Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de laCommunication, prononcé à l'occasion de la cérémonie de remisedes insignes de Commandeur dans l'ordre de la Légion d'honneur àMarie-Louise Carven-Grog, d'Officier dans l'ordre de la Légiond'honneur à Paco Rabanne et de Chevalier dans l'ordre de la Légiond'honneur à Claude Brouet.

Chère Marie-Louise Carven,
« Il n ’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue » disait Coco
Chanel. Vous êtes parvenue, chère Marie-Louise Carven, non seulement à
ce que la mode descende dans la rue, mais également à ce que la mode
française s’épanouisse et rayonne dans le monde entier. Modéliste
inspirée, créatrice de talent, amatrice d’art, vous n’avez cessé de
témoigner votre passion pour la création et la culture.
Vos dons se manifestent dès votre adolescence : votre créativité
foisonnante vous amène à créer des vêtements avec des bouts de tissus
récupérés. Passionnée par la mode, vous décidez d’y consacrer votre vie.
Vous menez brillamment des études à l’Ecole des Beaux-Arts et complétez
votre formation auprès de votre beau-frère, l’architecte Robert Mallet-
Stevens.
Votre carrière commence avec cette audace et cette inventivité dont vous
savez si bien faire preuve. En 1945, encouragée par vos amies, vous
ouvrez votre propre Maison de couture. En inventant votre marque,
« Carven », vous créez une mode à votre image – jeune, séduisante,
fraîche - expression parfaite de la femme moderne, fondée sur votre
perception fine de l’époque. Votre démarche est absolument novatrice :
tranchant avec la couture de haut style, vos créations sont réalistes et
adaptées à la vie quotidienne, redéfinissant les frontières de la mode. Dès
1945, l’utilisation de la célèbre rayure verte et blanche, emblème de la
griffe Carven, ainsi que le Vichy rose, apportent une goutte rafraîchissante
à cet univers.
Soucieuse d’inscrire la mode dans la réalité, vous allez, contrairement à la
plupart des couturiers, consacrer vos créations aux femmes de petite taille.
Redonnant de l’importance aux proportions, jouant avec la coupe de vos
vêtements, vous allongez les silhouettes, mettez en valeur les décolletés.
Associant la mode et la vie, vous réalisez des modèles pour la pratique du
sport dans chacune de vos collections. Vous alliez avec brio l’idéalisme au
pragmatisme, la beauté à l’utilité, imaginant, avant chaque création, la
personne, le contexte, le moment qui y seront attachés. Vous lancez en
1950 Le Balconnet, décolleté malicieux, dont l’immense succès ne s’est
jamais démenti.
Vous êtes également novatrice dans l’art de communiquer. Ainsi, en 1954,
à l’occasion du 10e anniversaire de la Libération de Paris, vous faites
lâcher dans Paris des centaines d’échantillons du parfum Ma Griffe,
attachés à de petits parachutes verts et blancs, poésie quotidienne qui
enchante les Parisiens, manifestation de ce charme élégant qui vous
distingue.
Votre ouverture et votre curiosité vous font découvrir de nouveaux
horizons : vous êtes la première couturière à voyager dans le monde entier
avec vos mannequins. Vos multiples voyages sont pour vous une source
inépuisable d’inspiration : vous êtes la première à utiliser des tissus
ethniques, des boubous africains aux batiks indonésiens, en passant par
les motifs aztèques. Vous revenez émerveillée et plus innovante que
jamais. En 1947, de retour d'Amérique du Sud, vous lancez « La Robe
Samba », imprégnée de soleil. Le Mexique vous inspire des coloris
éclatants pour votre collection de 1951, adoptée par toutes les stars
parisiennes. Marquant la mode du monde entier, vous avez pour clientes
des impératrices, des reines, des princesses, des artistes comme Edith
Piaf, Michèle Morgan, Micheline Presle, Martine Carol, ou encore Leslie
Caron...Vous incarnez à merveilleuse l’optimisme rayonnant des années
50, ces roaring fifties qui sont aussi l’heure de gloire d’un certain cinéma.
