Qu'en est-il de l’ouverture européenne et internationale de nos écoles ? Tel était l'un des thèmes abordés lors du 2e séminaire national des directrices et directeurs d’établissements de l’enseignement supérieur Culture, qui s’est tenu le 5 avril à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs. Compte rendu.

« La France, avec 343 000 étudiants étrangers, est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux ». Cette statistique, avancée par Marie Chamoreau, responsable des formations artistiques à l’Agence Campus France qui assure depuis 2010 la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, indique bien que la France est à la pointe dans ce domaine. Et entend aller encore plus loin. « Dans le cadre du plan « Bienvenue en France », l’objectif est de passer à 500 000 étudiants d’ici 2027 », assure-t-elle, et on perçoit, en creux, le rôle que le réseau des établissements de l’enseignement supérieur Culture – 99 établissements qui accueillent plus de 36 000 étudiants et délivrent plus de 40 diplômes nationaux – pourrait apporter à sa réussite.

 

La France, avec 343 000 étudiants étrangers, est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux. L’objectif est de passer à 500 000 étudiants d’ici 2027

 

La mobilité internationale des étudiants, chercheurs et artistes

Aujourd’hui, les enjeux de mobilité sont indissociables des enjeux d’attractivité et de rayonnement. La Cité internationale des arts de Paris qui accueille, depuis 1965, des artistes du monde entier en résidence, en est une parfaite illustration. « Nous avons des partenariats avec des écoles d’art sur l’ensemble du territoire mais aussi avec des universités étrangères. Nous avons également entrepris un travail important autour des artistes en exil pour qu’ils puissent se faire mieux connaître de l’ensemble du territoire. Notre objectif est de stimuler très largement la mobilité des praticiens de la culture », confie Bénédicte Alliot, sa directrice.

Cette problématique est propre à de nombreux établissements, chacun l’adaptant à sa spécificité, internationale ou européenne. Catherine Delvigne, directrice générale par interim de l’École supérieure d’art du Nord- Pas-de-Calais, met l’accent sur le projet, relancé depuis peu, d’une classe déconcentrée à Annaba en Algérie. « Elle s’articule à un projet de coopération décentralisée avec les villes de Dunkerque et Tourcoing qui a permis d’obtenir des financements ». Le jury sera composé de la même manière qu’en France. « On espère ouvrir l’an prochain », se réjouit-elle.

 

 

Côté européen, Christelle Kirchstetter, directrice de l’École des Beaux-arts de Nîmes présente le riche programme des deuxièmes rencontres franco-belges des écoles supérieures de création qui auront lieu à Arles, Nîmes, et Montpellier les 4, 5 et 6 juillet prochains. Rencontres du réseau européen des écoles supérieures de la photographie à Arles, coopérations franco-belges dans les écoles supérieures de la création à Nîmes, parcours de visites, comprenant notamment une exposition organisée avec le MAXXI à Rome, dans le cadre de l’ouverture du MoCo, structure multi-sites dédiée à l’art contemporain, à Montpellier… l’événement porte haut l’idée d’une Europe de la culture. « Dans la presse, le départ en Belgique de nombreux étudiants français est souvent présenté de manière négative, il participe pourtant de cette construction européenne » plaide Christelle Kirchstetter.

La construction européenne est également au cœur du projet du Relais Culture Europe, véritable plateforme d’appui pour les structures souhaitant développer un projet européen. Martha Guttierez, responsable du programme Europe créative au sein de cette institution, revient sur la philosophie de celle-ci en matière de mobilité : « le programme est un outil pour répondre à la mutation que connaissent les professions du fait de la transition numérique. L’objectif est de structurer le secteur d’ici les quinze prochaines années. La Commission européenne souhaite améliorer les perspectives de carrière pour tous les professionnels investis dans la diversité ».

 

Le programme Erasmus+ dans l’enseignement supérieur Culture

Dans le cadre du programme de mobilité de l’Union européenne, Erasmus+, le réseau de l’enseignement supérieur Culture envoie environ 1400 étudiants français en mobilité tandis qu’il reçoit 800 étudiants étrangers par an. « Avec 130 millions dévolus à l’enseignement supérieur sur un montant global de 247 millions d’euros, la palette des opportunités est vaste », indique Annabel Vuillier-Cools, chargée de développement de l’agence Erasmus+ France. Pour preuve, la présentation de projets qui tous bénéficient d’un financement au titre du programme.

