Messieurs les parlementaires,Monsieur le Président du Conseil général,Monsieur le maire de Fontainebleau et Conseiller régional, cher Frédéric Valletoux,Madame la représentante du Conseil régional,Monsieur le maire d’AvonMesdames et Messieurs les élus,Monsieur le Président du Château de Fontainebleau, cher Jean-François Hébert,Madame la Directrice générale de l’INHA, chère Antoinette Lenormand-Romain,Mesdames et Messieurs les Professeurs, Mesdames et Messieurs les conservateurs, Cher Pierre Rosenberg,Chers ami(e)s,

A mon initiative, une nouvelle manifestation culturelle voit le jour à Fontainebleau ce week-end. Permettez-moi de dire mon émotion, mon plaisir, mais aussi ma reconnaissance. Ce que j’avais imaginé lors de mon passage à la direction de l’Académie de France à Rome en 2009, ce que le « tour de France » des musées que j’ai entrepris depuis ma nomination rue de Valois m’a suggéré, ce qui semblait complémentaire et nécessaire à la suite de l’introduction de l’enseignement d’histoire des arts à tous les niveaux scolaires – de l’école au lycée - depuis 2008 a pris forme depuis hier. Dans le XXIe siècle du tout-images, dans ce déferlement incessant d’icônes, de messages visuels, d’avatars, n’était-il pas nécessaire d’offrir un lieu et un moment pour « apprendre à voir », pour accompagner l’indispensable éducation à l’image dans un siècle qui est d’ores et déjà celui des écrans.

En octobre 1972, il y a près de 40 ans, André Chastel organisait ici même, au château de Fontainebleau, un colloque qui traduisait son attachement à l’art de la Renaissance française et italienne. André Chastel, vous le savez, s’est distingué par ses combats multiples en faveur de cette discipline, aussi bien pour son enseignement à l’école, que pour sa reconnaissance institutionnelle. Je pense notamment à L’Inventaire général et à l’introduction de l’histoire de l’art à la Villa Médicis. Il a également marqué son époque par ses prises de position médiatiques dans un grand quotidien national et par sa volonté, défendue avec ardeur, d’établir un Institut de recherche national à vocation internationale. C’est à lui que je pense, c’est à ses combats, c’est à ses batailles que je veux rendre hommage alors que nous inaugurons cette belle manifestation.

Aujourd’hui, d’une certaine manière, cette première édition du Festival de l’histoire de l’art, à Fontainebleau, traduit l’empreinte qu’il a laissée dans cette discipline.

Cette rencontre est un moment décisif dans la mesure où elle reconnaît enfin, oserais-je dire, la place de cette discipline dans la vie culturelle et intellectuelle de notre pays. Le public se rend massivement dans les grandes expositions, il adhère avec ferveur aux propositions des nouveaux musées – à l’image du Centre Pompidou-Metz - il est donc aussi en quête d’explications et de sens, comme l’illustre le succès des applications numériques qui accompagnent les expositions, à l’image du Livre « augmenté » - avec textes critiques et images commentées - consacré à l’exposition Monet du Grand Palais.

Première manifestation de ce genre en Europe, le Festival de l’histoire de l’art sera bien entendu une caisse de résonance pour les recherches et les travaux les plus novateurs dans la discipline. Il est ouvert à toutes les écoles, à tous les questionnements, à toutes les voies qui interrogent aujourd’hui l’objet visuel en France et en Europe. Il se donne pour ambition d’intéresser un très large public. Depuis la rentrée de 2008, afin d’enraciner une culture artistique commune, conformément au souhait exprimé par le Président de la République, un nouvel enseignement d’histoire des arts a vu le jour et s’est développé par étapes à tous les niveaux scolaires. Choisie par 20% des candidats au brevet des collèges, l’épreuve d’histoire des arts inscrite au programme du brevet est obligatoire depuis cette année. Depuis octobre 2009, fruit d’une mobilisation de très nombreux acteurs, un portail « Histoire des arts » a été mis en place mettant à disposition des enseignants plus de 3 000 fiches numérisées, bénéficiant depuis un an d’une présentation par territoire.