Passionnée de voyages, vous vous intéressez aux uniformes des hôtesses
de l'air, que vous souhaitez embellir. Vous parvenez, avec finesse, à allier
au fonctionnel une élégance délicate et distinguée. Votre département
« Carven Uniformes », créé en 1965, se hisse rapidement, devant l'afflux
des demandes des compagnies aériennes, à la première place sur le
marché des uniformes de création. Et vous dessinez les uniformes d'une
quinzaine de compagnies aériennes, dont Air India et Air France. Vous
concevez et réalisez également des tenues portées par les athlètes
français aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976. La maison Carven,
c’est un peu le « lieu de mémoire » de la mode française. Votre trajectoire,
c’est aussi celle d’une Française au destin américain.
Mais c’est votre amour de l’art et votre philanthropie qui vous distinguent.
Passionnée d'oeuvres d'art, vous avez effectué, en 1973, avec votre
second époux, le grand collectionneur René Grog, la plus grande donation
dont le Musée du Louvre ait jamais bénéficié. Remarquable collection de
mobiliers et d'objets d'art du 18ème siècle, elle est composée de 70
oeuvres majeures, et notamment une commode de l'ancienne collection du
baron Albert de Goldschmidt-Rothschild à Francfort, sans équivalent dans
les collections nationales, ou encore les 3 meubles de l'ébéniste Joseph
Baumhauer. Cette collection compte également des tapisseries
remarquables et des peintures, dont le chef-d'oeuvre La Vierge en majesté
du Maître au feuillage en broderie. C’est ainsi en votre honneur, et pour
vous remercier de ce geste exceptionnel que vous faites à l’égard de notre
patrimoine, que le Musée du Louvre a inauguré en 1997 la salle Grog-
Carven dans le département des objets d'art. C’est également avec ce
même souci de la transmission que vous avez fait don d'une collection
unique de porcelaines de Chine au Musée Guimet.
Votre regard se pose également sur l’avenir. Ainsi en 2000, vous créez, en
mémoire de René Grog, l’Association Grog-Carven, qui s’emploie à
découvrir de jeunes talents dans les domaines de l'histoire de l'art et de la
mode. La Bourse « Arts » Grog-Carven a pour but d'aider les futurs
professionnels dans ces domaines. Consciente du fait que le futur se
construit aussi au miroir du passé, vous faites don au Musée Galliera,
musée de mode de la Ville de Paris, de l'intégralité des archives de votre
maison de couture, soit plus de 80 tenues.
Votre créativité et votre engagement ont déjà été maintes fois
récompensés. La Légion d’honneur (Officier), l’Ordre national du mérite
(Commandeur) et la médaille d’or de grand donateur du Musée du Louvre
ont rendu hommage à votre dévouement envers la culture française et à
votre contribution au rayonnement de la France dans le monde. Le Musée
Galliera organise pour votre jubilé une rétrospective Un demi-siècle
d'élégance, puis, à partir de votre donation, une exposition intitulée
Madame Carven, grand couturier, où tout le monde, et notamment les
personnalités du monde de la haute couture, vous honorent. Et c’est avec
plaisir que je souhaite également évoquer cet hommage - auquel j’ai
assisté - de la Fédération française de la couture qui a eu lieu, à l'occasion
de vos 100 ans, dans les jardins du musée Galliera.
Véritable incarnation de la mode française et internationale, vous avez
imposé le style Carven partout dans le monde, ce style unique alliant
fraîcheur, jeunesse et liberté. Eternelle jeune fille, vous vous êtes
consacrée avec bonheur et passion à la création, dans l'unique but
d'embellir la femme, vous êtes parvenue à conjuguer la mode avec le
verbe paraître mais aussi avec l’auxiliaire être.
Chère Marie-Louise Carven, au nom du Président de la République et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons commandeur
de la Légion d’honneur.