Natacha Pakker, chargée de mission pour les actions internationales à l’École de Chaillot, évoque le partenariat qui, depuis l’an 2000, lie l’école à la Bulgarie. « À raison de deux jours toutes les deux semaines, nous mettons en place un cycle de formation professionnelle dans le domaine de la restauration et de la mise en valeur du patrimoine architectural, urbain et paysager à l’attention des architectes bulgares désirant se spécialiser dans la restauration du patrimoine ». A la clé, la création d’un réseau d’architectes spécialistes de la préservation du patrimoine en Europe.

 

 

Olivia Château, responsable des relations internationales à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre de Lyon, évoque le consortium créé avec le Conservatoire national supérieur de musique et de danse et l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon en vue de porter les activités issues des politiques de coopération de ces établissements avec l’Afrique subsaharienne : « Le désir de faire quelque chose ensemble dans le cadre de la saison Afrique 2020 nous a rapprochés. Nous avons donc constitué un consortium seul à même de nous permettre d’obtenir un financement dans le cadre d’une mobilité internationale de crédits (des crédits de mobilité hors de l’Union européenne (NDLR). Dans le cadre du consortium, nous avons mutualisé nos partenariats. Nous partageons en réalité beaucoup de choses, des valeurs communes, un désir d’être ensemble, des esthétiques, sans compter qu’il y a un avantage à partager les contraintes ».

Claire Barbillon, directrice de l’École du Louvre, explique comment le partenariat avec des écoles égyptiennes dans le domaine de la muséologie est à l’avantage des deux parties – gagnant, pour les écoles égyptiennes qui se sont adjoints les services d’institutions étrangères dont l’expertise est reconnue, gagnant pour l’École du Louvre qui, dans le cadre de l’étude de collections richissimes, « se décentre de ses pratiques habituelles et fait monter en compétences les équipes de l’école ». 

Nina Volz, responsable des relations internationales à l’École nationale supérieure d’art de Paris-Cergy, évoque le projet Creator Doctus, doctorat par la pratique artistique. « Réfléchir à ce thème dans un contexte transnational nous semble très cohérent. Dans le cadre d’une base de données sur les pratiques en Europe, nous bénéficions de l’expertise de ceux de nos partenaires qui ont une antériorité sur cette question ».

 

Accès, égalité, diversité : les actions de l’enseignement supérieur Culture

En matière d’égalité, les établissements de l’enseignement supérieur Culture se sont montrés particulièrement actifs en 2018. « Ils se sont remarquablement investis dans l’élaboration de chartes pour l’égalité femmes- hommes depuis fin 2017, mais nous sommes encore loin du compte », constate Agnès Saal, haute-fonctionnaire à l'égalité, à la diversité et à la prévention des discriminations au ministère de la Culture.Ces chartes sont le reflet des politiques volontaristes dont se dotent progressivement les établissements. « L’ENSAD a fait de la lutte contre le sexisme un enjeu prioritaire », assure le directeur, Emmanuel Tibloux, avant de donner la parole à Alexandra Piat, étudiante ayant fait de cette thématique l’objet de son mémoire de fin d’études : « Les étudiantes en écoles d’art côtoient les personnels d’encadrement tous les jours et sur du long terme. Ils détiennent un grand pouvoir et par conséquent, une grande responsabilité. Je vous demande de faire toujours plus, pour que mes successeuses n’aient plus à s’exprimer devant vous à l’avenir! ».

Saïd Berkane, délégué général adjoint de la Fondation Culture & Diversité, présente les missions d’accompagnement de la Fondation à destination d’élèves scolarisés en zone d’éducation prioritaire ou issus de milieux modestes, de la fin des études secondaires jusqu'à l’insertion professionnelle. Une cinquantaine d’établissements de l’enseignement supérieur Culture est actuellement partenaire de la Fondation. Nathalie Coste-Cerdan, directrice de la Fémis, préfère le terme de « pluralisme » à celui de « diversité ». Elle insiste sur l’impact positif de l’atelier Égalité des chances, le taux d’admission des bénéficiaires étant excellent, compte tenu de la sélectivité de l’école. Ludovic Raffalli, responsable du Pôle scolarité et handicap à l’École du Louvre, rappelle la nécessité de faire preuve d’écoute et de souplesse. Non seulement l’école est entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite, mais encore les 52 élèves en situation de handicap actuellement scolarisés dans l’établissement bénéficient d’aménagements ou de matériel spécifiquement adapté à leurs besoins.