Le chemin est encore long pour mener cette « révolution éducative » à son terme : les résistances demeurent, les obstacles subsistent, mais je considère qu’un point de non-retour a été atteint, je considère qu’un cap a été franchi. Je mesure qu’il importe de mieux former les enseignants, qu’il conviendrait à terme de penser une véritable filière de formation à l’histoire de l’art. D’ores et déjà, de nombreux établissements, de nombreux enseignants se sont emparés de ce nouvel enseignement transversal. A cet égard, ce Festival a permis de donner une visibilité plus forte à ces questions et à ces enjeux, notamment à travers l’Université de printemps qui s’est tenue depuis jeudi, à l’initiative du Ministère de l’Education nationale et de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Cette initiative, vous l’aurez compris, ne veut ni exclure, ni sélectionner, ni hiérarchiser. Elle entend fédérer les métiers qui sont aujourd’hui les acteurs de l’histoire de l’art : universitaires, conservateurs du patrimoine, enseignants, éditeurs et libraires, collectionneurs, galeristes, mais aussi acteurs du tourisme culturel. Elle entend aussi faire dialoguer les arts et les artistes. Longtemps minée par des conflits, par des oppositions factices, l’histoire de l’art en tant que discipline trouve là les moyens de s’unir, de se rassembler, de se confronter aux défis d’un monde qui a érigé l’image – y compris l’image de soi - en fétiche. Aujourd’hui, elle est à même de donner un sens au devenir collectif, de redonner une perspective au chaos du monde, ou plus précisément au chaos né de la multiplication des simulacres en tous genres. A l’ère de la reproductibilité infinie de l’image, elle peut contribuer à donner de la cohérence, elle peut être un outil pour rendre plus intelligible notre temps. En d’autres termes, cette manifestation se donne pour ambition de « Réconcilier le sensé et le sensible », de valoriser ce que nos amis italiens appellent le « savoir-voir », de conquérir des œuvres qui ne parlent pas d’elles-mêmes.

Savoir concilier l’émotion et l’intelligible, le visible et le caché, la perception et la réflexion : c’est là l’enjeu de toute politique d’éducation artistique ambitieuse. Comme le disait Daniel Arasse, l’histoire de l’art consiste à montrer ce que l’on ne voit pas, d’apercevoir ce que le spectateur n’a pas vu.
L’histoire de l’art peut aussi permettre de lever les préventions et les intimidations de ceux qui n’osent pas franchir les portes des « temples » de culture. L’éducation du regard, dans un monde caractérisé par un bombardement d’images sans ordre, sans intelligibilité, sans hiérarchie, est plus qu’une exigence, c’est une nécessité. Aujourd’hui plus qu’hier, faire comprendre la construction d’une image, saisir les enjeux sociaux d’une œuvre, comprendre que l’image n’est pas la réalité mais qu’elle est la construction parfois savante d’un discours, ce sont là les voies d’une éducation à la culture.

L’art est aussi un apprentissage à la conquête de soi-même et du temps. L’art en effet est ébauche, construction, réalisation : autant d’étapes qu’un public immergé dans le règne de l’éphémère et de l’évanescent ne saurait négliger. N’oublions jamais que l’histoire de l’art porte une responsabilité à l’égard du passé, des monuments, des sites archéologiques, des tableaux qu’il importe de conserver ou d’acquérir. Conserver et transmettre, cette double mission qui lui est assignée dit bien son rôle social.