Cher Paco Rabanne,
Créateur de génie, inventeur futuriste, démiurge audacieux, vous êtes,
comme on vous appelle, le « Jules Verne de la couture ». Depuis 40 ans,
vous osez, intriguez, fascinez le monde entier. Visionnaire au parcours
atypique, convoquant la grâce et le mystère, vous avez marqué tous les
esprits, influé sur toutes les tendances, révolutionné, en un mot, la mode
d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Très jeune, vous êtes marqué par l’Histoire douloureuse des pays
européens. En 1938, fils d’un père républicain fusillé par les troupes
franquistes, vous avez 4 ans quand votre famille arrive en France pour fuir
le régime militaire.
En 1952, vous intégrez brillamment l'Ecole Nationale des Beaux-Arts dans
l'idée de devenir architecte. C'est là que vous développez, avec un talent
déjà remarqué, votre goût prononcé pour les volumes et la lumière, votre
recherche incessante de matériaux inédits. Assoiffé de connaissances,
vous vous imprégnez des idées de votre temps et attisez votre curiosité
au contact des maîtres. Vos dons d'artiste plasticien sont très vite
reconnus et vous êtes lauréat, en 1963, de la Biennale de Paris avec une
sculpture habitable pour jardin, exposée au Musée d'Art Moderne.
Votre désir d’apprendre est inaltérable et vous avez acquis une culture
immense, qui vous permet de vous détacher, petit à petit, de toutes ces
influences qui vous ont enrichi. Pour financer vos études, vous réalisez des
dessins de bijoux et des accessoires pour des couturiers prestigieux
comme Courrèges, Balenciaga ou Dior. Dès 1959, le Woman's Wear Daily
publie une série de sept robes aux lignes géométriques très épurées,
inspirée d'un autre basque célèbre, Cristobal Balenciaga, dont votre mère
fut première d'atelier. Vos créations séduisent les grands couturiers tels
que Maggy Rouff, Pierre Cardin, Givenchy... Vos dons vous font ainsi très
vite pénétrer le cercle très fermé de la Haute-Couture.
Soucieux du détail, vous donnez aux accessoires une place de choix : ce
sont, pour vous, des oeuvres à part entière qui ne vont cesser de stimuler
votre créativité. Inspiré par le Pop Art, vous créez, en 1965, les Pacotilles,
ces accessoires conçus en rhodoïd, vous faisant ainsi l'écho du readymade
et de la pop culture. Ces accessoires bijoux, dont les boucles
d’oreilles connaîtront un succès sans précédent, et propulsent votre nom
sur la scène internationale. La signature « Paco Rabanne » apparaît : un
grand couturier est né.
Votre ascension et votre créativité ne connaîtront dès lors aucune limite.
Le 1er février 1966, votre Première Collection Manifeste est présentée à
l'hôtel George V, ce sera une révélation : « 12 robes Importables en
matériaux contemporains », agrémentées de sequins et plaques en
rhodoïd, vous placent en héritier des mouvements Dada et Panique. « Ce
sont des Robes-Manifestes, dites-vous, comme en littérature, il y a des
manifestes. C'est en poussant très loin certaines expériences qu'on arrive
à un bouleversement des esprits. ». Vous êtes parvenu à faire avec la
mode ce que les réalistes ont fait avec la littérature : la mettre en question,
la révolutionner. Votre audace ne cesse de briser les conventions : la
seconde collection sera présentée dans des lieux insolites (théâtre du
Vieux-Colombier, Crazy horse) et fera l'objet de performances comme celle
de la danseuse Bianca Li aux rituels inspirés des Maari.
Vous allez ainsi dynamiter peu à peu les traditions, tournant le dos aux
postures passéistes de la couture, émancipant le vêtement de la
civilisation, du tissu et du faux-semblant. Votre maîtrise technique est un
art, vos expérimentations une révolution. Adieu fil et aiguilles, bonjour
rivets métalliques et fantaisie. Tout commence par l’utilisation du plastique,
matériau populaire, mais c’est le métal qui devient très vite votre matériau
emblématique, ce qui vous vaudra de la part de Coco Chanel, le sobriquet
de « métallurgiste ». Avec ce matériau de l'inconfort, vous bouleversez le
concept de parure et inscrivez votre démarche de couturier dans celle de
l'architecte. Le vêtement, transfiguré par votre regard unique, devient
l’expression plastique de son temps.
