entrer dans ce monde invisible et mystérieux où s'affrontent les pouvoirs de l'aménagement de l'espace qui produisent tout à la fois l'architecture et la non-architecture du cadre bâti des villes et des campagnes. La fresque historique et l'analyse critique nous sont ici livrées sans concession ni ornement. Elles donnent la parole à ces conseillers des présidents et des premiers ministres, à ces hauts fonctionnaires et à ces éminences grises à qui l'on doit, en grande partie, la qualité ou la médiocrité de l'architecture qui nous entoure au quotidien.

La réflexion qui nous est proposée avec l'ouvrage d'Éric Lengereau, nous fait devoir de reconduire que l'État possède, en matière d'architecture comme ailleurs, les clefs de ce mystère qui régit l'environnement construit auquel le citoyen est de plus en plus attaché. Cette histoire récente des relations entre l'État et l'architecture relève d'une demande sociale et il apparaît souhaitable, et d'intérêt public, que la période suivante, 1981-1995, soit étudiée sans retard.

Augustin Girard
Président du Comité d'histoire
(1993-2007)