Je saisis l’occasion pour remercier la Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, ainsi que le Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative, Luc Chatel, pour le soutien qu’ils ont apporté au projet. Je souhaite également remercier l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) – et notamment l’équipe coordonnée par Florence Buttay - à qui été confié l’expertise et la conduite scientifique de l’opération mais aussi l’Etablissement public du château de Fontainebleau qui a su l’accueillir et mettre en valeur les lieux. A l’occasion du 10e anniversaire de l’INHA, j’y vois un signe de maturité et un tournant significatif. Cette initiative n’aurait pu voir le jour sans les collectivités territoriales qui ont apporté un soutien actif à cette première édition. Merci Monsieur le Maire de Fontainebleau, cher Frédéric Valletoux, qui avez mobilisé les équipes de votre ville, facilité l’accès au château et appuyé avec conviction la visibilité de l’événement. Merci Monsieur le Président du Conseil général, cher Vincent Eblé, d’avoir fait rayonner le Festival au-delà de son épicentre, dans toute la Seine-et-Marne et d’avoir valorisé le parcours « Le goût de l’ltalie ». Il permet aux visiteurs de découvrir les trésors cachés de 13 églises de votre département, sans oublier le délicieux château de Guermantes dont la seule évocation a un goût de madeleine, si j’ose dire ! Je veux aussi mentionner l’engagement personnel du directeur de l’Institut national du Patrimoine (INP), Eric Gross, dans l’organisation du Salon du Livre et de la revue d’art, et souligner combien le Centre national du Livre (CNL), le Syndicat national de l’édition – à travers sa section « Arts » et le Syndicat de la Librairie française, ont contribué activement à la présence de 50 éditeurs et libraires pour cette édition. Enfin, je tiens à remercier les mécènes et les partenaires privés (Veolia, Veralbane, Illy) qui ont été des soutiens indispensables ainsi que les partenaires médias de la manifestation (France 3, France Culture, Métro, les magazines L’Histoire, Connaissance des arts, Air France Magazine) qui ont fait le pari de l’audace et de la nouveauté.

La richesse de l’histoire de l’art se nourrit des autres approches : elle apprécie bien entendu l’histoire de l’objet visuel, de sa matérialité, mais elle est aussi ouverte à la littérature, à la philosophie, à l’anthropologie ou encore à la psychanalyse. Cette pluralité des approches peut lui permettre de s’insérer dans le débat public. Car « l’histoire de l’art doit être une discipline active dans la Cité », elle doit « favoriser une connaissance, une prise de conscience historique qui modifie les perspectives — si souvent naïves — du présent ». Je crois profondément à ce programme de travail défini par André Chastel tout au long de sa vie.
Depuis mon arrivée au Ministère de la Culture et de la Communication, j’ai porté une grande attention aux institutions qui transmettent le savoir et l’expertise dans le domaine de l’histoire de l’art, en particulier celles sur lesquelles mon Ministère exerce sa tutelle : l’Ecole du Louvre, l’Institut national du patrimoine (INP), l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). J’ai tenu à me rendre dans chacune de ces institutions, j’ai souhaité visiter les lieux et rencontrer les acteurs pour mieux comprendre leurs attentes. Je ne veux pas oublier les établissements du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les Universités, les Centres de recherche, de plus en plus ouverts aux partenariats internationaux, de plus en plus mobilisés par les initiatives d’excellence.

J’ai également consolidé et suivi avec attention le projet d’une grande Bibliothèque de l’histoire de l’art – la plus importante de France - un lieu qui serait en quelque sorte la « bibliothèque de Babel » d’un Borgès devenu historien de l’art, un lieu qui sera une référence en Europe. Ce formidable outil pour les études et la recherche est porté par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), en partenariat avec l’Ecole du Louvre et l’Ecole nationale supérieure des Beaux arts. Il s’installera en 2014 au cœur du quadrilatère Richelieu, dans l’emblématique salle Labrouste, bien connue des habitués de la Bibliothèque nationale de France.
J’ai par ailleurs contribué à la renaissance de la bourse Focillon, créée, comme vous le savez, au début des années 1950 par le ministère des Affaires étrangères, en souvenir de la mort d’Henri Focillon à Yale en 1943. J’ai souhaité ainsi favoriser la poursuite d’une coopération vieille d’un demi-siècle, avec l’une des plus prestigieuses universités américaines.