Par vos dons, vous révélez la magie des objets. Pionnier dans l’art du
recyclage, explorateur des nouvelles technologies, vos clins d'oeil à
l'histoire de l'art sont nombreux et vous entrez en harmonie avec les
expérimentations des artistes que vous fréquentez. Vos vêtements se font
l'écho des Stabiles de Calder, des Vibrations et Pénétrables de Soto, des
compressions de César. Vous êtes l’un des premiers à avoir capté l'air du
temps comme une signature artistique, créant de nouvelles manières
d'être. Brisant les conventions, vous ouvrez la voie à une mode d'art et
d'essai indépendante et engagée, une mode qui rompt le tabou de
l'élégance, une mode qui préfigure le tournant conceptuel adopté par les
créateurs du XXIème siècle.
Grâce à votre talent, la mode devient un art qui dialogue avec les autres
domaines artistiques. Vos modèles sont acquis par les musées d'art
contemporain comme le Moma de New York, présentés dans les galeries
d’avant-garde... Vous créez, avec brio, des costumes de théâtre, comme
pour « Par-delà les marronniers » de Jean-Michel Ribes ou des modèles
pour le cinéma, tels que dans « Deux ou trois choses que je sais d’elle »
de Jean-Luc Godard. Avec vous, musique, cinéma et théâtre dialoguent
avec la mode. Les plus grands mannequins, telles que Dree Hemingway,
arrière-petite fille de l’écrivain, et les femmes les plus célèbres de l’époque
– Jane Fonda, Audrey Hepburn, Françoise Hardy – portent vos tenues qui
les consacrent comme amazones, sûres de leur séduction et libres de
préjugés.
Votre esprit créatif, parfois même prophétique, dépasse toutes les
frontières, toujours à la conquête de nouveaux horizons.
Artiste consacré, vous avez contribué à hisser la mode au rang des arts
majeurs et à faire rayonner la mode française dans le monde. Vous avez
marqué votre temps, tout en portant un regard assuré vers l’avenir.
Anticonformiste, audacieux et libre, vous avez « révolutionné » la mode,
traduisant la prophétie d’André Breton : « La beauté sera CONVULSIVE ou
ne sera pas ».
Cher Paco Rabane, nous vous conférons les insignes d’officier de la
Légion d’honneur.
Chère Claude Brouet,
« La mode est ce que l’on porte. Ce qui est démodé, c’est ce que portent
les autres ». [Oscar Wilde]. Et pourtant, vous avez montré pendant tout au
long de votre belle carrière que la mode ne se conjuguait pas toujours avec
le complexe de Narcisse. Vous êtes en effet ce que l’on appelle une figure
de la mode. Par votre regard, vous êtes celle qui révèle les nouvelles
tendances, celle qui découvre les nouveaux talents, celle qui, par sa
plume, construit les succès de demain.
La mode est pour vous une véritable vocation. A 3 ans, vous assistez à
votre premier défilé, éblouie par cet univers. Dès votre plus jeune âge,
vous baignez dans le monde de la mode : votre mère est directrice de la
couture chez Schiaparelli, puis chez Jacques Fath et Lanvin, et votre père
décorateur. Avec cet ardeur qui vous caractérise, vous décidez de prendre
des cours de dessin après votre baccalauréat, puis vous vous inscrivez à
l’Ecole du Louvre. Mais c’est le hasard qui vous conduit, en 1950, au lieu
d'entrer chez Jacques Fath, à travailler pour le magazine Vive la mode.
Vous apprenez ainsi les rudiments du métier de journaliste de mode,
étudiant avec finesse, analysant avec brio, parvenant à transcrire cet art
singulier où l’évanescent peut devenir intemporel.
En 1953, vous rejoignez le prestigieux magazine Elle fondé en 1945 par
Hélène Gordon-Lazareff. En tant que rédactrice, vous créez une rubrique
entièrement consacrée au prêt-à-porter, qui ouvre, selon vous, l’avenir.
