Pour lutter contre la désinformation et la prolifération des fausses nouvelles, Françoise Nyssen a présenté, jeudi 15 mars, aux Assises du journalisme de Tours, les deux volets de son plan d'ensemble. Explications.

Un texte sur les fausses nouvelles qui sera présenté prochainement au Parlement et un véritable plan pour l’éducation à l’information et aux médias, dont l’enveloppe va passer de 3 à 6 M€ : tels sont les deux volets de la réponse globale apportée par la ministre de la Culture pour lutter contre la désinformation et la prolifération des fausses nouvelles. « L’enjeu de ce combat, c’est la défense de notre démocratie », a souligné Françoise Nyssen aux Assises internationales du journalisme de Tours, en rappelant que le journalisme est « le premier et le plus solide bouclier contre la désinformation ».

Premier volet : légiférer sur les fausses nouvelles et la désinformation

« Les fausses nouvelles ont toujours existé, ce n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui est nouveau c’est leur viralité à l’ère numérique », a affirmé Françoise Nyssen. Face à ce défi, « le droit français n’est plus adapté », a expliqué la ministre, car « il ne permet pas d’agir assez vite, ni de façon systématique ». « Nous avons besoin de garde-fous », a-t-elle ajouté, avant de présenter les grandes lignes du texte sur les fausses nouvelles qui sera déposé prochainement au Parlement.

Ce texte, dont l’objectif est de lutter contre la prolifération de fausses nouvelles, notamment sur internet, comprendra trois grands axes. En premier lieu, la création d’un « devoir de coopération » pour les plateformes, dont l’objectif est de faciliter le retrait de contenus signalés et la mise en place d’outils de vérification de faits. Deuxième axe de réflexion : une « obligation de transparence » sur les contenus sponsorisés – identité du sponsor, montant du sponsorisés – pourrait être imposée, pendant les campagnes électorales, à ces mêmes plateformes. Enfin, toujours en période électorale, le texte propose la création d’une nouvelle procédure judiciaire qui permette de suspendre, dans les 48h, la diffusion de nouvelles "manifestement fausses" faisant l'objet d'une diffusion massive et artificielle.

Deuxième volet : développer l’éducation aux médias

« Cette loi sur les fausses nouvelles est nécessaire, mais elle ne suffira pas », a assuré Françoise Nyssen, en précisant que « l’éducation à l’image, à l’information, aux médias doit devenir un élément du programme pour tous les enfants avant l’entrée dans la citoyenneté ». Pour concrétiser cette ambition, la ministre de la Culture s’est engagée à augmenter de façon significative l’enveloppe budgétaire dédiée à ce domaine, qui passera de 3 à 6 millions d’euros. Ce budget sera dédié à un véritable « plan pour l’éducation à l’information ».

Ce plan comprend trois volets. En premier lieu, un soutien renforcé des actions de sensibilisation menées par les professionnels et les associations auprès des jeunes. « Il sera étendu à l’ensemble du territoire », a précisé la ministre. Deuxième volet : la création d’un grand programme civique pour l’éducation aux médias. « A terme, l’objectif est de mobiliser au moins 400 jeunes ». Enfin, la ministre de la Culture va demander aux sociétés de l’audiovisuel public de renforcer leur mission éducative en construisant une offre commune en matière d’éducation aux médias. « A court terme, [cette offre] se concrétisera par la création d’une plateforme de décryptage des fausses nouvelles », a conclu Françoise Nyssen.

Première manifestation à bénéficier de cet effort : la 29e Semaine de la presse et des médias dans l'école, organisée du 19 au 24 mars par le Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (CLEMI). Elle prendra, cette année, une ampleur nouvelle avec 17 500 établissements scolaires mobilisés, soit 500 de plus qu'en 2017.  Des lycéens se verront confier la rédaction en chef d’une émission de la chaîne franceinfo (Instant Module) tandis qu’élèves et enseignants pourront assister aux différents événements et atelier proposés par Radio France (France Inter, France Info et Mouv’). Les chaînes TF1 et LCI accueilleront également des élèves au cours des conférences de rédaction de plusieurs programmes (journaux télévisés, météo, reportages).

Françoise Nyssen : "Il faut apporter une réponse globale face au fléau des fake news"

Le 4 avril, la ministre de la Culture est intervenue en clôture de la conférence sur "Les démocraties face aux manipulations de l'information" organisée par le ministère des Affaires étrangères. "A tous les journalistes et professionnels des médias, je le répète : notre meilleure protection contre le fléau des fake news, c’est vous. C’est votre travail et ce sont vos outils de vérification des faits : ils sont trois fois plus nombreux aujourd’hui qu’il y a quatre ans", a rappelé Françoise Nyssen, avant de revenir sur la nécessité d'apporter une "réponse globale" face à la désinformation. Premier impératif : il faut "moderniser notre droit". "C’est l’objectif de la loi contre les fake news, qui doit nous permettre de responsabiliser les plateformes et d’améliorer l’efficacité de nos réponses à l’ère du numérique". Second impératif : développer une pédagogie contre les risques de désinformation. "Pour cela, la sensibilisation des jeunes est fondamentale", a indiqué la ministre, en rappelant qu'elle avait doublé lebudget du ministère de la Culture consacré à l’éducation aux médias. "Pas d'économies sur la santé de la démocratie", a-t-elle justifié. Toujours dans une optique de renforcement de la pédagogie, la ministre de la Culture a également demandé aux sociétés de l’audiovisuel public de s’engager dans la création d'une plateforme commune de décryptage des fake news. "C’est une initiative inédite, et un modèle de coopération très prometteur", a-t-elle conclu.