L’histoire de l’art est servie – j’en prends la mesure lors de mes déplacements en région, lors de mes « visites du dimanche » dans les musées, dans les sites archéologiques, dans les monuments historiques - par des personnalités engagées et passionnées, qui, souvent, sacrifient beaucoup pour leur désir de comprendre, mais aussi leur passion de transmettre. Universitaires, conservateurs du patrimoine, acteurs diverses s’engagent sans retenue dans leur recherche, avec le souci constant de faire connaître à des publics différents le résultat de leur travaux. Depuis deux ans, je rencontre des femmes et des hommes admirables, véritables « héros », véritable témoins vivants de la Culture, authentiques serviteurs de sa transmission au public.

Choisir Fontainebleau comme lieu d’attache pour un festival de l’Histoire de l’art n’est pas anecdotique. C’est ici que la Renaissance italienne a embrassé l’art français, c’est ici que des artistes de premier ordre ont séjourné à l’invitation de François Ier mais aussi de Napoléon, c’est dans ces murs que Nicolas Poussin, arrivant de Rome, a demeuré quelques jours avant de gagner Paris et la cour de Louis XIII. Cette ville et ce château constituent un carrefour européen, le lieu de rencontres artistiques exemplaires du Primatice à Coypel, dont nous venons de découvrir les cartons restaurés. Le château de Fontainebleau entretient un rapport singulier au temps et à l’histoire. A Rome, ville millénaire, le promeneur peut apprécier le legs artistique du passé, construit par tranches successives, chaque période se superposant à l’autre, dans une sorte de millefeuille aux strates complexes. A Fontainebleau, les couches du temps sont verticales, chaque moment de notre histoire se montre côte à côte, les rayonnages du temps rendent visible les séquences de l’histoire des modes et des représentations. Etait-il un lieu plus adéquat pour évoquer à la fois l’histoire de l’art français et celle des influences et des contaminations artistiques ?
Cette rencontre est un « festival », qui entend instruire mais aussi séduire. Nulle volonté de céder à l’impératif festif, mais plutôt le souhait d’offrir une tribune aux spécialistes tout en invitant un très large public à partager les savoirs. Cette manifestation, avec des conférences, des expositions, des concerts, un Salon du livre et de la Revue d’art, un cycle de films « Art et caméra » doit donner envie d’aborder l’art et son histoire à travers plusieurs outils. Elle doit également offrir l’occasion de « jouer sérieusement » avec les oeuvres comme nous y invitait Daniel Arasse.

Permettez-moi quelques mots enfin sur les modalités du festival : un thème annuel et un pays invité.
Le thème de cette édition est la Folie. Elle constitue une part de l’activité des artistes et de leur personnalité : la conception romantique de l’art a fait naître l’idée du génie. Au-delà, il y a aussi le moyen d’interroger un rapport au monde singulier entretenu par l’artiste. Les arts, dans leur diversité, questionnent la norme, la liberté irréductible des créateurs illumine à chaque instant le monde. A l’occasion du 500e anniversaire de la publication de l’Eloge de la Folie d’Erasme et du 50e anniversaire de l’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault, les organisateurs du festival ont également voulu inscrire cette première édition dans une histoire longue de la société et des pratiques culturelles. Histoire de l’art et philosophie ne sont jamais très loin : l’admirable Zénon de Marguerite Yourcenar est là pour en témoigner. De Camille Claudel à Van Gogh, des caprices baroques au psychédélisme, sans oublier les monomanes de Géricault, l’art est sur ce sujet un véritable miroir autant qu’un accoucheur de talents.

Le pays à l’honneur est l’Italie qui commémore cette année les 150 ans de son unité (1861-2011), acquise avec le soutien diplomatique et militaire de Napoléon III au royaume de Piémont-Sardaigne et à la monarchie de Savoie. Patrie des arts, des artistes et des historiens de l’art, c’est grâce à son patrimoine d’une richesse inestimable qu’elle a su transcender ses divisions et construire une identité nationale façonnée par la Culture. C’est par la puissance de conviction de ses historiens de l’art, de ses penseurs du patrimoine, qu’elle a su rayonner dans la République des savoirs. Aussi, j’ai choisi aujourd’hui de distinguer trois de ses personnalités en tant qu’Officier des Arts et des Lettres.