Votre succès est fulgurant : vous êtes nommée directrice adjointe puis
directrice de la rubrique mode. Vous assistez avec bonheur, dans les
années 50-60, à ce renouveau, à cette « révolution du prêt-à-porter »,
véritable symbole du changement des mentalités. Vous exercez votre
métier de journaliste de mode avec l’enthousiasme qui vous caractérise.
Avec votre équipe, vous contribuez largement à découvrir et à soutenir les
jeunes créateurs et les nouvelles tendances.
En 1971, vous entrez au magazine Marie-Claire et devenez rédactrice en
chef de la « partie centrale » du journal, qui regroupe les secteurs de la
mode, de la beauté et de l'art culinaire. Avec finesse et intelligence, vous
dirigez une équipe de 12 personnes, et vous y trouvez un grand plaisir.
Vous allez alors révéler de jeunes créateurs de l'époque, qui sont
aujourd'hui des très grands noms de la mode. Votre modestie vous amène
souvent à taire leurs noms, et pourtant ils sont nombreux : Kenzo, Sonia
Rykiel, Jean-Paul Gaultier... Certains d'entre eux ont ouvert leur première
boutique après avoir montré leurs créations dans les pages « mode » de
Marie-Claire, sous votre plume si élégante et si précieuse.
Le journalisme revêt pour vous une dimension culturelle : il est un miroir du
monde, il est aussi un acteur du changement. Le magazine Marie-Claire,
dans ses pages « mode », a toujours eu à coeur d'aider les femmes à
trouver leur propre style. Avec vos collaborateurs, vous avez fait du
magazine le relais de grands sujets de société, et notamment ceux liés à
l'évolution du statut de la femme, en défendant avec force le point de vue
des féministes. Les qualités de ce mensuel, auxquelles vous avez si
amplement contribué, ont été récompensées en 1987 sur la scène de
l'Opéra Garnier: Marie-Claire reçoit l'Oscar du Meilleur magazine de mode.
La liberté rédactionnelle totale dont vous bénéficiez, à Elle ou à Marie-
Claire, vous permet d’être au coeur de cette « belle époque » de la mode et
de jouer un rôle essentiel dans les transformations sociales qui
l’accompagnent.
En janvier 1988, à la sortie d'un défilé Christian Lacroix, vous êtes
« kidnappée », comme vous le dites avec humour, par Jean-Louis Dumas,
le président d'Hermès, qui est conquis par vos dons. Vous n’avez pas
l’intention de changer de métier mais cette proposition donne un nouvel
élan à votre carrière professionnelle. Désireuse d'apprendre, vous quittez
Marie-Claire pour Hermès où vous devenez directrice artistique du prêt-àporter.
Vous y faites travailler avec talent des stylistes aussi talentueux et
divers que Tan Giudicelli, Thomas Maier, Marc Audibert, Myrène de
Prémonville, Mariot Chanet. Vous souhaitez donner un style « sport » à la
Maison Hermès et développer une gamme de vêtements en cuir. Curieuse,
observatrice, vous découvrez, en passant de l’autre côté du miroir, l’envers
du décor : la révélatrice que vous avez été devient une véritable actrice.
Modeste et discrète, vous avez du mal à accepter d'être mise en avant,
notamment lors des présentations des collections. Vous vivez alors avec
passion l’exaltation des défilés, ces 20 minutes qui représentent 6 mois de
travail, ces 20 minutes pendant lesquelles il faut plaire, ces 20 minutes qui
vous offrent la lumière des projecteurs après les longues heures passées
dans le secret de l’atelier.
Vous avez participé au rayonnement de cet art français dans le monde, cet
art qui façonne un paysage si singulier, un univers si particulier qui a très
peu de secrets pour vous. Par votre plume et par votre regard, vous avez
contribué à faire que la mode soit un instant fixé dans l’imaginaire, la
marque d’une époque autant que la figure d’un « temps retrouvé », celui
de la femme et de la féminité.
Chère Claude Brouet, au nom du Président de la République et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la
Légion d’honneur.