Annoncées à l'occasion du Festival de Cannes, les premières assises sur la parité, l'égalité et la diversité dans le cinéma se sont tenues le 20 septembre, à Paris. Françoise Nyssen y a présenté des mesures en faveur de la parité.

"Il faut agir", "changer la donne", "l'heure est venue de passer à l'égalité en actes". Derrière les mots de la ministre de la Culture, ce sont toutes les femmes de l'industrie cinématographique qui ont pris cette initiative à l'occasion du 71e Festival de Cannes. Qu'elles soient réalisatrices ou décoratrices, scriptes ou scénaristes, actrices ou productrices, ces femmes revendiquent aujourd'hui ce qu'elles auraient toujours dû obtenir : l'égalité concrète entre les hommes et les femmes. Le récit d'une mobilisation sans précédent pour l'égalité.

Une montée des marches 100% féminine

C'est l'une des images fortes du 71e Festival de Cannes. Lors d'une montée des marches 100% féminine, samedi 12 mai, 82 femmes du 7e art, dont la présidente du jury Cate Blanchett et la réalisatrice Agnès Varda, ont réclamé "l'égalité salariale" dans le cinéma. 82, comme le nombre de femmes retenues en compétition pour la Palme d'or par le Festival de Cannes depuis sa première édition en 1946, contre 1 688 hommes.

"Nous mettons au défi nos gouvernements pour appliquer les lois sur l'égalité salariale", a déclaré la Française Agnès Varda, qui a pris la parole à côté de l'actrice australienne Cate Blanchett. "Nous mettons au défi nos institutions pour organiser activement la parité et la transparence dans les instances de décision. (...) Nous demandons l'équité et la réelle diversité dans nos environnements professionnels", ont-elles ajouté.

"Les femmes ne sont pas minoritaires dans le monde et pourtant notre industrie dit le contraire", ont relevé Cate Blanchett et Agnès Varda. Autour d'elles sur le tapis rouge, figuraient Salma Hayek, Marion Cotillard, Claudia Cardinale et les quatre autres membres féminins du jury, l'actrice française Léa Seydoux, l'actrice américaine Kristen Stewart, la réalisatrice américaine Ava DuVernay et la chanteuse burundaise Khadja Nin.

Passer à l'égalité en actes

Concernant la lutte contre le harcèlement sexiste dans le milieu du cinéma, Françoise Nyssen est très claire. "Nous avons déjà trop attendu. L'heure est venue de passer à l'égalité en actes", a affirmé la ministre de la Culture. Pour cela, elle a participé, dimanche 13 mai, aux côtés d’Alice Bah Kuhnke, ministre suédoise de la Culture et de la Démocratie, de Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes, et d’Anna Serner, présidente de l’Institut suédois du film, à "Take Two", un événement consacré aux prochaines étapes de ce combat. En 2017, cet événement a mis en lumière les effets positifs de l’égalité femmes-hommes et de la diversité sur le processus de création artistique. Cette année, il offrira l’occasion de débattre des prochaines étapes à mettre en œuvre pour défendre l’égalité femmes-hommes et lutter contre le harcèlement sexiste.

"Promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est défendre la liberté de création, l'innovation. C’est offrir au cinéma la chance de bénéficier de tant de talents, dans tous les métiers qui le font vivre ! C’est tout le sens de cette conférence. Avec mon homologue suédoise Alice Bah Kuhnke, le CNC et l’ensemble des professionnels présents, nous partageons la même détermination à agir, a assuré Françoise Nyssen, ministre de la Culture.

"Lorsque le mouvement #MeToo s’est propagé dans le monde, j’ai ressenti un mélange de tristesse et de colère en lisant tous ces témoignages de violences et de dévalorisation à l’encontre des femmes. Nous aurions dû aller beaucoup plus loin. Mais je me suis sentie également investie du pouvoir et de la détermination de prendre ces problèmes à bras le corps. À nous maintenant qui savons, de mettre au point des outils pérennes en faveur de l’égalité et de veiller à ce que le harcèlement et les violences au travail n’aient plus droit de cité dans le milieu du cinéma", a ajouté Alice Bah Kuhnke, ministre suédoise de la Culture et de la Démocratie.

Des engagements concrets pour "changer la donne sans attendre"

"J'ai décidé d'actionner tous les leviers qui sont à ma portée, sans attendre, pour agir contre des réalités qui sont indignes de notre modèle culturel", a affirmé lundi 14 mai Françoise Nyssen, en présentant, à l'occasion de la rencontre "50/50 pour 2020", les mesures qu’elle compte prendre pour établir la parité et l’égalité dans l'industrie cinématographique. La ministre de la Culture a indiqué qu'elle allait d'abord organiser des "Assises de l’égalité femmes-hommes dans le cinéma", avec les représentants du secteur. Ces Assises se tiendront à Paris à la fin du mois de juin, les débats, se déroulant autour de six axes majeurs : la formation ; l’égalité salariale ; la prévention du harcèlement ; l’accès aux postes de direction ; la lutte contre les stéréotypes ; la promotion de la parité par la régulation.

L’objectif est de parvenir à une "Charte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cinéma" signée par les professionnels. La ministre a précisé que l’adhésion à cette Charte sera une "condition d’attribution des aides du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)".