Chère Anna Ottani Cavina,

Vous êtes une voyageuse infatigable, une amoureuse des paysages aussi bien peints que réels, partagée entre l’Italie, la France et les Etats-Unis. Ce n’est certainement pas à vous que j’apprendrai qu’un paysage n’est pas seulement une mesure de l’espace mais aussi le véhicule d’un sentiment ; que le paysage est pour ainsi dire un état d’âme. Nous nous sommes connus à Rome, à la Villa Médicis plus exactement, dans cet écrin merveilleux qui vous fît aimer l’art français et où vous fîtes la connaissance de la première génération des historiens de l’art des années 70. Notre rencontre fut placée sous le patronage de François-Marius Granet, malheureusement plus connu par le portrait qu’en fit Ingres que pour ses œuvres, pourtant remarquablement subtiles. Subtile oui, un peu comme vous Anna Ottani Cavina, car derrière son apparence académique l’œuvre du peintre se révèle être une poésie au service de la délicatesse et de la fragilité des atmosphères lumineuses de cette belle terre d’Italie et de la campagne romaine.

Dans votre profession d’historienne d’art, vous avez su suivre des chemins riches et variés en montrant les évolutions du paysage et la genèse d’une modernité à travers les représentations du paysage : des lumières intérieures, lumières d’une aube béante entre deux-mondes du Caravage et des Caravagesques du XVIIème siècle aux Paysages que vous baptisez « de la Raison » dans l’art italien, français et européen du XVIIIè et de l’époque romantique. Paysages que vous admirez, auscultez, étudiez et dont vous avez présenté une merveilleuse exposition il y a 10 ans au Grand Palais.

Vous êtes une chercheuse mondialement reconnue mais également une enseignante engagée, passionnée et passionnante et pouvez vous féliciter d’avoir créer une réelle dynamique de recherche auprès de vos étudiants. Votre goût de la transmission et du partage avec le plus grand nombre vous pousse à créer et diriger la fondation d’Histoire de l’art Federico Zeri à Bologne, partenaire privilégiée de l’INHA de Paris, du Getty Research Institute de Los Angeles ou encore du London Courtauld Institute.

Chère Anna Ottani Cavina, vous avez ouvert des horizons lumineux, le ciel de l’art français et italien s’éclaircit sous votre égide mais c’est aussi toute la discipline de l’histoire de l’art qui vous sait gré de vos actions en faveur de son renouvellement, de sa reconnaissance et de la diffusion de ses savoirs.

Chère Anna Ottani Cavina, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes d’officier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Cher Salvatore Settis,
Vous êtes l’un des plus grands archéologues et historiens de l’art de l’Italie contemporaine. Spécialiste des civilisations grecques et romaines, vous avez étendu votre champ d’étude à l’histoire de la tradition classique et de l’iconographie dans la peinture en Europe de l’époque médiévale au XVIIème siècle, avec une prédilection particulière pour Giorgione et Dosso Dossi. L’énigmatique Giorgione au sujet duquel vous menez une enquête fascinante sur le mystère iconologique du sujet d’un tableau qui fit couler beaucoup d’encre, La Tempête.

