Le 6 septembre marquera le lancement des junior classes de l’École du Louvre, une proposition innovante destinée à initier les lycéens, les jeunes étudiants et les néophytes à l’histoire de l’art. Le point avec Claire Barbillon, directrice de l’établissement.

Proposer des cycles thématiques de huit séances d’une heure, le jeudi soir, pour apprendre à mieux regarder les œuvres d’art qui éclairent notre culture contemporaine, telle est l’ambition des junior classes de l’Ecole du Louvre. Accessibles dès l’âge de 15 ans, elles s’inscrivent dans la politique d’éducation artistique et culturelle de l’établissement. Entretien avec Claire Barbillon, sa directrice.

Les junior classes de l’École du Louvre sont pensées comme des « boîtes à outils » permettant de décrypter et de comprendre les grandes œuvres de l’histoire de l’art. Quels sont les enjeux d’une telle démarche ?

Parallèlement à la formation initiale de ses élèves, l’École du Louvre, dispense de nombreux enseignements à un large public d’auditeurs, qui, toutefois, ne comprend qu’une faible proportion de jeunes. En tant qu’enseignante, je suis particulièrement sensible aux enjeux d’éducation artistique et culturelle et lors de mon arrivée à la direction de l’Ecole, en décembre dernier, j’ai décidé de diversifier ce public.

Il m’a semblé qu’il y avait des jeunes qui pouvaient, sans nécessairement être en âge de faire des études supérieures, avoir envie de mieux connaître l’art pour trouver des repères et se sentir plus à l’aise dans les musées. A travers ces junior classes nous souhaitons offrir aux néophytes qui le souhaitent des cycles d’initiation, et leur donner ainsi les clefs nécessaires pour comprendre les œuvres exposées. 

Pour l’instant, nous sommes dans une phase expérimentale : les jeunes qui vont venir le 6 septembre prochain sauront sans doute déjà un peu ce qu’est l’histoire de l’art. Mais nous aimerions, dans les années à venir, aller plus loin encore, et réussir à toucher un public qui ne demande qu’à apprendre.

Ces junior classes seront organisées en trois grand cycles : « la mythologie grecque et romaine », « les religions et leurs images » et « les grandes figures de l’histoire et du quotidien ». En quoi ces thèmes sont-ils stratégiques ?

Pour définir ces cycles, nous nous sommes posés la question des obstacles que l’on est susceptible, en tant que visiteur, de rencontrer dans un musée. Une personne qui, par exemple, n’aurait aucune culture préalable au niveau religieux serait en difficulté pour aborder les très nombreuses œuvres qui font référence au judaïsme, au christianisme et à l’islam. La question des religions et de leurs images me paraît d’autant plus cruciale qu’elle revêt une valeur sociétale : nous devons poursuivre un dialogue interculturel et une véritable reconnaissance respectueuse  des cultures de chacun.

Le thème de la mythologie grecque et romaine est assez ancré dans la culture scolaire mais il nous a semblé judicieux de l’aborder du point de vue des œuvres d’art pour montrer toute la modernité de cet héritage. On oublie aisément que la représentation de la violence, par exemple, ou encore celle des super-héros prennent leurs racines dans l’antiquité !

Enfin, s’agissant du troisième et dernier cycle, « les grandes figures de l’histoire et du quotidien », nous trouvions qu’un certain nombre d’allégories du pouvoir demeuraient très présentes de nos jours. Je pense aussi  aux héros littéraires, issus de l’œuvre de Dante ou de celle de Shakespeare, qui sont régulièrement repris sans être nécessairement bien connus. C’est intéressant de comprendre comment, à travers ces grandes figures de l’histoire et du quotidien, un artiste cherche à créer un consensus, à véhiculer des idées. Une de nos séances sera spécialement dédiée à Jeanne d’Arc et Marianne, ce qui nous permettra d’aborder des thèmes tels que l’identité ou le patriotisme.

Les junior classes ont vocation à être démultipliées en région

Si les junior classes rencontrent le succès escompté, l’Ecole du Louvre envisagera-t-elle d’élargir encore ses programmes, notamment en accordant une place plus importante à l’éducation artistique et culturelle ? 

L’Ecole du Louvre accorde déjà une place conséquente à l’éducation artistique et culturelle, ne serait-ce qu’en formant depuis une douzaine d’années de futurs médiateurs culturels grâce à son master "Médiation" Celui-ci permet à nos étudiants d’intervenir comme médiateurs dans des zones faisant l’objet d’une politique d’éducation prioritaire et d’organiser des visites de musées avec des jeunes qui peuvent être tout à fait intéressés par un avenir dans les métiers du patrimoine mais qui, pour des raisons d’éloignement culturel, n’y pensent pas forcément.

Nous formons donc déjà nos élèves de manière à ce qu’ils soient de futurs acteurs de l’éducation artistique et culturelle ! Mais avec les junior classes, nous cherchons à ouvrir la pédagogie de l’École et à la décliner dès l’adolescence. Si l’expérience se révèle concluante, nous envisageons, en effet, de la développer avec nos partenaires habituels, c’est-à-dire les musées en région. Nous proposons pour l’instant une première expérience sur notre site de l’École du Louvre mais à moyen et long termes ces programmes de junior classes ont bel et bien vocation à être démultipliés.