Françoise Nyssen a souhaité également qu’un système de "bonus" soit mis en place pour soutenir les films dont les équipes sont exemplaires en matière de parité. Enfin, la ministre va créer un fonds de dotation en France pour soutenir de jeunes réalisatrices du monde entier, rappelant qu’en France "le budget moyen d’un film réalisé par une femme s’élève à 2,6 millions d’euros contre 6,5 millions pour le film d’un homme. Un écart de 60% !" Ce fonds de dotation, qui réunira le concours de l’Etat et de mécènes privés, accompagnera des réalisatrices dans le développement et la production de leurs films.

Une charte pour la parité dans les festivals

Le Festival de Cannes, la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique : ces trois festivals, ô combien emblématiques du 7e Art, ont été, lundi 14 mai, les premiers signataires de la "charte des festivals internationaux de cinéma" en faveur de  la parité femmes-hommes, à l'initiative de le collectif 50/50 pour 2020.

A travers cette charte, qui sera proposée à tous les festivals internationaux, le Festival de Cannes s'engage notamment à "rendre transparente la liste des membres des comités de sélection et programmateurs" pour "écarter toute suspicion de manque de diversité et de parité". Les signataires de la charte s'engagent aussi à "genrer" les statistiques pour les films soumis à sélection "afin d'accompagner le mouvement avec des données certaines". La charte leur demande enfin de mettre en place "un calendrier de transformation des instances dirigeantes des festivals pour parvenir à la parfaite parité".

"Après l'affaire Weinstein, on espère que Cannes permettra de renforcer l'idée que le monde n'est plus le même, que le monde a changé et doit encore plus changer", a souligné Thierry Frémaux, à l'issue d'un colloque sur la parité présidé par Françoise Nyssen. "Nous devons interroger nos propres pratiques, nos habitudes et notre histoire : une seule femme Palme d'or et 82 réalisatrices seulement en sélection. C'est le reflet d'une situation statistique qui dure depuis Alice Guy, première femme réalisatrice", a ajouté le délégué général.

Françoise Nyssen : "Agir concrètement en faveur de la parité"

"Un bonus de 15% dans les subventions pour les films dont les équipes sont exemplaires en matière de parité". Cette mesure "inédite" est l'une des cinq que Françoise Nyssen a présentées lors des premières assises sur la parité, l'égalité et la diversité dans le cinéma qui se sont tenues le 20 septembre, à Paris. Ces assises, rappelons-le, étaient destinées à concrétiser la prise de conscience qui était apparue lors du dernier festival de Cannes. "Il n’y a qu’une façon d’éviter que la vague ne retombe, c’est d’agir", a souligné la ministre de la Culture. Verbatim.

> Un bonus de 15% pour les subventions : "Nous allons expérimenter en 2019 un bonus de 15% sur le soutien mobilisé pour la production, pour les films dont les équipes sont exemplaires en matière de parité. Un barème sur 8 points sera mis en place pour rendre compte de la présence de femmes aux postes clés : avec 1 point en cas de réalisatrice, 1 point si l’auteur est une femme, et 1 point par poste de chef technique occupé par une femme. Le bonus sera ouvert dès lors que l’équipe technique totalise au moins 4 points. Aujourd’hui, moins d’un film sur six serait éligible", a détaillé la ministre, assurant qu’elle « croyait aux incitations financières. Quand les choses ne changent pas, c’est à nous de les faire changer ».

> Rendre obligatoires les statistiques de genre : "Dans les dossiers d’agrément au Centre national du cinéma (CNC), nous allons désormais rendre obligatoire le renseignement de statistiques de genre – sur les équipes techniques et sur la masse salariale : combien de femmes et d’hommes parmi les effectifs, quelle répartition sur les différents métiers, quels écarts de salaires éventuels…".

> Mettre en place une charte des bonnes pratiques : "Je propose qu’une "charte des bonnes pratiques pour l’égalité" puisse lier toutes les entreprises du cinéma en France, avec des engagements forts dans tous les champs : accès aux responsabilités, salaires, lutte contre le harcèlement… Mon ministère va lancer un groupe de travail avec les représentants de votre secteur pour qu’un texte soit prêt d’ici début 2019".

> Renforcer les partenariats avec les collectivités territoriales : "Je vais proposer aux élus de saisir cette opportunité pour intégrer aux conventions des mesures fortes en faveur de l’égalité : instauration de la parité femmes-hommes pour la composition des commissions d’attribution des aides ; les statistiques relatives aux films accompagnés incluent des données "genrées", comme pour les dossiers d’agrément au CNC ; renforcer l’accompagnement apporté aux femmes réalisatrices et d’améliorer leur accès aux moyens de création et de production".

> Accroître le nombre de films réalisés par des femmes dans les listes de films proposées dans le cadre des programmes d’éducation à l’image : "Aujourd’hui, les films signés par des femmes ne représentent que 7% des demandes de soutien à la restauration et à la numérisation déposées au CNC. Pour commencer, le groupe d’experts chargé de la sélection des films sera rendu paritaire, au moment de son renouvellement. Sa lettre de mission précisera l’objectif de valorisation accrue des œuvres de réalisatrices ".