Vous êtes également un ardent défenseur du patrimoine actuel de l’Italie que vous considérez en danger. Vos écrits, souvent redoutés, dans les tribunes des journaux italiens font date et ont inscrits la voix d’un historien de l’art dans le débat public. Vous êtes une grand figure européenne aux commandes d’établissements prestigieux comme la Scuola Normale de Pise et le Getty Research Institut de Los Angeles. Directeur ouvert, bâtisseur des ponts entre les Ecoles normales de Pise et de Paris, vous avez également été associé à la politique de recherche scientifique menée au musée du Louvre et avez tissé des liens forts avec la communauté des historiens de l’art et des archéologues français que représentent Alain Schnapp, François de Polignac, François Lissarrague ou Philippe Sénéchal. Vous êtes aujourd’hui à la tête d’un des laboratoires européens d’excellence pour la conservation du Patrimoine, LARTTE, Laboratorio Analisi, Ricerca, Tutela, Tecnologie ed Economia per il patrimonio culturale. Vous avez joué un rôle considérable dans les institutions internationales consacrées au patrimoine, au sein des comités d’experts, non seulement pour la défense et la préservation des biens culturels mais aussi pour l’amélioration de la politique de la recherche auprès du Ministère de l’Industrie, de l’Enseignement et de la Recherche et enfin, en prenant une position ferme et courageuse pour la qualité et l’intelligence des abords patrimoniaux, trop souvent menacés.

Cher Salvatore Settis, votre engagement est exemplaire. Grâce à vos travaux, à vos combats remportés contre les flétrissures du temps et des politiques négligentes, les couches du temps ne dessinent pas des strates hétérogènes, des mondes, des époques s’entrecroisent et construisent une unité ; la vie intérieure se fonde sur le même principe. Vous êtes un artisan du temps non pas segmenté, divisé et parcellaire mais du temps long. En praticien de ce « sombre abîme du temps » signalé par Buffon, vous nous avez montré que l’histoire des civilisations, l’histoire de l’art participent d’une intelligence de notre présence au monde.

Cher Salvatore Settis, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes d’Officier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Chère Rosanna Rummo,
Vous êtes une figure majeure de la coopération culturelle entre les institutions culturelles françaises et italiennes. Napolitaine de cœur, vous êtes une Européenne convaincue et une francophile assumée. Votre carrière dans la haute administration a de quoi faire pâlir toute personne qui souhaiterait écrire votre biographie tant elle est riche de rencontres, de responsabilités et d’initiative. Vous avez exercé d’importantes responsabilités au Ministère de l’Instruction publique, puis au Ministère des Biens culturels, à partir de 1999, où vous avez notamment contribué à l’accord de co-production cinématographique franco-italien. Vous avez été commissaire d’expositions et évènements culturels de grande ampleur notamment à Rome, aux Scuderie del Quirinale ou au Palazzo delle exposizioni. Des Journées franco-italiennes sur le théâtre, mises en œuvre avec l’ONDA à l’exposition Futurisme, mise en œuvre en partenariat avec le Centre national Georges Pompidou, votre relation à la France est pour ainsi dire naturelle et constante. Vous traduisez ici à Fontainebleau, à l’occasion de ce premier Festival de l’Histoire de l’art, la complicité artistique et intellectuelle qui unit nos deux pays, mais aussi l’amitié franco-italienne que vous mettez en œuvre depuis trois ans (2008) à l’Institut culturel italien de Paris avec passion et chaleur.

Chère Rosanna Rummo, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes d’Officier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Permettez-moi pour conclure, mesdames et messieurs, d’évoquer l’avenir et la prochaine édition du Festival de l’histoire de l’art. Conformément aux propositions du Comité scientifique, j’ai le très grand plaisir d’annoncer qu’un autre voisin de la France sera à l’honneur. En 2012, le Festival accueillera l’Allemagne et je me réjouis à cet égard que l’ouvrage du directeur du Centre allemand d’histoire de l’art, Monsieur Andreas Beyer, ait reçu le prix du Salon du livre et de la revue d’art, qui en permettra la traduction. Quant-au thème, il sera conjugué au pluriel puisqu’il s’agira des « Voyages ».

De l’Italie à l’Allemagne, cette manifestation entend prendre toute sa part dans la construction d’une Europe de la Culture, de la connaissance et des savoirs. Comme la Fête de la musique, comme la Nuit européenne des musées, comme les Journées européennes du Patrimoine, je souhaite que ce Festival soit un grand rendez-vous européen, un rendez-vous qui puisse servir une certaine idée de l’Art, de l’Image, de la Mémoire, en d’autres termes une certaine idée de l’Europe pour le XXIe siècle.

Je vous remercie.