Moins d’un an après le lancement de la charte « Pour les femmes dans les médias », elles sont près de 80 entreprises du secteur des médias à se mobiliser massivement contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Retour sur la deuxième vague de signatures, qui s’est tenue le 21 janvier.

C’est une étape significative dans le combat pour l’égalité et la diversité. Lancée en mars 2019, la Charte « Pour les femmes dans les médias », une initiative de l’association du même nom, a été signée, le 21 janvier, en présence du ministre de la Culture, par 59 nouvelles entreprises du secteur des médias, ce qui porte à 77 le nombre de signataires.

« C’est bien l'ensemble du secteur des médias – depuis les groupes de télévision, de radio, de presse, jusqu’aux sociétés de production, acteurs de l’industrie musicale, organisations professionnelles et même festivals – que vous êtes parvenus à fédérer autour d’un enjeu essentiel, la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes », s’est réjoui Franck Riester, en saluant le travail accompli en moins d’une année. Avant d’en arriver à cette « réussite », les premiers signataires ont apporté leurs témoignages sur les mesures et les actions mises en place au sein de leurs groupes respectifs. Retour d’expériences.

Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions: « Restaurer la confiance »

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« Nous avons mis en place une ligne téléphonique, spécifiquement dédiée au harcèlement, qui garantit totalement l’anonymat de celles ou ceux qui appellent. C’est une ligne directe qui remonte les sujets et les fait éclore. La bonne nouvelle, si l’on peut dire, c’est que depuis sa création, 25 cas de harcèlement nous sont parvenus, qui ont donné lieu à des sanctions allant jusqu’au licenciement dans les cas avérés. Une ligne existait déjà par le passé, mais elle était externalisée et ne fonctionnait pas correctement. Aujourd’hui, les gens appellent. Plus ça va aller, plus la confiance va s’installer durablement parmi les équipes ».  

Gilles Pélisson, PDG du Groupe TF1 : « Prévenir, protéger, partager »

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« Nous nous sommes concentrés sur trois types d’actions : prévenir, protéger et partager. Concrètement, cela signifie développer la diffusion d’outils pédagogiques aux collaborateurs rappelant les articles du code pénal, intensifier les actions de formation à destination des managers pour leur permettre de détecter les signes et notamment les signaux faibles sur le harcèlement avec des risques psychosociaux, mettre en place des personnes référentes au sein des équipes et assurer un accompagnement psychologique en collaboration avec un cabinet externe ».

Thomas Valentin, vice-président du groupe M6 : «Mettre en place des référents»

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« Ce qui compte, c’est d’être concret, c’est précisément ce à quoi nous a poussés l’association « Des femmes pour les médias ». Nous sommes dans une phase où nous faisons des opérations pilote, sur le modèle de la télévision, pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Nous avons d’ores et déjà identifié certaines actions en matière de sensibilisation et de formation, dont celle consistant à mettre en place des référents. L’idée est d’avoir, au sein des équipes, une dizaine de référents hommes et femmes à qui l’on pourra se confier, que l’on soit victime soi-même, ou que l’on sente qu’un problème peut survenir ».

Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+ : « Une femme à la tête de StudioCanal »

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« Sur ce sujet, je suis convaincu que si l’on ne fait pas les choses de manière proactive, on n’y arrive pas. A Canal+, nous sommes extrêmement mobilisés : réduction des écarts salariaux, promotion du congé paternité qui passe à quatre semaines… Nous avons mis en place toute une série de mesures concrètes. Nous sommes également très vigilants quant à la représentation des femmes dans nos productions. Cette année, cinq de nos séries seront dirigées, pilotées, écrites et produites par des femmes. Je suis enfin très fier de la nomination d’Anna Marsh à la tête de StudioCanal, le plus gros studio de cinéma en Europe. Et pourtant elle a hésité quand je lui ai proposé, signe que les mentalités doivent aussi changer chez les femmes ».

Louis Dreyfus, président du directoire du Monde : «Vers l’égalité salariale et la parité»

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« Au Monde, l’égalité est en bonne voie. Au niveau des salaires, nous avons un différentiel qui est de 2 % entre les hommes et les femmes, nous sommes donc en train de nous diriger vers l’égalité salariale. Et au niveau de la parité, sur 100 cadres dirigeants, nous sommes à 55 hommes et 45 femmes. Pour autant, le chemin à parcourir est encore long. Quand le mouvement MeToo a éclaté, parallèlement au travail d’enquête mené par la rédaction, nous avons voulu interroger notre propre passé. Avec un cabinet extérieur, nous avons lancé un questionnaire anonyme auprès de l’ensemble des salariés en prenant l’engagement de partager les résultats. Premier résultat significatif : la remontée de faits de harcèlement et d’agression. Ce qu’on a pu constater aussi, c’est que, malgré l’anonymat du questionnaire, on pouvait très bien reconnaître le sexe de la personne qui y répondait : les hommes disaient massivement que la parole des femmes était aussi entendue que celle des hommes, et les femmes disaient massivement l’inverse. Nous nous sommes surtout rendus compte que les dispositifs d’alerte ne marchaient pas, d’où la mise en place d’une cellule d’écoute vers laquelle les salariés victimes ou qui s’estimaient victimes ont pu se tourner. Parallèlement à une démarche d’accompagnement, les cas qui sont remontés ont pu aller jusqu’à des licenciements ».

 

Franck Riester : « La culture est aux avant-postes »

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« Certains événements récents ont montré que la parole des femmes victimes de harcèlement et de violences était, non seulement véritablement écoutée, mais qu’elle avait le pouvoir de changer les rapports de force », a déclaré Franck Riester, le 21 janvier, se référant directement aux témoignages de l’actrice Adèle Haenel et de l’éditrice Vanessa Springora. Dans cette prise de conscience qui touche l’ensemble de la société française, « la culture est aux avant-postes », a martelé le ministre de la Culture, en se portant garant d’un « combat mené au ministère de la Culture avec la plus grande détermination » (lire notre entretien). Parmi les initiatives récentes, notons que le versement des aides accordées par le CNC est désormais conditionné au respect par les entreprises qui les demandent d’obligations en matière de prévention du harcèlement et que « des référents en matière de prévention de la violence et de harcèlement sexuel et sexiste devront être nommés sur les tournages et lors de la promotion des films ». Le ministre évoque également le soutien aux chartes adoptées par les établissements d’enseignement supérieur et la mise en place imminente de la cellule d’écoute accessible à l’ensemble des salariés permanents et intermittents du spectacle vivant. « Nous ne devons pas perdre de vue notre objectif : l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », a-t-il conclu.